Magazine Le Mensuel

Nº 2924 du vendredi 22 novembre 2013

POLITIQUE

Le danger du vide. Le cri d’alarme de Nabih Berry

Le président du Parlement, Nabih Berry, s’inquiète grandement de la situation du pays. Il déplore les initiatives restées lettre morte et le blocage institutionnel. A ses yeux, la solution ne peut venir que de l’extérieur.

Le leader du mouvement Amal est désabusé. «Désormais, tout se passe à l’extérieur du Liban puisqu’ici, nous avons un gouvernement chargé de l’expédition des affaires courantes, un Premier ministre désigné, un Parlement paralysé, une conférence de dialogue bloquée et bientôt une échéance présidentielle dont on ne sait pas quel sort lui sera réservé». Le constat est cinglant mais dans la bouche du deuxième personnage de l’Etat, chantre de la positive attitude, il est même consternant.
«J’ai malheureusement désormais la certitude que les initiatives internes ne servent plus à rien. Il faut maintenant agir de l’extérieur. Cela signifie que les Libanais ne sont pas en mesure de se gouverner. Ils ont besoin de l’aide de leurs amis, qui, avec le Printemps arabe, sont devenus très rares». Devant les journalistes, Nabih Berry est en colère. Il rappelle avoir lancé l’idée d’un conclave réunissant l’ensemble des leaders pendant cinq jours. Il ajoute être à l’origine de la formule 9-9-6, rejetée par le 14 mars. L’animal politique qui a toujours su observer les dynamiques diplomatiques et les basses manœuvres avec clairvoyance ne voit plus de porte de sortie, et le Liban en paye le prix fort. «Le refus vient à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Dans une situation aussi délicate, il n’est plus nécessaire d’adopter un langage diplomatique. Je le dis en toute franchise, il n’est plus permis de garder la situation telle quelle». Sur le plan gouvernemental, Berry déplore l’apathie du gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes, présidé par Najib Mikati.
Ironie cruelle du calendrier, le pays fête cette semaine son indépendance. Berry s’emporte. «Comment pourrons-nous célébrer cette fête alors que nous refusons de nous asseoir les uns avec les autres et de nous parler? Il nous est interdit de le faire. Dans ce cas, où est l’indépendance? La fête consiste-t-elle seulement à assister à un défilé militaire ou y a-t-il un esprit en commun, une signification à cette fête qui touche les institutions de l’Etat et l’avenir commun des Libanais? Nous affirmons vouloir la démocratie, mais celle-ci consiste-t-elle à fermer le Parlement, à ne pas appliquer la Constitution, ou à l’appliquer à la carte? Il nous est interdit de former un gouvernement et il est interdit au Premier ministre désigné de s’excuser. Nous attachons des espoirs sur une visite et c’est le contraire qui se passe. Jusqu’à quand cela peut-il durer?». Fin connaisseur des rouages institutionnels, il connaît le personnel politique par cœur. Elle vient de là, sa profonde frustration.
«A ma connaissance, je n’ai pas d’ennemi au Liban. Nous pouvons être en conflit, avoir des divergences, mais aucun Libanais n’est l’ennemi de l’autre. Si un adversaire politique a un problème, je me tiendrai à ses côtés. C’est cela le Liban que j’ai connu et pour lequel je travaille. Mais on dirait qu’aujourd’hui, les choses changent». Selon lui, plus personne ne veut dialoguer. Alors à qui la faute? A l’Arabie saoudite, par exemple, avec laquelle il a inventé la fameuse formule du S-S? «Elle agit conformément à ses habitudes. Je n’en dirai pas plus…». Les silences valent mille mots, même s’il ajoute que l’Arabie pourrait faire avancer les choses dans la formation du gouvernement. Ce même silence ponctue sa réponse à la présence de Saad Hariri à l’occasion de la rencontre entre le président Michel Sleiman et le roi Abdallah.
Ce pessimisme va-t-il jusqu’à la crainte d’une explosion généralisée du pays? Non, répond-il, car «toutes les parties sont d’accord pour refuser de revenir à 1958 ou à 1975». Mais il prévient: «Il ne faut pas crucifier le Liban sur la croix syrienne».

Julien Abi Ramia

Parlement: énième report
Voilà qui ne va pas redonner du baume au cœur du président du Parlement. Nabih Berry a été contraint de reporter la séance parlementaire, qui devait se tenir aujourd’hui, au 18 décembre prochain, faute de quorum. Il s’agit là du septième report depuis le mois de juin.

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