Le président Barack Obama a promulgué la loi qui relève le plafond de la dette et écarte le risque d’un défaut de paiement des Etats-Unis, après deux semaines de bras de fer avec les élus républicains. Les Américains, mais aussi le monde entier, peuvent enfin respirer… au moins jusqu’au 7 février prochain.
Ce singulier épisode a mis en évidence l’interconnectivité du système économique et financier international et a montré que la politique interne américaine est, en réalité, l’affaire de toute la planète. Plus encore que le fameux shutdown, le plafond de la dette, qui correspond au niveau limite d’endettement de l’Etat fédéral, est symptomatique de la mondialisation de la cuisine interne américaine. En principe, le relèvement du plafond de la dette, fixé à 16700 milliards de dollars cette année, devrait être un bel exercice de démocratie. Il illustre, en effet, le contrôle exercé par le Législatif sur l’Exécutif. Mais ce qui était une simple formalité pendant des décennies s’est transformé, ces cinq dernières années, en véritable casse-tête pour la Maison-Blanche et en source d’inquiétude pour les marchés internationaux et pour nombre de gouvernements étrangers.
Les enjeux sont effectivement colossaux. Si l’accord de dernière minute n’avait pas été trouvé, le niveau limite d’endettement aurait été dépassé le 17 octobre et les Etats-Unis n’auraient plus été en mesure d’assumer leurs obligations financières. Ils auraient cessé de rembourser leur dette et n’auraient plus pu emprunter sur les marchés. En d’autres termes, l’Etat aurait été en défaut de paiement. La faillite quoi!
Ce scénario du pire aurait provoqué des réactions en chaîne qui pouvaient avoir des conséquences apocalyptiques. Etant dans l’impossibilité d’honorer ses créanciers en empruntant sur les marchés financiers, l’Etat aurait été contraint de relever en urgence la plupart des impôts et de réduire drastiquement les dépenses publiques. Cela aurait aggravé la crise économique et provoqué une rupture du contrat social. On peut imaginer la suite.
Même si ce scénario ne se serait pas produit, la suite des événements aurait été tout aussi effrayante, sinon plus. La suspension par les Etats-Unis du remboursement de leur dette aurait provoqué un effet d’avalanche avec des conséquences déstabilisantes sur l’économie mondiale. Deux des plus grandes économies du monde, la Chine et le Japon, auraient été touchées de plein fouet. A elle seule, la Chine détient, en bons du Trésor, le quart de la dette externe des Etats-Unis, soit plus de 1700 milliards de dollars. Ensemble, les deux pays détiennent 47% de cette dette. Le sort du dollar, monnaie de réserve mondiale, et celui des bons du Trésor, réputés les plus sûrs de la planète, auraient été en jeu.
On comprend, dès lors, à quel point le sort des grandes économies mondiales est lié à la bonne santé des Etats-Unis. Cette interdépendance commence à inquiéter sérieusement des pays comme la Chine, la Russie, ou même les plus proches alliés de l’Amérique. L’Agence Chine nouvelle (officielle) a plaidé, la semaine dernière, pour «la construction d’un monde désaméricanisé». «Les jours inquiétants où les destinées d’autres pays se trouvent entre les mains d’une nation hypocrite doivent prendre fin, et un nouvel ordre mondial doit être mis en place, où toutes les nations verront leurs intérêts respectés et protégés sur un pied d’égalité», écrit l’agence dans un éditorial cinglant. «Au lieu d’honorer avec responsabilité ses devoirs de leader mondial, Washington, avec en tête ses propres intérêts, a abusé de son statut de superpuissance et accru le chaos dans le monde en transférant à l’étranger les risques de son système financier, mais également en attisant les tensions dans des différends territoriaux et en menant des guerres injustifiées sous couvert de mensonges», poursuit l’organe officiel chinois.
Tous les quelques mois, le monde est l’otage du relèvement du plafond de la dette américaine, lequel est lui-même otage des querelles partisanes au Congrès. Il est peut-être temps d’envisager de créer une nouvelle devise de réserve pour remplacer le dollar… avant qu’il ne soit trop tard.
Paul Khalifeh