L’implication de Koutaïba el-Satem, jeune homme originaire de Wadi Khaled, dans l’attentat de Haret Hreik qui a fait cinq morts et cinquante blessés, est entourée d’un mystère et suscite de nombreuses interrogations dans son entourage.
Koutaïba Mohammad el-Satem est né en 1994. Il avait 19 ans lorsqu’il est mort dans l’explosion de la voiture piégée qu’il conduisait en plein cœur de Dahié. Rien en apparence ne semblait destiner ce garçon, que sa famille décrivait «calme et doux», à un tel sort. «C’était un jeune homme normal, il était en seconde année d’ingénierie informatique», précise son cousin Ahmad Imad qui ajoute qu’il comptait poursuivre ses études en France.
L’histoire semble anodine en apparence et pourrait s’appliquer à de nombreux jeunes hommes de Wadi Khaled, à la frontière libano-syrienne, une région connue pour des trafics en tous genres. Vivant à Bqaiha avec sa famille, il doit quitter son hameau pour aller à Hnaider, un autre village des environs pour fuir les tirs sporadiques dont sa maison fait l’objet en provenance de Syrie, située à quelques centaines de mètres de là. A l’instar des autres habitants de Wadi Khaled, qui partagent pour la plupart des liens de sang avec les familles syriennes, il s’identifie au conflit syrien. «Tous les gens de Wadi Khaled se rendent fréquemment en Syrie, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’ils soient impliqués dans des activités terroristes et Koutaïba n’a jamais participé au conflit», assure Ahmad Imad.
Dans le secteur de Wadi Khaled, la famille est encore sous le choc, ne sachant que penser des informations liant la voiture piégée de Haret Hreik au jeune Satem. «Nous avions perdu le contact avec Koutaïba depuis le 28 décembre dernier et avions immédiatement informé les services de sécurité de sa disparition», assure Imad. Ce dernier nie, par ailleurs, la disparition d’une seconde personne qui aurait accompagné Koutaïba.
L’entourage de la famille se pose un certain nombre de questions auxquelles personne ne semble pouvoir répondre. «Nul ne peut croire que le jeune homme poli, travailleur, puisse être responsable d’un tel acte terroriste. Koutaïba était un homme pieux sans être particulièrement pratiquant, il s’habillait normalement et ne portait pas la barbe islamiste», selon Imad.
Autre élément troublant, le jeune homme, qui aidait également son père à gérer sa boutique, ne savait pas conduire. Il ne connaissait pas non plus Beyrouth où il ne s’était rendu que quelques fois. «Comment peut-on concevoir qu’un homme ne connaissant pas le secteur ait pu se déplacer librement à l’intérieur du bastion du Hezbollah, pourquoi son corps n’a-t-il pas été brûlé contrairement aux autres victimes de l’explosion? Par quel miracle ses papiers ont-ils été préservés dans l’incendie ayant suivi l’attentat?», se demande Bassam Khalifé, le maire de Aamayer, une des bourgades de Wadi Khaled. La famille exige un complément d’enquête et un verdict transparent, ajoute Ahmad Imad.
Mona Alami
Les familles condamnent
La famille du jeune homme a assuré, dans un communiqué «que les familles de Wadi Khaled condamnent l’explosion de la banlieue sud et soulignent que leur culture n’est pas vindicative, prônant plutôt les principes de modération, de tolérance et de coexistence pacifique». Un autre communiqué est publié par les maires de Wadi Khaled: «Nous
déplorons et condamnons toute action
susceptible d’affecter la sécurité de tout citoyen libanais et tenons à préserver une coexistence pacifique avec nos frères au sein de la patrie». Le communiqué précise également «les bonnes relations entretenues par toutes les factions libanaises, en dépit des nombreux conflits qui sévissent dans la région». La déclaration fait appel aux
autorités compétentes pour mener une enquête exhaustive, juste et transparente.