La réunion du G20, qui s’est déroulée à Saint-Pétersbourg, a été plombée par le dossier syrien qui a servi de révélateur à l’antagonisme de plus en plus patent entre Vladimir Poutine, ses
partenaires occidentaux et plus particulièrement Barack Obama.
Pendant deux jours, on se serait cru revenu au temps de la guerre froide. Le sommet officiellement consacré aux problèmes économiques s’est déroulé dans une atmosphère glaciale. Il faut dire que ni le président russe ni ses invités n’ont fait des efforts pour détendre l’atmosphère. Au contraire, abandonnant le langage diplomatique de rigueur dans les rencontres officielles, les dirigeants ont laissé éclater au grand jour leurs différends et leur animosité.
Après le refus du président américain de se rendre à Moscou avant le sommet à cause de l’affaire Snowden, les Russes savaient que la rencontre menaçait d’être houleuse. Dans ce contexte, pour éviter autant que faire se peut un clash, ils ont fait une entorse au protocole; alors qu’habituellement on y utilise l’alphabet du pays hôte pour placer les présidents, les Russes ont adopté l’alphabet latin, ce qui a permis de placer trois personnes entre Poutine et Obama.
Sourires figés
L’art des diplomates et des hommes d’Etat est de «faire bonne mine à mauvais jeu». Le moins que l’on puisse dire c’est qu’à Saint-Pétersbourg, ils n’ont pas vraiment réussi… C’est avec un sourire figé que le patron du Kremlin accueille son homologue américain. La poignée de main n’est pas franchement cordiale malgré la nuée de photographes qui se précipitent pour immortaliser la scène.
Dès le début de la rencontre, Poutine avait annoncé à ses invités que le problème de la Syrie, plus précisément l’éventualité d’une réponse militaire à l’attaque chimique présumée, serait évoqué lors du dîner officiel. «Certains participants m’ont demandé de donner le temps et la possibilité de discuter de sujets très importants, de la politique internationale en particulier et de la situation autour de la Syrie, je suggère de le faire pendant le dîner officiel», a-t-il dit.
Question de détendre l’atmosphère et de montrer la grandeur de la Russie, le Kremlin avait organisé deux spectacles, l’un avant le dîner, l’autre après. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont été accueillis au palais Peterhof par des créatures au décolleté généreux, portant perruques choucroute blond platine, éventail XL et angelots dorés agrafés au dos de leurs robes… un remake de la comédie «le roi soleil» dans une mise en scène kitsch à souhait… qui n’a pas été du goût de tout le monde loin s’en faut…
Petites phrases assassines
Tout au long du sommet, les participants n’ont pas été avares de petites phrases assassines.
Commentant la position russe sur la Syrie, l’ambassadeur américain aux Nations unies n’a pas mâché ses mots: «Le Kremlin prend le Conseil de sécurité en otage en verrouillant avec la Chine tout projet de frappes contre la Syrie».
Certes, le second jour, Poutine et Obama ont eu finalement un entretien en tête à tête d’une petite vingtaine de minutes. Interrogé sur la rencontre, Vladimir Poutine a tenté de se montrer aimable. «Nous avons eu une conversation amicale qui nous a permis de mieux cerner la position de l’autre», a-t-il déclaré avant que son conseiller pour les questions de politique étrangère, Youri Ouchakov, ne fasse une mise au point: «Avant la séance de travail, ils se sont assis dans des fauteuils et ont discuté pendant vingt minutes. Leurs positions ne se sont pas rapprochées».
Mais le clou a été la conférence de presse à l’issue du sommet. Le moins que l’on puisse dire c’est que les présidents russe et américain n’ont pas fait dans la dentelle.
Répondant à un journaliste qui posait une question sur la Syrie, Poutine est passé à l’attaque: «Aucun de vous ne peut nier que les deux parties ont du sang sur les mains… Je suis sûr que vous êtes d’accord que nous ne devons pas aider des gens qui, non seulement tuent leurs ennemis, mais les dépècent et mangent leurs entrailles devant des caméras». Tandis que le Premier ministre britannique David Cameron, qui avait évoqué le devoir moral d’intervenir en Syrie, devenait blanc comme un linge… n
Nathalie Ouvaroff, Moscou
Tu es un âne mon ami
Le président Barack Obama est sorti de ses gonds, se lançant dans une longue tirade contre le président russe qui l’écoutait visage fermé, regard lointain.
«Ici tout le monde estime que tu es un âne, je ne parle pas seulement de la Syrie et de l’affaire Snowden, il y a eu également l’affaire des Pussy Riot, la loi anti-gay. Tu agis comme un âne et ne crois pas que c’est uniquement mon opinion, demande à Angela Merkel et à David Cameron, tous jugent que tu es un âne». «Il ne me fait pas peur ce maigrichon, j’ai lutté avec des ours», a répondu Poutine avant de clore abruptement la séance.