Magazine Le Mensuel

Nº 2936 du vendredi 14 février 2014

Affaire Déclassée

Beyrouth-Damas. Des troubles à la dent dure

Depuis l’indépendance du Liban, les relations avec la Syrie n’ont jamais été harmonieuses. L’instabilité dans ce pays n’améliorait pas le climat malgré les tentatives du gouvernement libanais d’y remédier.
 

En 1963, on compte dix-sept incidents entre le Liban et la Syrie. Les incursions syriennes se multiplient et les autorités de Beyrouth ne savent plus comment résoudre des problèmes qui s’accumulent.
La Syrie accuse le Liban de servir de centre d’entraînement aux opposants syriens et d’avoir, notamment, accordé l’asile à l’auteur du putsch manqué du 18 juillet 1963 en Syrie. La conjoncture régionale renforce la tension qui atteint son paroxysme. Les régimes arabes vivaient alors une période particulièrement trouble et les coups d’Etat se succédaient.
Le 8 octobre, un conseil de défense unifié entre l’Irak et la Syrie est créé. Damas exerce des pressions sur le Liban et lie la reprise des négociations économiques, interrompues depuis quelque temps, à la position qu’il adoptera face à cette union militaire. Beyrouth dépêche à Damas l’ambassadeur de l’époque, Nadim Demechkié. Le diplomate demande l’arrêt des incursions syriennes et réfute les accusations de Damas. Les incidents ne s’arrêtent pas pour autant. Le 18 octobre, des soldats syriens, prétendant s’être égarés, pénètrent à Yantra. Le poste de gendarmerie du village est attaqué. Un officier et quatre soldats syriens sont arrêtés. La riposte ne se fait pas attendre. Le lendemain, quatre militaires, dont un sergent, se dirigent vers Anjar, à 2 km de la frontière libano-syrienne dans une mission de contrôle routinier. Ils sont pris dans une embuscade tendue par une patrouille syrienne et tués. L’incident aggrave la tension entre les deux pays. L’affaire se corse.

 

Excuses verbales
Damas adresse des excuses verbales à Beyrouth et promet une enquête qui ne sera jamais ouverte. De son côté, le gouvernement libanais donne instruction aux forces qui contrôlent les frontières de tirer à vue sur toute personne tentant de pénétrer illégalement au Liban. Il exige, en outre, du gouvernement syrien l’indemnisation des familles des soldats morts dans l’embuscade.
Damas affirme tout ignorer des incursions répétées en territoire libanais et déclare qu’il s’agit d’initiatives personnelles et promet d’y mettre un terme. Une promesse qui n’est pas tenue et les violations territoriales se poursuivent.
Le 22 octobre, le gouvernement libanais adresse une note de protestation à Damas. Il dénonce les violations fréquentes du territoire libanais. La réponse syrienne est déroutante. Les agressions auraient été commises en Syrie par des saboteurs venus du Liban. Il accepte cependant la formation d’une commission d’enquête groupant deux officiers et un magistrat pour chacun des deux pays. La commission se réunit quelques jours plus tard à Chtaura. Les exigences syriennes menacent de tout faire tomber à l’eau. Damas voudrait, en préalable à toute enquête sur l’incident de Anjar, la remise en liberté de l’officier et des quatre soldats syriens arrêtés à Yantra. Cinq plaintes sont enregistrées par le gouvernement de Damas contre des rapts de soldats syriens au Liban.
Dans cette crise, l’Irak joue le rôle de médiateur et son ministre irakien de l’Intérieur, Hazem Jawad, intervient entre les deux gouvernements pour régler l’affaire. Un compromis est conclu. Le 9 novembre, le Liban répond positivement aux demandes syriennes et libère les cinq militaires syriens. Le gouvernement syrien répond aussitôt en versant la somme de 50 000 livres syriennes en indemnités aux familles des quatre militaires libanais tués. L’affaire est close, mais les relations entre les deux pays ne s’arrangent pas pour autant.

Arlette Kassas

Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban – le mandat Fouad Chéhab, de Joseph Chami.

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