A trois mois de l’échéance, les alliés du Hezbollah se sont clairement prononcés contre la prorogation du mandat de Michel Sleiman. D’autres voix s’élèvent contre cette probabilité, conséquence logique de la mécanique du vide. Revue des positions exprimées et des scénarios possibles.
Depuis que le dossier est posé sur la table, le président de la République n’a cessé de se positionner contre la prorogation de son mandat, en tant que garant de la bonne marche institutionnelle du pays. Mais les alliés du Hezbollah n’en croient rien. A écouter les discours de ses leaders et à lire les confidences distillées dans les médias qui lui sont affiliés, Michel Sleiman fait tout pour rester à Baabda. Le credo du leader du Courant patriotique libre (CPL), Michel Aoun, ne souffre d’aucune nuance: «Non au renouvellement, non à la prorogation, non au vide». Voilà les trois scénarios examinés à la loupe par l’ensemble des forces politiques du pays. Tous ramènent d’abord aux intentions du chef de l’Etat. Vivement critiqué pour son double jeu supposé par le 8 mars, le locataire de Baabda bénéficie du soutien moral de l’autre camp. Un simple jeu de rôles qui recèle de véritables enjeux pour les deux camps qui ont les yeux rivés sur le calendrier constitutionnel, le vrai déterminant de l’échéance à venir.
Le mandat du président expire le 25 mai prochain et, de ce fait, l’Assemblée est appelée à élire un nouveau chef de l’Etat durant la période comprise entre le 25 mars et le 25 mai. Trois mois nous séparent de l’échéance et rien n’indique que la mécanique qui a produit la paralysie du Parlement ou l’absence d’un nouveau gouvernement soit enrayée. En l’état, le pays se dirige vers le vide présidentiel. Les réflexions du moment se concentrent sur la façon de contourner ces obstacles. Première option, la plus improbable, des élections en bonne et due forme. Un duel de candidats «forts» opposerait Michel Aoun et Samir Geagea, un affrontement plus édulcoré mettrait aux prises le leader des Kataëb, Amine Gemayel et celui des Marada, Sleiman Frangié. Un candidat consensuel, tels Jean Obeid, Jean Kahwagi ou Riad Salamé, pourrait se détacher. Autre possibilité, celle d’un front chrétien commun que l’Eglise étudie sérieusement (voir encadré).
Mais à la bourse présidentielle, l’action qui monte en flèche est celle de la prorogation, qui impliquerait alors le dépôt d’une proposition de loi soumise au Parlement par le gouvernement. Or, l’équipe Mikati chargée des affaires courantes, formée de représentants du Hezbollah et du CPL, rejetterait forcément l’idée. D’où, pense-t-on à Rabié et à Dahié, la sortie du président contre le renflouement du gouvernement sortant et pour la formation d’un gouvernement de fait accompli formé par Tammam Salam qui pourrait ne pas bénéficier de la confiance du Parlement. Pour éviter le vide, un tel gouvernement, voulu par le Courant du futur et appuyé par Michel Sleiman pourrait, lui, par contre, proposer la prorogation. Dans ce scénario du pire, le coup de force répondrait au coup de force; les alliés du Hezbollah refuseraient de retirer leurs ministres. Le pays serait dirigé par deux gouvernements.
Le 14 mars planche depuis plusieurs semaines sur ces scénarios. Le député Boutros Harb, l’un des noms susurrés pour la présidence, a indiqué que, selon lui, «la Constitution stipule clairement qu’en cas de vide à la présidence, le Conseil des ministres prend en charge les prérogatives du président, sans indiquer si le conseil doit avoir obtenu le vote de confiance du Parlement ou non». Il y a quelques jours, le leader des Forces libanaises a insisté pour que «la présidentielle ait lieu et qu’elle soit organisée comme il se doit, parce que sans président sérieux et fort, nous n’aurons pas un Etat sérieux et fort». Le serpent de mer gouvernemental est sorti des oubliettes pour réapparaître dans les eaux marécageuses de la présidentielle. Face à tous ces plans tirés sur la comète, Michel Sleiman pourrait mettre tout le monde d’accord.
Julien Abi Ramia
Bkerké, le facteur X
Dimanche, le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a appelé à «chercher ensemble le président de la République le plus
convenable pour l’époque dans laquelle nous vivons». S’adressant dans son homélie aux responsables libanais, il a déclaré: «N’ayez pas peur de prendre des mesures audacieuses et héroïques afin de sortir le Liban de sa crise». Un appel repris quelques heures plus tard par la Ligue maronite et l’Assemblée des évêques qui rappelle «l’importance cruciale que représente cette élection tenue dans les délais constitutionnels et le choix consensuel d’un nouveau président».