Cette semaine, la presse étrangère observe avec vive inquiétude l’enlisement de la situation en Syrie et ses conséquences sur le Liban.
Rue89
Le site d’informations Rue89 s’intéresse à la première intervention humanitaire de l’histoire de France, et elle a eu lieu au Liban, en 1860.
D’abord les faits. En 1860, le Liban et la Syrie actuels appartiennent à l’Empire ottoman, qui est l’une des quelques puissances qui comptent à l’époque. Les autres sont la France, la Grande-Bretagne, la Prusse, l’Autriche et la Russie…
Il n’est ainsi absolument pas question des Etats-Unis dans cet épisode historique, et, s’il n’y a pas encore de Nations unies, il existe un «concert des nations», où l’on négocie entre puissances les affaires du monde.
Les événements de 1860 prennent naissance dans la région du Mont-Liban où de fortes tensions entre communautés chrétienne maronite et druze débouchent sur un affrontement armé, la débâcle des chrétiens et des massacres de ces derniers qui s’étendent jusqu’à Damas. Le bilan s’élève à plusieurs milliers de morts, des villages entiers rasés, des dizaines de milliers de réfugiés.
La France de Napoléon III prend fait et cause pour les chrétiens d’Orient, par solidarité confessionnelle, mais aussi par calcul géopolitique, afin de renforcer son influence dans cette zone située aux portes de l’Europe.
Un corps expéditionnaire français est donc envoyé au Liban en 1860, non sans l’accord préalable, négocié dans la douleur, des Britanniques et même de «La Sublime Porte», c’est-à-dire de l’Empire ottoman lui-même, pourtant souverain dans cette zone.
Foreign Policy
Dans une tribune publiée dans les premières pages du Foreign Policy, l’ancien Premier ministre Fouad Siniora exhortait Obama à intervenir en Syrie.
L’Occident devrait faire plus que punir cette seule attaque, il doit enclencher un nouveau processus pour protéger la Syrie et le monde arabe de la dislocation. Il peut le faire en soutenant les forces modérées et ceux qui sont descendus dans les rues en appelant à des changements pacifiques. La stratégie actuelle a mené à des résultats contraires aux intérêts de l’Occident. Le régime syrien est toujours en place, l’opposition s’est radicalisée et a permis une plus importante intervention iranienne dans la région.
La Russie, l’Iran et le Hezbollah n’ont pas hésité à renforcer la machine de mort d’Assad. Ils lui ont fourni une aide financière, des armes lourdes et des combattants afin de lui permettre de mieux tuer son peuple. Le monde, et l’Occident en particulier, ont le devoir moral d’arrêter la campagne de haine du régime syrien. Aucun gouvernement ne devrait être autorisé à utiliser de telles armes contre ses citoyens. La récente attaque aux armes chimiques est le résultat direct de l’impunité offerte au régime syrien. Assad a prouvé qu’il était prêt à sacrifier les Syriens par milliers et à détruire des villes millénaires pour garder le pouvoir. Il constitue un danger pour le peuple syrien et pour toute la terre. Les Etats-Unis ont un intérêt stratégique à mettre un terme au conflit syrien. La poursuite de la guerre renforce le terrorisme et mène à l’expansion de l’hégémonie iranienne sur la région.
Al-Hayat
Dans les colonnes d’al-Hayat, l’éditorialiste Jihad Khazen prévoit pour le Liban «une crise à long terme».
Chaque Libanais que j’ai rencontré la semaine dernière me demandait ce qui allait se passer à l’avenir. Je ne connais pas la réponse à cette question, mais je sais que le Liban suffoque. Que le pays soit étranglé ou asphyxié ne fait pas de différence, puisque l’ennemi du pays vient de l’intérieur.
Le Liban est un pays magnifique, mais il y a des choses qui ne le sont pas. Pour chaque magasin ouvert, il y a une société fermée. Les magasins ouverts semblent déserts; il n’y a pas de clients, pas de marché. Les commerçants deviennent incapables de payer leurs dettes et les intérêts s’accumulent jusqu’à la faillite. J’ai entendu dire qu’il y avait des faillites tous les jours, mais je n’ai pas de chiffres ou de statistiques pour appuyer cette thèse.
A la lumière de la détérioration, ou plutôt de l’effondrement de l’économie, les Libanais qui sont en mesure de quitter le pays l’ont déjà quitté. Les seules personnes qui restent le font pour protéger leurs intérêts, pendant que les autres, les pauvres, espèrent une solution divine.
J’ai vu des immeubles en construction inachevés. J’ai quand même vu de belles constructions achevées, mais sans occupants.
Certains de nos frères arabes ont acheté un appartement ou une maison au Liban, mais ils n’y viennent plus. Encore une fois, je sais de quoi je parle. Les Arabes riches achètent maintenant des appartements à Londres et à Paris et les Arabes qui sont moins fortunés achètent des appartements à Istanbul et sur la côte sud de la Turquie. Toutefois, les prix y sont beaucoup plus bas qu’au Liban.
The Christian Science Monitor
The Christian Science Monitor est l’un des médias américains les plus en pointe sur l’actualité de la région. Voici son dernier article sur le Liban.
Le Liban a toujours été le vassal faible de son puissant voisin syrien et l’Etat libanais n’exerce aucune influence directe sur l’évolution de ce qui se passe juste à côté.
Il est difficile d’envisager un résultat idéal pour le Liban si un côté ou l’autre des camps triomphe en Syrie. Si le régime d’Assad réussit à s’accrocher au pouvoir et à réduire la menace posée par les rebelles, le Hezbollah restera fort au Liban et l’alliance transrégionale entre le groupe chiite et ses alliés à Damas et à Téhéran durera. Un tel scénario ferait en sorte d’approfondir les revendications des sunnites et de laisser en suspens le débat national sur le statut du Hezbollah. Si le régime d’Assad venait à tomber et à être remplacé par un régime sunnite proche de l’Arabie saoudite et du Golfe, le Hezbollah se retrouverait isolé et dangereusement vulnérable. Toute tentative par une communauté sunnite ainsi enhardie contre le Hezbollah qui est toujours déterminé à conserver ses armes pourrait exacerber un climat de sécurité déjà précaire. Peut-être que le meilleur scénario pour le Liban serait une solution négociée en Syrie qui obligerait les acteurs rivaux à faire des compromis. Le pire scénario serait que la guerre en Syrie se poursuive encore, ce qui accroîtrait l’instabilité sécuritaire, la paralysie politique et la stagnation économique du pays.
Le Figaro
Le quotidien français Le Figaro s’intéresse au mariage des prêtres au Liban.
Fondée au Ve siècle par saint Maron près d’Antioche, l’Eglise maronite est la seule d’Orient à avoir été fidèle à Rome dès l’origine. La tradition y est depuis des siècles d’autoriser l’ordination des hommes mariés. Il reste impossible de se marier après le sacerdoce, pas même après le diaconat. Un prêtre marié peut assumer tout type de charges, mais il n’a pas la possibilité de s’élever dans la hiérarchie ecclésiale.
Au total, la moitié des prêtres maronites sont mariés, même si cette proportion varie beaucoup suivant les 23 diocèses: dans celui de Beyrouth, elle tombe à 42%, alors qu’elle atteint 86% à Tripoli, la principale ville du nord du Liban, soit autant que la moyenne des mariages parmi les prêtres de l’Eglise orthodoxe qui frôle les 90%. La possibilité du mariage est tellement ancrée dans la culture des Eglises orientales qu’il est difficile d’en évaluer l’impact sur les vocations.
Julien Abi Ramia
Télérama
Le Quatrième mur
Télérama nous livre un résumé de l’ouvrage de Sorj Chalandon, inscrit dans la pré-liste du prix Goncourt.
Depuis le Ve siècle avant notre ère, Antigone – celle de Sophocle et d’Anouilh – est la sœur de toutes celles et tous ceux qui, à un moment, dans l’Histoire, ont dit non. Metteur en scène de théâtre, Sam rêve de monter l’Antigone de Jean Anouilh au Liban, avec des comédiens de toutes obédiences. Frappé par la maladie, il charge Georges de mener la tâche à bien. Délaissant sa femme et sa fille, Georges part, début 1982, à Beyrouth, et tente de convaincre druzes, Palestiniens, phalangistes et miliciens de tous bords de jouer cette pièce: elle serait un répit dans la guerre, et chacun, le temps d’une représentation, devrait oublier son camp. Un pari impossible, mais aussi une lueur dans les ténèbres. Georges va se trouver au milieu de l’enfer, corps meurtri, esprit hanté par des visions d’apocalypse… Magnifique et désespéré, Le quatrième mur est le récit d’une utopie et une ode à la fraternité. Antigone n’y est plus une simple pièce: c’est un bloc de mots jeté dans les flaques de sang.