Tony Abou Jaoudé: un artiste doté d’un immense talent, qui réussit à nous faire beaucoup rire ou à nous séduire par sa belle voix de ténor. Derrière le personnage public, un homme authentique, d’une grande timidité, qui ne cache pas son amertume et ses reproches à un pays qui ne rend pas justice à ceux qui ont un véritable talent. Portrait.
Dès son plus jeune âge, Tony Abou Jaoudé manifeste un très grand don pour la comédie, le chant et… le dessin. Il participe à tous les concerts et représentations théâtrales organisés à l’école, à la paroisse et même dans le quartier. «Au Mont La Salle, où je faisais mes études scolaires, tout le monde savait que je chantais en anglais et que je jouais sur scène. On faisait tout le temps appel à moi». Particulièrement doué pour le dessin, il entreprend des études de publicité à l’Alba (Académie libanaise des beaux-arts). «J’ai commencé à dessiner avant de chanter ou de jouer et mes parents m’ont encouragé dans cette discipline», dit-il.
Il est encore étudiant à l’université lorsqu’il reçoit une proposition de Samy Khayat de jouer avec lui dans sa pièce Jnouna Park. «J’avais 20 ans. C’était ma première expérience. Les gens m’avaient aimé et j’avais eu beaucoup de succès». Partagé entre le théâtre et l’université, son temps est limité. La publicité étant très prenante, il fait un transfert vers l’art plastique dont les horaires étaient plus flexibles. Notamment doué en bande dessinée, il est le premier dans l’histoire de l’Alba à présenter sa thèse sur ce thème. «Pendant six ans, j’ai travaillé dans une boîte de publicité et je jouais en même temps dans des pièces de théâtre. Jusqu’au jour où je me suis consacré à la comédie». Une fois son diplôme obtenu et devant le succès qu’il rencontre, ses parents le poussent à poursuivre dans cette voie.
Timide et introverti de nature, sur scène, Tony Abou Jaoudé est complètement différent. «Je suis timide de nature mais, avec le temps, je me suis habitué. D’ailleurs, dit-il, la plupart des artistes sont de grands introvertis dans leur vie privée».
Doté d’un immense talent, nombreux sont ceux qui pensent que Tony Abou Jaoudé aurait pu mener une brillante carrière internationale. Il en est tout à fait conscient et cela n’est pas sans laisser chez lui un peu d’amertume. «C’est vrai que j’aurais pu faire beaucoup plus si les circonstances étaient différentes et cela me chagrine. Le Liban est dépassé par tous les autres pays arabes. Partout ailleurs, on peut percer, sauf ici. On fait du surplace. Les acteurs libanais, quel que soit leur talent, ne peuvent pas réaliser de grands exploits. Il faut vivre à l’étranger. Aucun producteur ne viendra jamais vous trouver au Liban pour vous proposer quoi que ce soit. Je suis plus connu et mieux apprécié dans les pays arabes que dans mon pays natal», confie Abou Jaoudé. Il ne cache pas sa frustration. «Je ne me retrouve plus dans mon pays. Rien n’a été fait pour mettre en valeur mon talent. Finalement, c’est
peut-être autre chose que l’on veut ici».
Celebrity Duets
Quelques figurations dans des films cinématographiques, plusieurs réussites en tant que présentateur, mais c’est dans la comédie et le chant que Tony Abou Jaoudé brille. Pourtant, malgré son grand succès, il n’a jamais été tenté par des séries dramatiques. «Je ne peux pas jouer dans un feuilleton, car je ne peux pas suivre scrupuleusement un texte écrit. Quand je joue, je mets beaucoup de moi-même et, souvent, j’improvise. Je ne me vois pas respectant un script. Je me sens mieux dans le cinéma où le réalisateur met en valeur le jeu de l’acteur», souligne le comédien.
C’est avec Mario Bassil qu’il présente plusieurs comédies, la première était TV or not TV. Contrairement au style de Bassil, plus versé dans les blagues salaces, Tony Abou Jaoudé s’impose par son côté posé, son incroyable voix dans l’interprétation des chansons et, surtout, dans son imitation des hommes politiques. «Le public aime le mélange de nos styles tout à fait différents, Mario et moi. Il y a un décalage entre son côté burlesque et exagéré, tout le temps axé sur le sexe, et mon style qui repose plus sur l’interprétation, le jeu et le chant», précise l’artiste. Doué d’une très belle voix, le public découvre l’étendue de son talent dans Celebrity Duets. «Je chante depuis que je suis enfant, mais je suis versé dans le chant occidental et, malheureusement, je n’ai jamais pensé apprendre la musique orientale. Je ne crois pas avoir de l’avenir dans le domaine de la chanson au Liban. Même si, après Celebrity Duets, c’était dommage de ne pas chanter», confie Tony Abou Jaoudé. Pourtant, cela ne l’a pas empêché de participer, dans le cadre du festival de Byblos 2013, à un opéra auprès de la soprano Samar Salamé. Il a également chanté à Dubaï dans le cadre de spectacles à but caritatif.
Entre la chanson et la comédie, Abou Jaoudé se retrouve mieux dans cette dernière. «Je continue à jouer et cela a pris trop de mon temps et de ma vie. J’y ai consacré des années.Pourtant, j’ai envie de me concentrer un peu plus sur la chanson et je promets d’en sortir une cette année». Cependant, il reconnaît la difficulté de trouver une chanson dont la musique et les paroles aillent avec son style et sa personnalité. L’imitation des hommes politiques, qui l’a rendu célèbre, ne l’intéresse plus. «Je suis tellement dégoûté de nos hommes politiques que je suis même dégoûté de les imiter! D’ailleurs, tout le monde le fait maintenant et cela n’a plus aucun intérêt».
Après avoir présenté plusieurs émissions, telles que Ya leil ya ein sur la LBC – Lebanese Broadcasting Corporation (1999-2002), CBM sur la MBC (2003-2007) et une courte reprise de Ya leil ya ein en 2006, qui fut arrêtée à cause de la guerre, Tony Abou Jaoudé revient bientôt en présentateur sur une chaîne panarabe.
Marié à la présentatrice Carla Haddad, ils ont une fille de 4 ans, Léa. Habitués à vivre sous les projecteurs, leur double célébrité n’a jamais posé un problème pour le couple. «Chacun de nous sait comment se comporter avec les fans de l’autre. Quand on connaît bien la personne avec laquelle on vit, ceci ne pose pas de problèmes. Il faut être large d’esprit et comprendre ce genre de situations. Carla et moi n’avons pas de souci sur ce plan». En revanche, Tony Abou Jaoudé confie qu’il veille sur les tenues de son épouse surtout dans ses apparitions dans des émissions comme Dancing with the stars ou autres du genre. «Je m’inquiète des fois de sa tenue, même s’il est vrai que ses robes sont belles et qu’elle sait les mettre en valeur vu sa belle taille. Au début surtout, je veillais à cela. Carla est plus jeune que moi, elle a commencé très tôt dans cette carrière et elle n’avait pas beaucoup d’expérience». C’est dans une pièce de théâtre à laquelle ils participaient tous les deux qu’ils se sont connus. «Elle était très belle. Au début, je l’admirais, puis nous sommes devenus amis. Je l’aidais et lui donnais des conseils. Nous avons continué à nous voir et la vie privée s’est mélangée à la vie professionnelle. Trois ans après notre rencontre, nous nous sommes fiancés et, deux ans plus tard, nous nous sommes mariés», raconte l’acteur. Lorsqu’on lui demande si Léa tient déjà quelque chose du talent de son père, Abou Jaoudé répond qu’il est encore trop tôt pour le savoir. «Elle est très amusante et a des expressions et des grimaces très drôles». Il préfère qu’elle n’entre pas dans ce domaine et qu’elle se tienne loin du showbiz. «C’est un milieu difficile et ingrat avec les gens qui ont du talent. Ce n’est pas forcément le plus doué qui réussit tout comme ce n’est pas la fille la plus belle qui est élue Miss. Je ne voudrais pas qu’elle ait des désillusions, pourtant si c’est cela qu’elle voudra faire, bien sûr je l’aiderai».
Joëlle Seif
Photos Milad Ayoub-DR
Abou Jaoudé chanteur
Après son succès dans l’émission Celebrity Duets, Tony Abou Jaoudé a participé dans le cadre du festival de Byblos au spectacle Crazy Opera aux côtés de la soprano Samar Salamé où il a chanté uniquement. «Jusqu’à présent, c’est ma plus importante expérience dans le domaine de la chanson. La
représentation a eu beaucoup de succès et nous espérons répéter cette expérience l’été prochain». Toujours dans le domaine de la chanson, Abou Jaoudé participera au
spectacle organisé par Tania Kassis, One Lebanon, qui aura lieu au Forum de Beyrouth le 1er février et qui réunira un grand nombre d’artistes libanais dont Anthony Touma, Marwan Khoury, Carlos Azar, Maguy Bou Ghosn, Brigitte Yaghi, Fadi Khatib…
Ce qu’il en pense
Social Media: «C’est la nouvelle tendance et personne n’y échappe. Je suis sur Facebook et Twitter, mais je n’en suis pas esclave. J’essaie de préserver mon intimité autant que possible».
Ses loisirs: «Le sport et la lecture surtout les bandes dessinées, Astérix et Obélix, Tintin, Le journal de Spirou».
Sa devise: «J’agis toujours selon mes principes et mes convictions. Je joue sur scène mais jamais dans la vie. Je reste moi-même. Je ne sais pas jouer la comédie aux gens et leur dire des choses que je ne pense pas».