Cela fait plus de dix ans qu’il rêve de venir au Liban, aux origines, celles de sa grand-mère Andrée Chédid, de son père Louis Chédid. Et enfin le voilà à Beyrouth. Le 27 octobre, Matthieu Chédid -M- a enflammé la salle comble du Music Hall. Entretien.
Un dernier album, Îl, où chaque titre a une saveur différente en ayant toujours le cachet -M-. Une volonté de jouer sur multiples images?
Cela fait partie de la touche -M-. Sur tous mes disques, il y a une couleur, une sorte d’atmosphère d’humeur. Mais après, comme dans une maison pleine de pièces, j’aime bien passer de la cuisine au salon par la cave et le grenier. -M- n’est pas un style de musique, c’est le style -M-. J’aime bien sentir que je suis libre de faire ce qui me passe par la tête.
Qui est -M-, et comment vivez-vous avec lui?
-M- est ma part artistique, ma fantaisie. Un regard, une sensibilité, comme un filtre, malgré moi. C’est ma façon de parler, de chanter, de jouer. Même si je voudrais imiter quelqu’un, je ne saurais pas le faire. C’est l’idée de la personnalité, une personnalité qui est la mienne, que j’assume et qui devient donc un style musical.
Pourquoi l’avoir inventé?
L’envie d’inventer des mondes. J’étais musicien au départ et, à un moment donné, j’ai eu envie d’inventer des chansons à travers des textes que j’avais. Puis il y a eu l’envie d’inventer un personnage, comme une aventure théâtrale. -M- s’est imposé comme une sorte d’évidence, avant que je ne me rende compte qu’on pouvait se coiffer les cheveux en M, que c’est la lettre de l’amour… tellement de choses évidentes pour moi. Tout autour s’est construit progressivement un travail empirique et expérimental pour inventer tout un univers.
-M- pourrait-il jamais devenir un poids?
Justement, Îl c’est une rencontre d’une 3e personne, d’un 3e type. -M- n’est pas seulement un personnage, c’est un lieu aussi où je peux tout me permettre. D’ailleurs je change un peu de visage, de look d’un album à un autre. C’est là où je peux m’amuser vraiment, c’est ma cour de récréation. Je ne me sens donc pas figé dans un personnage, ce qui aurait été effrayant. Je me sens très libre.
Vos concerts sont de vrais shows.
L’amour du spectacle. J’aime le cirque, la chanson, mais aussi les rocks stars, les guitares héros, le rêve, l’émerveillement, le merveilleux. J’ai toujours agi en tant que spectateur, toujours fait les choses que je ne vois pas dans d’autres spectacles. Je réagis souvent par rapport à un spectateur frustré.
La musique, un laboratoire?
C’est un jeu, un jeu d’enfant. Je le fais comme un gosse, un sale gosse parfois même d’ailleurs, comme si j’avais des jouets. Et je pense que là où je suis bon c’est quand je joue, quand je ne me prends pas au sérieux, quand c’est l’instinct qui parle, quand le ludique prend le dessus. On dit d’ailleurs jouer de la musique. Evidemment, il y a plein de styles de musique, mais la musique populaire pop il faut la faire dans ce sens-là. Et puis j’aime bien cette idée contradictoire; une chanson est quelque chose de très futile et en même temps elle peut être fatale, comme quelque chose qui peut presque sauver une vie ou faire du bien à quelqu’un. Mes chansons je les vois comme rien et tout à la fois.
Sur scène au Liban, vous êtes avec votre sœur et votre frère.
Nous présentons un spectacle inédit, que je n’ai jamais fait auparavant. Les musiciens qui m’accompagnent actuellement dans le cadre de mon trio sur scène à Paris ne pouvaient pas venir. Et puis c’est le Liban, les origines, la famille, je me suis dit si on partait en famille pour faire quelque chose de différent. C’est très symbolique en fait. C’est un moment unique, donc il fallait un concert unique. J’ai envie que ce soit un moment intime.
Est-ce que vous vous attendiez à avoir une telle base de fans au Liban?
Ça fait longtemps que je rêve de venir ici. Quand je croise des Libanais, je sens bien une sorte de lien fort. Je sentais qu’il y avait une petite attente. Je suis très heureux, c’est toujours un enchantement de voir qu’il y a une telle envie. Pour moi, c’est une fête. Je sais qu’il va y avoir un avant et un après. Je sais que ça va changer quelque chose. Venir au Liban fait partie de mes rêves depuis plus de dix ans. Je réalise un rêve là.
Propos recueillis par Nayla Rached