Khaled Omran, Tarik Khuluki, Dani Shukri, les trois membres de Tanjaret Daghet, ont tracé progressivement leur chemin musical au Liban, jusqu’à l’explosion finale: la sortie de leur premier album 180o produit par Raëd el-Khazen. Attention, vous ne sortirez pas indemne.
Dès les premières notes, le ton est donné: un son pur, net, puissant, brut et soigneusement travaillé à la fois. De l’ironie, du sarcasme, des mots qui tonnent fort. 180o est le titre du premier album du groupe syrien Tanjaret Daghet. Pressure Pot est composé de trois musiciens au talent détonant: Khaled Omran au chant et à la basse, Tarik Khuluki à la guitare et Dani Shukri à la batterie. Depuis des mois et des mois, le nom de ce groupe passe de bouche à oreille, sur la Toile, au détour d’un gig, d’un concert, au détour de la fête de la musique. Et à chaque fois, l’écho grandit, se fait de plus en plus retentissant. Jusqu’à la sortie de leur premier opus 180o produit par le musicien et compositeur libanais Raëd el-Khazen. Cela se ressent de par le résultat finement travaillé, merveilleusement fignolé. Et pour parfaire l’ensemble, l’album, contrairement à tant d’autres, ne contient pas le livret habituel, mais des feuillets contant chacun les paroles de la chanson en arabe et dans leur traduction anglaise, et surtout des dessins signés Mohammad Omran.
Réalité, contestation et rêve
180o: suggestif à plus d’un titre. Qui renvoie d’un coup à la situation en Syrie, au Liban, à la situation arabe en général. A l’état de chaque citoyen dans ces pays, qui ne cesse de vivre sous pression, encore, encore et toujours. Sous pression psychologique, sociale, sexuelle, politique, économique, capitaliste…, comme le crient les membres du groupe dans le titre phare Under pressure. Mais au-delà de la portée sociopolitique, l’album balance fort, dès l’intro, dès les premières notes musicales où s’accordent basse, guitare et batterie. En nuances, en subtilité. L’album est un merveilleux condensé d’une musique qui ne cesse d’accoster et de surprendre l’auditeur. Un détonant mélange de rythmes, de sons et de sonorités. Des morceaux plutôt rock, explosifs croisent au fil des neuf pistes d’autres titres qui sonnent plus comme des ballades. Au sein de chaque morceau, scission et synergie de sensations, d’influences, de genres.
Ambiance psychédélique, univers progressif, un brin de sonorités orientales, des touches d’électronique… une musique métissée, mixée, mélangée, mise sous pression. A chaque nouvelle piste qui se dévoile, l’auditeur, émerveillé, dans l’attente de ce qui va suivre, accroche un riff ravageur qui naît de la guitare de Tarik Khuluki, la voix brute de Khaled Omran qui le réveille de sa léthargie, le groove subtil et puissant de Dani Shukri qui bat la cadence. Une jouissance cacophonique brillamment menée qui s’octroie des libertés de rythmes et de sons, tout aussi euphoriques, planantes, suggestives ou méditatives. Entre le noir et le blanc, ce «Ramadi», qui représente peut-être une minorité, appelée à choisir, au moment où les puissants, les grands, les maîtres, les alter ego de «Big Brother» nous imposent le silence.
Un silence. Et retentit la musique de Tanjaret Daghet. Question de tension, question de pression, tout est en train de bouillir, tout est sur le point d’éclater, d’exploser. Quand la cocotte-minute atteint les 180o, les dégâts risquent d’être importants, graves. Les séquelles que l’explosion laisse ne cicatriseront pas de sitôt. C’est sûr. Et c’est la sensation qui vous étreint à l’écoute de l’album de Tanjaret Daghet. Une écoute suivie d’une autre, d’autres, encore et encore.
Nayla Rached
Extrait de Under pressure
Parce que c’est le titre phare, parce que la deuxième piste est déjà un hit accompagné d’une délirante vidéo visible sur la Toile, un avant-goût du texte traduit en français:
«A la maison, une personne sous pression
A l’extérieur, un numéro précis
Aux yeux des gens, il n’y a pas de place aux sentiments
Et cette tête à force de paroles est sous
pression…
Je suis petit et je ne mérite pas d’être largué de bombes
Il semble qu’il y a des informations de
dernière minute, je ne me préoccupe pas de moi-même
Jouer est interdit, jouer est interdit
Pourquoi suis-je destiné à être un
combattant?
Sous pression…».
Et voilà que vous vous plaisez à répéter, à crier ces mots, en arabe évidemment, «taht el-daghet, taht el-daghet, taht el-daghet» comme pour les extérioriser, comme pour renverser la situation, comme pour rêver, pour rêver de musique, celle de Tanjaret Daghet.