La fermeture de la parenthèse de l’escalade internationale sur le dossier syrien a timidement réactivé les initiatives politiques locales, motivées par l’urgence mais toujours parasitées par le bras de fer entre le Hezbollah et ses adversaires. Le président Michel Sleiman, qui s’est inscrit au cœur du débat, a du pain sur la planche.
Au grand dam des chantres de la distanciation, le Hezbollah et le 14 mars ont calqué leur affrontement sur celui de la crise syrienne. En éloignant la menace d’une intervention militaire extérieure, l’accord entre Washington et Moscou sur les armes chimiques a refilé la patate chaude aux parties prenantes locales. La mécanique des vases communicants tourne à plein régime. La Russie s’impose. Derrière, Téhéran et Damas sourient et le Hezbollah est ragaillardi. Plus question d’accepter les tentatives d’isolement, encore moins celles qui contestent la légitimité de son armement. Armée, peuple et Résistance, personne ne le fera céder. De l’autre côté, les Etats-Unis restent sur leurs gardes, car les pays du Golfe et l’opposition syrienne armée s’insurgent et le 14 mars ne veut pas plier. Pas question d’abandonner ses revendications, encore moins d’octroyer plus de terrain à la Résistance. Tant qu’il portera les armes en Syrie, le Hezbollah n’a pas sa place au gouvernement. Un combat politique et sémantique mené, depuis plusieurs jours, entre les lignes de la déclaration de Baabda, rédigée le 11 juin dernier par les participants au dialogue national organisé au palais présidentiel.
Sleiman l’inspirateur?
Le débat sur le document a débuté, il y a plus d’un mois. Le 14 août dernier, le chef du Bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, expliquait que la déclaration était «mort-née, parce que l’autre camp a lancé dans la rue toutes ses armes, tous ses éléments armés et tous ses trafiquants, et accueilli les bateaux transportant les armes pour s’ingérer dans les pays du voisinage». Une violation manifeste, à ses yeux, du point 13 de la déclaration de Baabda qui refuse «l’établissement d’une zone tampon au Liban et l’utilisation du territoire libanais en lieu de regroupement, de passage ou de base pour le trafic d’armes et de combattants».
Réponse du Courant du futur et des leaders du 14 mars, le Hezbollah a, de son côté, violé le douzième point de la déclaration qui stipule que le Liban doit être tenu «à l’écart de la politique des axes et des conflits régionaux et internationaux, afin de lui éviter les répercussions négatives des crises et des tensions régionales». Depuis, la coalition ne cesse d’expliquer que la déclaration doit être la base des discussions politiques à engager.
L’utilisation politique de ce document, qui matérialise aux yeux du président Sleiman, la traduction des principes qu’il défend, a provoqué la colère du locataire de Baabda. La semaine dernière, le bureau de la présidence a publié une mise au point destinée à «éviter toute confusion», comprendre, à cesser les marchandages. En rappelant que «la plupart des participants au dialogue national ont pris part aux débats sur le texte afin d’éliminer toutes les objections et de choisir les termes appropriés à la rédaction du texte», le chef de l’Etat, soucieux de se mettre à égale distance des deux parties, les met dos à dos. A l’adresse du Hezbollah, «les participants se sont engagés à respecter la Déclaration, à soutenir l’armée et à tenir le Liban à l’écart des conflits régionaux et internationaux»; et à l’adresse du 14 mars, «la déclaration de Baabda ne comporte aucun article relatif à la Résistance ni à ses armes».
Cette clarification présidentielle suffira-t-elle à déminer le terrain pour le président du Parlement?
L’initiative du leader du mouvement Amal, Nabih Berry, lancée le 31 août dernier à l’occasion de la commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr, aura mis une petite semaine pour trouver un écho et ce, grâce à la tournée des députés de son bloc − Michel Moussa, Yassine Jaber et Ali Bazzi − auprès de l’ensemble des leaders du pays. L’idée première, un dialogue national à huis clos, pour débattre du gouvernement et de la déclaration ministérielle, de la loi électorale et de la stratégie de défense. L’initiative a évidemment reçu l’aval du président Sleiman, du Premier ministre démissionnaire Najib Mikati, du Premier ministre désigné Tammam Salam, du chef des Kataëb Amine Gemayel et du leader du PSP Walid Joumblatt qui estime que «le dialogue est une option meilleure que le boycott».
Mais le 14 mars s’est élevé contre celle-ci, accusée d’outrepasser les prérogatives du président et du Premier ministre. A la veille de la réception de la délégation parlementaire d’Amal, le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, qualifiait l’initiative de «perte de temps».
Trancher dans le vide
Ahmad Fatfat va plus loin. «Tant qu’il n’y a pas un engagement préalable en faveur de la déclaration de Baabda et de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, cette initiative n’a pas de sens et ne représente qu’une manœuvre politique. Je pense que Berry essaie d’œuvrer pour aboutir à une Assemblée constituante, davantage que pour un véritable dialogue». Malgré le fait que les promoteurs du plan Berry aient indiqué qu’il ne serait pas question du gouvernement, le 14 mars ne bouge pas d’un iota sur le sujet. «L’initiative ne mènera à rien dans sa forme actuelle», explique le leader des Forces libanaises Samir Geagea. «Notre expérience précédente avec le dialogue national n’est pas encourageante. Cette initiative montre que Berry souhaite sortir du blocage actuel, mais la formule armée-peuple-Résistance ne peut plus passer».
Autre opposition de poids à noter, celle de Sleiman Frangié, dont les relations avec le président de la République sont déjà orageuses. «Sur le plan concret, la déclaration de Baabda n’existe pas. Ce document n’a même pas été discuté. Or, le président l’a utilisé à deux reprises, notamment lors de son discours à l’occasion de la fête de l’armée».
Le blocage, toujours aussi persistant, a contraint le chef de l’Etat à reprendre la parole. «La formation d’un gouvernement ne changera pas les équations et la situation autour de nous. Mais il faut que les responsables politiques comprennent combien cette période est délicate et qu’ils réduisent le plafond de leurs revendications afin qu’un gouvernement rassembleur puisse être formé, au sein duquel toutes les parties seront représentées». Najib Mikati pourrait bientôt lancer une autre initiative complémentaire à celle de Nabih Berry. Mais la route vers la formation d’un gouvernement semble encore extrêmement longue. De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer la résignation de Tammam Salam. Mais la redistribution des cartes qui s’en suivrait pourrait bien ne pas suffire.
D’autant qu’en filigrane, se pose la question de la prorogation du mandat de la présidence qui expire le 25 mai 2014. Si les mêmes raisons, qui ont conduit le Parlement à prolonger son mandat, demeurent jusqu’à la date fatidique, alors cette possibilité est hautement envisageable. La paralysie du pays laisse le champ libre au conflit syrien, dont le Liban est à la merci.
Julien Abi Ramia
Rendez-vous à New York
En marge des travaux de la 68e session
ordinaire de l’Assemblée générale annuelle de l’Onu, aura lieu une réunion de l’International Support Group for Lebanon (ISGL) le 25
septembre à New York, présidée par le
secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon. Autour de la table, le président Michel Sleiman, le
haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) Antonio Guterres qui traitera des défis humanitaires que pose l’afflux de
réfugiés syriens, le président de la Banque
mondiale, Jim Yong Kim, l’administratrice du Pnud, Helen Clark, et le coordonnateur spécial de l’Onu pour le Liban, Derek Plumbly, qui traitera des capacités de l’Armée libanaise. Les cinq pays, membres permanents du Conseil de sécurité, seront représentés au niveau
ministériel. Y participeront également les
représentants de haut niveau de la Ligue arabe et de l’Union européenne.