Magazine Le Mensuel

Nº 2934 du vendredi 31 janvier 2014

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Saving Mr. Banks. La genèse de Mary Poppins

Qui ne connaît pas le mythique film Mary Poppins, cette «nounou» magicienne de notre enfance? Mais on n’est peut-être pas très nombreux à connaître l’histoire derrière ce film des studios Disney. C’est ce que raconte Saving Mr. Banks, réalisé par John Lee Hancock.
 

Saving Mr. Banks lève le voile sur l’histoire extraordinaire et méconnue de la création, de la genèse de Mary Poppins, sorti en 1964. Mary Poppins, c’est d’abord un personnage créé par Pamela Lyndon Travers, héroïne d’une série de livres pour enfants publiés dès 1934. Il a fallu vingt ans pour que le père de Mickey Mouse puisse mettre ce personnage à l’écran. Tout ce temps pour avoir l’accord de l’auteure.
Avant tout, une précision s’impose. Qui est Mr. Banks? On l’a peut-être oublié, mais Georges Banks est l’un des personnages du film, le père des deux enfants dont Mary Poppins a la charge, banquier préoccupé seulement par le monde des affaires, délaissant ainsi sa famille et ne sachant même plus sourire et apprécier la vie. Et c’est justement ce personnage qu’il fallait sauver.

 

De tractations et de secrets
Le film débute par l’image d’une petite fille aux bouclettes blondes, assise dans un large champ vert. Plongée au cœur de ses yeux brillants tournés vers le ciel. Le spectateur est aussitôt transporté d’Australie, au début des années 1900, vers Londres en 1961. Et une deuxième plongée au cœur du regard de P.L. Travers, campée par Emma Thompson, seule, debout, dans sa grande demeure londonienne, qu’elle est sur le point de perdre, faute d’argent. Elle ne pourra sortir de cette situation, comme essaie de la convaincre son agent, qu’en signant les droits d’adaptation cinématographique de son livre. Elle finit donc par céder. Et les tractations commencent en 1961, avec l’arrivée de P.L. Travers dans les studios américains.
Intransigeante, elle impose ses conditions: pas d’animation, pas de pingouins, pas de couleur rouge, pas de musique ou de chant. Durant deux semaines intenses, elle discutera tous les détails avec l’équipe du film, Walt Disney lui-même qui y tient, parce qu’il a promis à ses filles de porter à l’écran leur livre favori, les talentueux frères Sherman, compositeurs de la bande-son et le coscénariste Don DaGradi. P.L. Travers tient à enregistrer les tractations, les vrais enregistrements, puisés dans les archives de Disney, ayant d’ailleurs servi à Kelly Marcel pour l’écriture de l’actuel scénario. A mesure que Travers écrase l’enthousiasme de Walt Disney et son équipe, le spectateur découvre les raisons de son attachement au personnage de Mary Poppins qui remontent à son enfance. Petit à petit, les fantômes qui la hantent se révèlent, se libèrent, se diluent. Ensemble, ils finiront par créer l’un des films les plus inoubliables du 7e art.
Si Mary Poppins s’adresse, avant tout, à un jeune public, ce n’est pas le cas de Saving Mr. Banks, mises à part quelques scènes colorées et enchantées, comme celle où les deux personnages principaux se retrouvent sur le manège dans le parc Disneyland, le tout premier au monde ouvert en 1955 en Californie. D’ailleurs, les créateurs du film et les productions Disney ont tenu à présenter aux spectateurs une véritable reproduction de l’époque, tant au niveau des décors que des tenues vestimentaires. Et l’effet est prenant. Tout comme l’est également la reproduction de l’époque antérieure, celle de l’enfance de P.L. Travers. Deux époques qui ne cesseront de se croiser tout au long des incessants allers-retours entre le passé et le présent, qui s’effectuent sans transition, mais avec fluidité.
 

Au cœur du film, les acteurs
Le film repose surtout sur son casting. Emma Thompson en tête, magnifique dans ce rôle de composition, de femme rigide et autoritaire, à la limite de l’antipathie par moments, et alliant excentricité et tendresse. D’ailleurs, selon le site allociné, l’actrice britannique aurait eu du fil à retordre avec ce «personnage de femme désagréable (qui) a constitué une étude de cas et qui a exigé de (sa) part un éventail de jeu extrêmement nuancé. C’est l’une des personnalités les plus complexes qu’il m’ait été donné d’interpréter», ajoute Emma Thompson. Et elle lève haut la main ce défi, volant presque entièrement la vedette à Tom Hanks, qui incarne pourtant très correctement le célèbre Walt, comme l’appelait toute son équipe. Le reste du casting est tout aussi merveilleux, formant un appui aux deux rôles principaux et un noyau très solide. Paul Giamatti dans le rôle de Ralph, le chauffeur assigné à Travers, le seul à pouvoir briser sa dure carapace. Mais aussi le trio composé de Jason Schwartzman, Bradley Whitford et B.J. Novak qui émaillent de tellement d’humanité chaleureuse et authentique chacune des scènes où leurs personnages respectifs se retrouvent dans une situation presque sans issue avec Travers. Sans oublier Colin Farrell dans la peau de Travers Robert Goff, le père torturé et alcoolique de l’auteure.
La critique reproche au film d’avoir arrondi les angles, d’avoir présenté une image très polie, agréable et bourrée de bons sentiments des personnages principaux et des tractations qu’ils ont menées. Mais même si le film ne respecte pas tous les détails de cette histoire vraie, il n’en demeure pas moins que la trame narrative, la complexité des personnages et l’ambiance générale qui s’en dégage sont autant d’éléments attirants et attachants, malgré ses défauts. C’est ce qui fait d’ailleurs que Saving Mr. Banks ne vise pas seulement les fans de Mary Poppins mais tout cinéphile.

Nayla Rached

Sortie prévue le 6 février.

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