Depuis le début des tractations gouvernementales, les Forces libanaises se sont placées au-dessus du marchandage politique en refusant de participer à un cabinet rassembleur. Magazine a rencontré le Dr Fadi Karam, député FL du Koura.
Après tout ce temps, le gouvernement a-t-il la chance de voir le jour prochainement?
La question n’est pas de savoir si le gouvernement verra le jour ou non, ce qui, à long terme, semble être une certitude, c’est plutôt la forme que prendra ce cabinet. Nous voulons un gouvernement de distanciation qui, seul, peut mener à bien l’élection présidentielle, dont l’organisation est primordiale. L’insistance de certaines factions sur la mise en place d’un gouvernement politique rassembleur comporte de nombreux dangers, car nous avons l’impression qu’une telle équipe occupera la fonction présidentielle en pérennisant le vide. De plus, un gouvernement fédérateur, formé de toutes les factions, courra inéluctablement le risque d’implosion en raison des différentes politiques, ce qui également perpétuera le principe du vide institutionnel. Un gouvernement de distanciation aura pour priorité de résoudre les problèmes des citoyens et de mener à bien l’élection présidentielle.
Le quotidien al-Joumhouria a déclaré, en citant des sources proches de Bkerké, que le patriarche Béchara Raï refuserait tout gouvernement ne comprenant pas les deux principales formations chrétiennes. La
position de la plus haute instance maronite ne vient-elle pas a contrario du principe que vous défendez?
Le patriarche défend un principe tout à fait normal qui prévoit une représentation chrétienne équitable au sein de tout nouveau gouvernement.
Le Dr Samir Geagea refuse de participer à un gouvernement comprenant les ministres du Hezbollah, alors que le Courant du futur, votre allié politique, a, lui, accepté ce compromis. Cette approche ne va-t-elle pas marginaliser une fois de plus les Forces libanaises?
Notre refus de participer au gouvernement ne va pas diviser le 14 mars. Nous aurions préféré partager les mêmes vues à ce sujet, mais l’essentiel est que nous soyons d’accord sur les questions d’ordre stratégique, ce qui est toujours le cas. Nous estimons que toute participation au gouvernement pourrait être interprétée comme une caution au Hezbollah. Le Courant du futur, lui, estime que le temps est venu pour que s’instaure une période de détente politique. Ces opinions divergentes ne vont pas pour autant nous diviser, car nous sommes tous d’accord sur l’importance de mettre fin à l’implication du Hezbollah en Syrie, ainsi qu’à l’équation armée-peuple-Résistance. Personne ne peut marginaliser les FL, bien que les tentatives aient été nombreuses durant ces dernières quinze années d’oppression. Nous faisons toujours partie de l’Etat, alors que le Hezbollah fait l’objet d’un procès auprès du Tribunal spécial pour le Liban qui va le juger pour tous ses crimes. De plus, le 14 mars ne permettra pas notre marginalisation. Notre priorité est de défendre les intérêts de l’Etat et non ceux des personnes privées.
Le ministre Marwan Charbel a mis en garde les politiciens libanais contre de possibles attentats. La résidence du Dr Geagea a également été survolée plusieurs fois par un drone non identifié. Le
gouvernement a-t-il pris des mesures précises pour identifier ce drone et renforcer la sécurité?
Nous informons l’Armée libanaise dès qu’un drone survole Maarab car cela représente un danger non seulement pour le Dr Geagea mais pour toute la région. Le général Kahwagi nous a indiqué qu’il avait pris des mesures sécuritaires en ce sens. Nous ne disposons toutefois pas de plus amples informations sur le drone, mais cet avion est certainement celui d’une faction ennemie.
Quel regard portez-vous sur la série noire qui frappe les régions chiites et qui s’est étendue, cette semaine, à une région mixte druzo-chiite?
Le Liban est désormais ouvert aux actions terroristes en raison des erreurs du Hezbollah, qui a rendu les frontières poreuses dans les deux sens, permettant ainsi au Parti de Dieu de lancer des opérations en Syrie et aux fanatiques de s’infiltrer au Liban. On ne sait pas qui se cache derrière ces extrémistes, est-ce l’opposition syrienne ou le régime Assad? Nous demandons au Hezbollah de se retirer de Syrie et de changer de stratégie, et à l’Armée libanaise de protéger les frontières du pays.
Propos recueillis par Mona Alami