May Joumblatt, la mère du chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, est décédée à l’âge de 85 ans. Celle que l’on appelait la femme de l’ombre a joué un rôle de conseillère très écoutée par son fils.
Fille de Chakib Arslan, célèbre militant contre le colonialisme au Liban, née en 1928, May épouse Kamal Joumblatt le 1er mai de 1948 à Genève, contre le gré de ses parents et après trois années d’une vie amoureuse. C’est l’homme de culture et l’écrivain libanais, Amine Nakhlé, qui présenta son ami Kamal Joumblatt à May. Leur mariage fut hors norme puisqu’il liait deux familles traditionnellement rivales. De leur mariage est né un fils unique, Walid, héritier politique de son père. Ayant fait ses études en Europe, May Arslan, devenue May Joumblatt, n’était pas préparée à vivre selon les traditions féodales imposées à l’épouse du seigneur de Moukhtara, auxquelles elle ne réussissait pas à s’adapter ni à se reconnaître. Elle finit par s’éloigner, pour échapper à ce qu’elle ressentait comme une réclusion dans un milieu dont la mentalité lui était étrangère. Ne pouvant renoncer à sa liberté et à ses convictions laïques, que son éducation à l’occidentale lui avait inculquées, elle prit la décision de quitter le Liban pour rejoindre l’Europe, où elle se réalisait totalement. D’une très grande intelligence et d’une aussi profonde culture, May Joumblatt n’était pas seulement l’épouse d’un leader politique, elle avait ses propres opinions sur l’avenir et le sort qui seront ceux de son pays. Elle a marqué de sa présence et de sa personnalité, pendant un laps de temps, le palais de Moukhtara, où, cependant, elle se sentait quasiment condamnée à une sorte de réclusion. Sa vie fut longtemps riche sur le plan social et artistique, mais toujours dans une grande discrétion et dans l’ombre, loin des projecteurs. La régression de la condition féminine lui tenait à cœur et elle regrettait vivement la rapidité avec laquelle le port du voile avait gagné la société libanaise. Son analyse extralucide du sort et de l’avenir du pays et de la région la rendait fort pessimiste. Elle avait très tôt compris et condamné les guerres politiques qui dégénéraient en guerres confessionnelles. Son pessimisme sur la situation du pays et même du Moyen-Orient ne l’a jamais quittée. Au lendemain de l’assassinat de son époux, le 16 mars 1977, elle rentra au Liban rejoindre son fils unique et l’épauler dans sa carrière politique comme dans sa vie de famille. Très proche de lui, elle fut pour lui de très bon conseil sans jamais vouloir tenir elle-même le moindre rôle médiatique. Elle fut l’initiatrice de festivals et de concerts comme elle entreprit d’instaurer des liens avec les vieilles familles libanaises de la Montagne. Elle trouva sa joie et sa satisfaction surtout auprès de ses trois petits-enfants: Taymour, Aslan et Dalia.
Hospitalisée à l’hôpital de l’Université américaine, son fils Walid demeura à ses côtés jusqu’à son dernier souffle dans la nuit du lundi au mardi et, avec sa famille, il l’accompagna à son ultime demeure à Moukhtara, où elle repose près de la tombe de son époux.
C’est à sa résidence beyrouthine, puis au palais de Moukhtara, que Walid Joumblatt a reçu les marques d’affection et les condoléances de très nombreuses personnalités politiques libanaises et des représentants des pays étrangers.
Mouna Béchara