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Nº 2920 du vendredi 25 octobre 2013

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Hassan Abdel-Azim, opposant syrien. «Les Syriens ne veulent pas le califat ou des émirats»

A 82 ans, l’avocat Hassan Abdel-Azim n’a rien perdu de son charisme et de son énergie. Figure de proue de l’opposition laïque, aguerri par cinq décennies de militantisme, le chef historique de l’Union démocratique socialiste arabe dirige aujourd’hui la plus importante coalition de dix partis nationalistes et de gauche syriens, le Comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCD), auquel vient d’adhérer le Parti démocratique kurde (PYD), qui contrôle aujourd’hui le Kurdistan syrien. Ex-prisonnier politique, incarcéré au début du soulèvement en 2011, Hassan Abdel-Azim explique à L’Hebdo Magazine le processus politique qui se profile à l’horizon et auquel le CCCD est destiné à jouer un rôle de premier plan.

Comment évaluez-vous la résolution du Conseil de sécurité prévoyant la destruction des armes chimiques en Syrie?
L’accord sur les armes chimiques a permis d’éviter les frappes américaines. A l’heure actuelle, la Syrie est déchirée par un conflit sanglant auquel prennent part des jihadistes étrangers et des groupes extrémistes affiliés à al-Qaïda comme le Front al-Nosra et l’Etat islamique de l’Irak et du Levant (EIIL). D’autres groupes non syriens comme le Hezbollah libanais, ainsi que des combattants irakiens sont également impliqués dans les combats. Dans ce contexte, une frappe militaire contre la Syrie aurait aggravé le chaos tout en permettant aux intégristes d’étendre leur contrôle en Syrie, avec les risques que cette situation comporte pour les pays voisins.  
 

Est-ce qu’une solution politique est possible en Syrie?
Dans leurs négociations avec les Américains, les Russes ont lié l’accord sur les armes chimiques à la tenue de la conférence de Genève 2, censée paver la voie à une solution politique. On ne peut pas dissocier les deux sujets.
 
Comment envisagez-vous un éventuel dialogue avec le régime?
Nous refusons de dialoguer avec le régime, mais nous acceptons de négocier avec lui à la conférence de Genève 2, à laquelle devraient participer éventuellement des délégations de l’opposition interne, de l’opposition en exil, des forces révolutionnaires, ainsi qu’une délégation du régime. Les négociations porteront sur l’application des résolutions de la première conférence de Genève du 30 juin 2012, à savoir la mise en œuvre d’un cessez-le-feu simultané entre les belligérants, la libération des prisonniers et des otages des deux camps et l’ouverture de négociations pour la formation d’un gouvernement de transition. Ce gouvernement, qui disposera de complètes prérogatives, sera chargé de rédiger une nouvelle Constitution et d’organiser des élections législative et présidentielle. Telle est la solution à la crise. C’est dire qu’il ne s’agira pas d’un dialogue bilatéral entre le régime et l’opposition, mais de négociations avec des garanties arabes, régionales et internationales.
 
Quelle est la position du CCCD à l’égard des 
interventions étrangères en Syrie?
En principe, nous sommes opposés aussi bien au despotisme interne qu’aux interventions étrangères, et notamment militaires. Toutefois, l’absence d’une solution syrienne a pavé la voie à l’internationalisation du conflit qui s’est mué en guerre à outrance, une guerre alimentée par des pays arabes, régionaux et internationaux. Par conséquent, toute solution au conflit passe inévitablement par la participation de toutes les parties qui y sont impliquées. Le cas échéant, des pays comme le Qatar, l’Arabie saoudite, la Turquie ou la France pourront bloquer la solution.
 
Est-ce que les mouvements islamistes auront un rôle dans la phase de transition?
Le courant islamiste est représenté principalement par les Frères musulmans de Syrie, ainsi que quelques islamistes indépendants au sein de la Coalition nationale des forces de l’opposition. Cette Coalition a été élargie. On y a incorporé des courants civils et laïques dont le groupe de Michel Kilo afin de faire prévaloir les forces laïques. La Coalition, le CCCD, le régime, ainsi que des groupes qui représentent la révolution sur le terrain, participeront aux négociations prévues. C’est dire que l’islam politique ne contrôle plus la Coalition, d’autant plus qu’il est sorti affaibli des récents bouleversements survenus en Egypte. A l’heure actuelle, les courants favorables à une solution politique sont de tendance civile et démocratique. Ces courants sont majoritaires, qu’il s’agisse de l’opposition interne ou de celle basée à l’étranger.
 
Mais la presque totalité des groupes de l’opposition armée qui contrôlent l’est de la Syrie ainsi qu’une importante partie du Nord sont d’inspiration 
islamiste ou salafiste comme l’EIIL et le Front 
al-Nosra, tous deux liés à al-Qaïda. Est-ce qu’ils auront un rôle en Syrie?
Ces deux groupes radicaux sont constitués aussi bien de Syriens que d’étrangers venus des quatre coins de la planète. Leur projet vise à instaurer un califat et des émirats islamiques. Lorsque la guerre entre le régime et l’opposition armée cessera, ces quelque 20 000 combattants radicaux perdront le soutien populaire dont ils jouissent actuellement, et seront par conséquent contraints de rentrer dans leurs pays respectifs. C’est l’intransigeance du régime qui a poussé les forces modérées à prendre les armes, à se radicaliser et à adopter l’extrémisme islamiste. Les Syriens ne sont pas, par nature, enclins aux guerres confessionnelles et religieuses. Ils aspirent à un Etat civil et démocratique. La solution politique, une fois conclue, déclenchera le compte à rebours pour les groupes radicaux qui perdront leur influence. Et si des élections libres avaient lieu, les extrémistes obtiendraient entre 20% et 25% des voix car plus du tiers de la société syrienne appartient aux minorités ethniques dont les Assyriens et les Kurdes, et aux minorités confessionnelles, à savoir les druzes, les alaouites, les ismaéliens et les chrétiens.
 
Est-ce la diversité ethno-religieuse de la population syrienne qui représente une garantie pour la laïcité du pays?
Cette diversité constitue une garantie pour le maintien de la nature civile, et non religieuse, de l’Etat. D’autant plus que la plupart des musulmans sunnites aspirent à un Etat démocratique et civil. Le soulèvement pacifique a éclaté pour la liberté, la dignité, la justice et la transition du despotisme à la démocratie. Personne n’a réclamé l’instauration d’un califat ou la création d’émirats islamiques. Dès que la violence cessera, le peuple syrien reviendra à la raison et à la coexistence pacifique entre toutes les confessions.

Propos recueillis par Talal el-Atrache

Assad vu par Haissam Mannaa
Le responsable du CCCD à l’étranger, Haissam Mannaa, a estimé récemment que le sort du président syrien Bachar el-Assad n’était pas une priorité. «Si une République parlementaire est établie en Syrie, la question de savoir si Bachar el-Assad restera ou non au pouvoir n’aura plus aucune importance». Il a estimé urgent de trouver une issue au conflit qui ravage la Syrie afin de sauver les millions de réfugiés syriens. Il s’est dit convaincu que le départ d’Assad ne mettrait pas un terme à la guerre. Il a toutefois accusé le régime syrien de chercher à réitérer le précédent algérien des années 1990.

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