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Nº 2913 du vendredi 6 septembre 2013

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Sami Gemayel, député du Metn. L’Amérique ne veut pas renverser Assad

Le dialogue, un gouvernement avec une déclaration ministérielle basée sur la déclaration de Baabda, et la neutralité: voici la recette proposée par Sami Gemayel, député du Metn, pour mettre le Liban à l’abri de la tempête qui menace la région.
 

Etes-vous de ceux qui perçoivent des signes d’ajournement des frappes militaires sur la Syrie, depuis que seuls les Etats-Unis et la France en sont partie prenante?
Je suis convaincu que le renversement du régime de Bachar el-Assad n’est pas leur objectif. Je sens que le lobby sioniste assure une couverture à Assad, qui justifie ce report. Tout cet atermoiement vient du fait qu’Israël n’a aucun intérêt à tirer du départ de Bachar el-Assad. La relation entre le régime Baas et Israël remonte à quarante ans. C’est une relation privilégiée qui a produit quarante ans de paix entre les deux pays. Quarante ans sans le moindre incident entre Israël et la Syrie sauf en 1982 lorsqu’il y a eu des frictions au Liban. Mais entre les deux Etats, c’est le calme depuis la guerre de 1973.

Ce que vous avancez explique les propos 
du président Obama qui dit vouloir adresser un message à Damas sans renverser le régime…
A mon avis, ils ne veulent pas son départ. Si jamais ils attaquent, ils frapperont pour la forme parce qu’ils se sont engagés devant la communauté internationale et que leur crédibilité est en jeu. Mais est-ce que cette frappe va aboutir à un changement de régime? Wait and see.

Quelles seront les retombées de cette frappe sur le Liban? Le président Nabih Berry a mis en garde contre l’exploitation d’une quelconque agression à l’interne.
L’Iran dit qu’il défendra Assad, c’est-à-dire que le champ va s’élargir. Aujourd’hui, l’Iran dispose d’un instrument au Liban qui est le Hezbollah. Que le Hezbollah entraîne le Liban dans la guerre, c’est là que réside le danger. Entraîner le Liban via des opérations menées par le Hezb contre Israël équivaut à la destruction du pays. C’est pourquoi nous mettons en garde le parti chiite contre toute intervention au cas où la Syrie est attaquée. De là, l’importance de la neutralité du Liban, parce que si le conflit interne syrien évolue en conflit régional et international, nous n’avons aucun intérêt à y être impliqués. Il est temps que le Liban vive en paix. Il ne peut plus supporter, il est au bord de l’effondrement économique, politique et institutionnel.

Votre avis sur les réserves émises par le ministre des Affaires étrangères, Adnan Mansour, sur le communiqué final de la Ligue arabe, en ce qui concerne l’adoption de mesures coercitives contre le régime syrien, et avant cela sa requête relative à la tenue d’un Conseil des ministres extraordinaire…
Je prône une politique de neutralité. Dans des affaires de ce genre, nous sommes favorables à ce que l’Etat libanais prenne ses distances, que le Liban soit impartial par rapport aux conflits dans la région. Quant au ministre Mansour, il n’est pas neutre. Il appuie le régime syrien, cela est clair, et ses positions sont souvent opposées à celles du président de la République. Nous avons remarqué à plusieurs reprises qu’il ne respectait pas la politique de distanciation, ni la position officielle de l’Etat qui est la neutralité.

Est-ce à dire que vous réclamerez en cas de mise sur pied d’un nouveau cabinet que le ministère des Affaires étrangères ne soit plus confié au tandem chiite?
Ce n’est pas une affaire de tandem chiite. Nous voulons un ministre engagé à respecter la politique du chef de l’Etat, à savoir la déclaration de Baabda et la tenue à l’écart du Liban. Cette déclaration a été signée par tous les composants politiques et tous les partis. Quelle que soit la personne qui occupe cette fonction, elle doit adhérer à cette déclaration qui a été officiellement distribuée à toutes les instances internationales, aux Nations unis et à la Ligue arabe. On ne peut pas prendre une décision à l’unanimité et agir de façon contraire. La distanciation ne signifie pas que l’Etat libanais ne puisse pas adopter une position claire vis-à-vis d’une affaire d’ordre humanitaire, comme les massacres et l’usage d’armes chimiques interdites. L’Etat se tient à distance du conflit interne syrien mais pas des questions humanitaires.

Par rapport à l’auto-sécurité, 
quel est votre avis sur les 
barrages érigés par le Hezbollah aux entrées de la banlieue sud, qui ont provoqué une crise avec les ambassades saoudienne et koweïtienne?
Dès le départ, nous avons déclaré être contre l’auto-sécurité. Nous comprenons que l’Etat n’ait pas les moyens d’assurer convenablement la sécurité dans toutes les régions libanaises, c’est pourquoi nous avons proposé le recours aux milliers de policiers municipaux qui peuvent épauler les FSI, surtout que la loi accorde à la police municipale une fonction de police judiciaire. Remplaçons l’auto-sécurité partisane et discriminatoire qui mène à la destruction du pays par la sécurité assurée par les institutions.

Que pensez-vous de l’initiative du président Berry qui a appelé à un débat sur le nouveau cabinet et sur le communiqué ministériel?
Nous ne sommes pas contre toute initiative qui invite les gens à dialoguer pour protéger le Liban. Nous estimons, qu’en ces circonstances où tout s’écroule, nous n’avons qu’une alternative: tenter de régler nos problèmes par le dialogue ou alors mener notre pays droit dans le précipice. Il n’y a pas de troisième option. Si vous souhaitez mettre un terme à l’effondrement, vous devez dialoguer. Le substitut au dialogue est le statu quo. Le dialogue est un espace de rencontre, c’est ce qui nous manque aujourd’hui. Le problème c’est que la distance qui sépare les Libanais a atteint un tel degré que nous ne nous retrouvons jamais. A mon avis, la première clause à discuter porte sur la déclaration de Baabda et son application. Il n’y aura pas de gouvernement s’il n’est pas basé sur la déclaration de Baabda. Retrouvons-nous pour un réengagement en faveur de cette déclaration. Pourquoi est-il impossible de mettre sur pied un gouvernement en dehors de cette déclaration? Parce qu’un gouvernement qui appuie le régime syrien ne bénéficie pas de la majorité, Walid Joumblatt n’y participera pas. Un gouvernement anti-régime ne peut pas voir le jour parce que le Hezbollah ne le permettra pas et je ne sais pas si Walid Joumblatt est prêt à une confrontation avec le Hezb. Donc pas de gouvernement pro-régime ni anti-régime. La seule solution est un gouvernement engagé en faveur de la déclaration de Baabda. La neutralité est une condition sine qua non de la renaissance des institutions. Sinon l’effondrement se poursuivra et sera total. Celui qui rejette cette issue doit assumer la responsabilité de la dégradation. La déclaration de Baabda signifie qu’il n’y a ni vainqueur, ni vaincu et nous met à l’abri de l’explosion.

Le parti Kataëb accepte-t-il que le Hezbollah soit représenté dans le nouveau gouvernement?
Là n’est pas la question. La question est la 
suivante: le Hezbollah est-il disposé à respecter la déclaration de Baabda? Peu importe qui sera représenté au gouvernement. La question que l’on pose toujours au Liban est de savoir qui sera ministre, alors que l’essentiel réside dans le 
programme du gouvernement. C’est 
fondamental. Si le cabinet est formé pour 
préserver la neutralité du Liban, il n’y a aucun problème à ce que le Hezbollah y soit représenté, s’il adopte la déclaration de Baabda. La question est: est-ce que le Hezbollah est prêt à se retirer du territoire syrien?

Est-ce que nous nous dirigeons vers une vacance de la présidence de la République?
Nous sommes contre un vide au niveau de la présidence. Le Parlement peut se réunir et élire un président en une heure de temps. Rien ne l’en empêche. Il était peut-être difficile d’organiser les élections législatives en ces circonstances, mais l’élection présidentielle est plus aisée. Il est impératif qu’elle ait lieu.

La série d’attentats à la voiture piégée, va-t-elle se poursuivre? Va-t-elle toucher les régions chrétiennes, à votre avis?
Il existe deux façons de protéger le Liban contre les explosions: la première est l’adhésion à la déclaration de Baabda qui donne la possibilité de se distancier de la crise syrienne. La deuxième est dans le renforcement du rôle de la police municipale dans l’ensemble des régions. Cette police connaît tous les véhicules du village et l’adresse de tous les habitants, elle peut mieux que les forces de l’ordre contrôler les véhicules douteux. 


Propos recueillis par Saad Elias

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