Les témoignages se sont succédé devant le Tribunal de La Haye. Plusieurs officiers des FSI ont été interrogés sur l’enquête effectuée directement après l’attentat, qui a coûté la vie à Rafic Hariri et vingt et une autres personnes. Les témoignages se suivent et se ressemblent, ou presque. Après les récits relatés par les proches des victimes de l’attentat, le Bureau du procureur a souhaité faire comparaître à la barre, des membres des équipes qui ont travaillé sur la scène de l’attentat.
Le 5 février dernier, la parole était donnée à un agent des Forces de sécurité intérieure (FSI), qui témoigne dans l’anonymat en vidéoconférence depuis Beyrouth. Le témoin, qui occupait un poste administratif au bureau des explosifs des FSI lors des faits, a tout d’abord souligné que plusieurs experts travaillant sur la scène de l’attentat ont récupéré des pièces de métal, qui seront ensuite identifiées comme appartenant à la camionnette Mitsubishi, à l’origine de l’explosion. L’accusation a alors présenté plusieurs pièces dudit véhicule au Tribunal. Le témoin a ensuite subi un contre-interrogatoire du conseil de Hussein Oneissi, Me Philippe Larochelle, qui l’a quelque peu déstabilisé. L’avocat a révélé que le témoin avait été contacté le 15 février 2005 par le général des Renseignements syriens, Jameh Jameh. Un brin nerveux, le témoin protégé a nié avoir été en contact régulier avec ce dernier, une affirmation démontée par Larochelle, qui fait état de «rapports téléphoniques constants» le 7 janvier 2005, ainsi qu’au mois de mars 2005. La retransmission de la séance a été interrompue et reprise quelques minutes plus tard. Un laps de temps qui aura visiblement éclairci les idées du témoin, qui a révélé que Jameh − tué en octobre 2013 à Deir Ezzor, en Syrie − souhaitait être tenu au courant de l’enquête sur l’attentat. «Nous vivons dans une région où de telles connaissances sont importantes pour notre protection», s’est-il justifié. Le lendemain, le conseil de Moustafa Badreddine, Ian Edwards, a fait référence à un rapport du général Achraf Rifi critiquant les mesures insuffisantes prises par les FSI sur la scène du crime. Ce qui l’a conduit à s’interroger sur la préservation des éléments de preuve prélevés les jours suivant l’attentat.
La camionnette Mitsubishi s’est aussi retrouvée au centre du témoignage de l’expert et policier britannique Malcolm Wilson. Avec un épisode presque cocasse, au cours duquel le témoin n’est pas parvenu à retrouver la trace de la marque du véhicule sur une des pièces récupérées en mer par une équipe de plongeurs professionnels. Tous ces témoignages, provenant du Bureau du procureur, avaient pour objectif de démontrer que la camionnette Mitsubishi était bel et bien le véhicule piégé qui avait causé l’explosion, ce 14 février 2005. Une thèse toujours mise en doute par les avocats des accusés qui soutiennent, eux, l’hypothèse d’une explosion souterraine.
Cette semaine, le premier témoignage à être entendu a été celui de Tanios Gemayel, un sous-officier des FSI. Interrogé via la vidéoconférence depuis Beyrouth, Gemayel a expliqué qu’il avait reçu l’ordre «vers
22 h, le soir du 14 février 2005», de «nous rendre sur le lieu du crime et de filmer l’opération de remorquage des voitures». Dans le même temps, a-t-il expliqué, un autre ordre était donné de relever des échantillons d’ADN des parents d’Abou Adass, qui avait revendiqué l’attentat dans une vidéo. Mais c’est l’enlèvement très rapide des véhicules qui a suscité le plus de questions, tant de la part de l’accusation, que des juges du TSL. Le juge David Re, qui préside le tribunal, a notamment interrogé le témoin sur «les raisons de l’empressement à retirer les véhicules des lieux du crime, moins de vingt-quatre heures après l’attentat et durant la nuit». Une question à laquelle Gemayel n’a pas été en mesure de répondre, arguant qu’il avait simplement obéi aux ordres.
Jenny Saleh
Le dossier Merhi
La décision aura été finalement prise. Mardi, les audiences du tribunal de première instance ont porté sur la demande du Bureau du procureur de joindre le dossier de Hassan Habib Merhi, mis en cause en 2013, à celui des quatre accusés actuellement jugés in abstentia. Cette décision aurait notamment pour objectif d’éviter au TSL de juger deux fois des affaires étroitement liées, avec des éléments de preuve communs, mais aussi de faire de grosses économies. Lors des discussions, le chef du Bureau de la défense, François Roux, ne s’est pas privé de critiquer cette décision, arguant que l’accusation «bénéficie de moyens énormes», contrairement à lui. Les conseils de l’accusé Merhi ont, eux, soulevé le manque de temps pour préparer leur défense. Les audiences ont été suspendues pour leur permettre de travailler leur défense.