Magazine Le Mensuel

Nº 2918 du vendredi 11 octobre 2013

Economie & Finances

[Copy of] Peter Chamlian, P.-D.G. du Crédit agricole suisse (Liban). «Il faut investir au son des balles»

Le Crédit agricole suisse a constitué, en 2006, une filiale appelée Crédit agricole suisse (Liban) Financial Services s.a.l, dont l’objectif est de faciliter son action commerciale et celle de sa clientèle libanaise. Cette entité a ouvert ses portes à Beyrouth quelque temps avant l’agression israélienne en juillet de cette même année. Depuis cette date, la filiale n’a pas arrêté ses opérations. Sa base clientèle n’a pas été affectée. Pour figurer parmi celle-ci, il faut avoir un compte minimum d’un million de francs suisses. Ses métiers de Banque privée, Banque corporate & institutionnelle et outsourcing bancaire, sont destinés par définition à une catégorie d’investisseurs aisés qui semblent ne pas manquer dans notre pays.
Présent en Suisse depuis 136 ans, le Crédit agricole est aujourd’hui la troisième plus grande banque étrangère dans la confédération helvétique.
Si les transactions de la banque portent tant sur des actions que sur des obligations et des fonds de placement, les marchés visés par le Crédit agricole suisse sont ceux de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie, où la banque a deux filiales, l’une à Singapour et l’autre à Hong Kong. «Cette stratégie est en place bien avant le déclenchement de ce qu’on appelle le Printemps arabe», souligne Peter Chamlian, président-directeur général du Crédit agricole suisse (Liban), en réponse à une question de Magazine. Il explique qu’il ne voit pas l’intérêt qui porterait un investisseur du monde arabe souhaitant donner des options de vente ou d’achat d’obligations et/ou d’actions cotées sur les marchés du Proche-Orient, à faire appel aux compétences des experts du Crédit agricole. D’après lui, la préférence de cet investisseur serait celle de l’ouverture d’un compte auprès d’une banque locale. En d’autres termes, il est persuadé que les bourses arabes sont davantage destinées aux locaux. De plus, ajoute-t-il, le Crédit agricole a tendance à préférer les marchés boursiers particulièrement liquides, où un éventuel désinvestissement est relativement plus rapide que sur d’autres marchés moins liquides. Dans le même prolongement, Chamlian précise que le Crédit agricole a «une architecture ou une plateforme ouverte». Concernant sa sélection des fonds d’investissement dans le sens où les équipes en Suisse du Crédit agricole peuvent recommander un fonds géré par Morgan & Stanley ou Axa sur un marché défini, pour l’instant, indique-t-il, le Crédit agricole a sur sa plateforme près de 500 fonds.


Optimisme prudent
Prié de dire s’il est convaincu qu’il faut acheter au son du canon dans le cadre de la conjoncture internationale, Peter Chamlian souligne: «Aujourd’hui, les regards sont virés vers le phénomène de ‘‘shutdown budgétaire’’» aux Etats-Unis. En revanche, il considère que ce risque est déjà «escompté», dans la mesure où les marchés ont eu le temps de le digérer sans qu’il y ait eu d’effondrements financiers quelque part dans le monde. «C’est que les marchés, explique-t-il, avaient anticipé partiellement ce phénomène d’où son faible impact. Reste, toutefois, la date butoir du 17 octobre concernant le relèvement du plafond de la dette américaine».
Le P.-D.G. du Crédit agricole se dit «d’un optimisme prudent» pour plus d’une raison. D’abord, à cause de la politique d’assouplissement monétaire, ou «Quantity easing», décrétée par Bernanke sur base de laquelle la Fed est en train d’injecter près de 85 milliards de dollars/mois, alors que les taux d’intérêt des obligations américaines à dix ans demeurent bas variant entre 2,7%  et 2,75%. Cependant, ce montant ne va pas rester inchangé et il serait graduellement abaissé à 70 milliards ou 75 milliards de dollars. Au deuxième niveau, même si les républicains sont en train pour le moment de faire pression sur le président américain, Barack Obama, il est très peu probable que les Etats-Unis soient acculés à déposer leur bilan. «En deux mots comme en mille, je dirai qu’au son des balles plutôt que les canons, le momentum est là et l’appétit pour l’investissement dans les actions tient la route».


Les marchés européens se calment  
Pour ce qui est de la zone euro, Chamlian estime que «la situation est revenue au calme surtout à la lumière de la déclaration de Mario Draghi, gouverneur de la Banque centrale européenne, faite il y a un an, dans laquelle il a souligné que la BCE ferait tout pour sauver la zone euro. Une déclaration qui a pesé positivement sur les marchés européens dans la mesure où Draghi a honoré ses promesses à travers l’achat par le Fonds de stabilité monétaire d’obligations de pays européens en difficulté. En tant que spéculateur, je ne saurai aller à l’encontre de cette déclaration de Draghi», soutient Chamlian qui précise, par ailleurs, que les banques dans la zone euro ont ainsi eu amplement le temps de baisser les effets de leviers dans leur bilan. Toutefois, ce qui pèse sur les marchés c’est le taux de croissance des pays émergents qui a été en deçà des expectatives. Les moteurs de croissance, qui étaient là il y a trois ans, semblent montrer des signaux de fatigue. A titre d’exemple, les taux de croissance économique en Chine et au Brésil n’ont enregistré que 10%.

Price to Earnings ratio (PER)
Questionné sur le paramètre pris en compte pour l’évaluation d’une société qui serait intéressante pour un investissement dans ses actions, à savoir le Price to Earnings Ratio, ou le taux de rendement implicite, Peter Chamlian revient à la charge en réitérant que le Crédit agricole suisse (Liban) ne fait qu’appliquer la stratégie et les recommandations mises en place par la maison mère. Personnellement, il a tendance, confie-t-il, à prendre en considération le potentiel de développement futur du marché sur lequel elle opère et le taux d’endettement de celle-ci. «J’irai vers une société qui cherche à s’endetter pour croître quand je souhaite investir dans une obligation et une société peu endettée si je choisis d’investir dans les actions de celles-ci», déclare Chamlian. Pour ce qui est des indicateurs, cette étape occupe la deuxième étape. Le PER est une référence qui donne une indication sur une éventuelle surévaluation ou sous évaluation du cours de l’action en bourse. Il s’agit d’un ratio mathématique qui rapporte les bénéfices au cours de l’action. A titre d’exemple, le S&P a un PER de 14 points, ce qui signifie que cet indice n’est pas cher, mais aussi qu’il n’est pas bon marché. Dans ce cas, le ratio est plutôt rassurant dans la mesure où il existe un potentiel de croissance. En Europe, ce PER est plutôt à 12 points de bénéfices, ce qui permet de croire qu’il y a une possibilité de rattrapage des actions européennes.
Pour le président-directeur du Crédit agricole suisse (Liban), le ratio qui serait parlant est celui du cours de l’action rapporté aux dividendes distribués. Les investisseurs plutôt conservateurs seraient orientés vers ce type de stock. Des stocks d’action. De toute façon, le haut cadre du Crédit agricole suisse (Liban) estime que, dans tous les cas de figure, en investissant, on prend un risque et qu’aucun investisseur n’a un profil identique à un autre…

Liliane Mokbel

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