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Nº 2937 du vendredi 21 février 2014

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Business et développement durable. Une stratégie gagnant-gagnant

La notion de Responsabilité sociale des entreprises, qui a émergé dans les années soixante-dix, prend une place de plus en plus centrale dans les sociétés, y compris au Liban. Les entreprises ont désormais intégré que business et développement durable peuvent se conjuguer.
 

Intégrer les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités. C’est, en résumé, ce qui est désormais demandé aux entreprises, multinationales, comme les PME. Bref, de faire rimer business et développement durable en prenant des engagements, notamment de bonne gouvernance.
Si, en apparence, cette démarche volontaire de la société peut paraître simple, la responsabilité sociale des entreprises est bien plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, pour la mettre en œuvre, celles-ci doivent réévaluer leur modèle économique et leur stratégie en intégrant des problématiques environnementales, comme le changement climatique ou la raréfaction des ressources, mais aussi des questions sociales, comme la diversité ou le respect des droits de l’homme. De même, cet engagement de bonne gouvernance se déclinera différemment d’un secteur économique à l’autre. Par exemple, pour une multinationale de l’agroalimentaire, il s’agira d’œuvrer pour plus de traçabilité dans la provenance des aliments. Les fabricants de cosmétique pourront s’engager, notamment, à ne pas utiliser d’animaux pour tester leurs produits. Pour une autre multinationale, spécialisée dans l’habillement, il s’agira de veiller aux bonnes conditions de travail de ses employés œuvrant dans des usines situées dans les pays du tiers-monde, ou encore de les rémunérer convenablement. Pour les banques, ou plus globalement les institutions financières, la bonne gouvernance rimera avec transparence et bonne gestion vis-à-vis de leur clientèle. Une manière pour elles de rendre des comptes à la société dans laquelle elles évoluent.
Par ailleurs, une politique de RSE bien menée ne peut pas être l’apanage unique des dirigeants d’entreprises. Même si ceux-ci peuvent bien évidemment insuffler une dynamique. La RSE doit reposer sur toutes les parties prenantes: les salariés, les actionnaires, les clients et les consommateurs, mais aussi les fournisseurs, les acteurs de la société civile, comme les ONG.
Certains pays, mais trop peu encore, ont pris des initiatives pour rendre obligatoire la publication d’informations d’ordre environnemental et social par les entreprises. Mais elles demeurent peu contraignantes.
Pour autant, la responsabilité sociale progresse dans les mentalités. Sans doute à cause des crises économiques successives qui ont effrité la confiance entre les consommateurs et décideurs économiques. Ainsi, peu à peu, y compris au Liban, de plus en plus d’entreprises, quelle que soit leur taille, appliquent une politique de petits pas pour une meilleure intégration dans la communauté. Cela se note par exemple au niveau de l’énergie. Beaucoup d’entreprises choisissent de revoir à la baisse leurs consommations en énergie, en eau ou en papier. Dans ce cas, c’est gagnant-gagnant. L’entreprise réduit ses dépenses, tout en montrant à la communauté dans laquelle elle évolue qu’elle aussi fait des efforts dans 
ce sens.

 

Rendre des comptes
Au niveau international, les choses bougent aussi. Depuis 1999, le Global Compact, alias Pacte mondial, initié par les Nations unies, fait la promotion de la responsabilité sociale des entreprises. L’objectif était de les inciter à s’allier à la société civile et aux organismes de l’Onu pour répondre aux enjeux environnementaux de leurs activités. Le Global Compact propose, pour cela, aux entreprises d’adhérer à dix grands principes dans les domaines des droits de la personne, du travail, de l’environnement et de la corruption.
Parmi ces principes fondateurs, celui de soutenir et de respecter la protection internationale des droits de l’homme dans la sphère d’influence. Les entreprises devront par exemple s’assurer qu’elles-mêmes ou leurs filiales ne se rendent pas complices de violations des droits de l’homme. En éliminant le travail forcé, en abolissant le travail des enfants, en évitant toutes sortes de discrimination, etc. le volet environnemental est tout aussi essentiel, puisque les signataires du Global Compact s’engagent notamment à adopter une approche de précaution face aux défis environnementaux, ou encore à privilégier et encourager des technologies respectueuses de la planète.
Dès sa création, le Global Compact a rencontré un vrai succès. D’une cinquantaine de signataires, le pacte a vite rassemblé des milliers d’entreprises de par le monde. Avec un défi supplémentaire. Celui de contrôler les engagements réellement mis en place par les entreprises. Ainsi, en 2003, les signataires se sont vu imposer de progresser chaque année au moins dans l’un des dix principes du Global Compact via des rapports annuels aux Nations unies. Avec, en cas de non-respect, une suppression pure et simple de la liste des adhérents au pacte. L’impact est tel qu’il se mesure concrètement dans le secteur des investissements. Il n’est désormais plus rare de voir des investisseurs demander à des agences financières de leur indiquer la liste des entreprises conformes aux dix principes du Global Compact, avant d’y mettre un seul dollar.
En 2010, la norme ISO26000 vient compléter le processus. Elaborée par quelque 500 experts venant de 90 pays, elle constituera la première définition de la RSE à l’échelle mondiale. Sept domaines sont définis: la gouvernance de l’organisation (la transparence, la responsabilité de rendre compte et le dialogue avec les parties prenantes), les droits de l’homme; les conditions et relations de travail, l’environnement, les bonnes pratiques des affaires, les questions relatives aux consommateurs et l’engagement sociétal. Les PME sont inclues dans le phénomène car, au final, les enjeux restent les mêmes, quelle que soit la taille de l’entreprise. Cette norme ISO26000, si elle n’est que comportementale, s’avère utile pour des petites entreprises qui souhaiteraient accéder à des marchés publics. Car ceux-ci intègrent désormais des clauses environnementales et sociales.
Bien sûr, les critiques, et ils sont nombreux, pourront arguer que la Responsabilité sociale apparaît comme une manière de plus pour les entreprises, d’améliorer leur image et de communiquer auprès de leurs clients. Sauf que ces derniers peuvent désormais juger eux aussi en l’état, en accédant aux rapports de RSE établis annuellement, devenant réellement parties prenantes. Eux seuls pourront au final voir si l’entreprise s’engage, ou pas, de façon pérenne sur des actions précises. Au-delà du simple coup de pub. 


Jenny Saleh

L’exemple de l’Inde
En août 2013, une loi incite les entreprises indiennes réalisant plus de 125 millions d’euros de chiffres d’affaires, ou dont la valeur excède 62 millions d’euros, à investir au moins 2% de leurs bénéfices nets dans des programmes de RSE.
Si les entreprises concernées ne 
respectent pas la loi des 2%, dans les domaines de l’éducation, de lutte contre la faim, la pauvreté, les droits des femmes, l’environnement durable, un comité d’au moins trois administrateurs devra s’en 
expliquer publiquement.
Autre impératif pour les entreprises indiennes, celui de fournir un rapport 
chiffré tous les ans, afin de distinguer ce qui relève de la communication et des investissements réels.
Selon une étude réalisée par le site 
csridentity.org, si les 100 plus grandes entreprises indiennes suivent les 
recommandations de cette nouvelle loi, leurs investissements dans le secteur pourraient passer de 220 à 700 millions d’euros.
Décidément bonne élève de la RSE, l’Inde compte aussi dans ses rangs la bourse de Bombay, qui s’est engagée aux côtés de six autres places financières dans le projet 
Sustainable stock exchange. Leur défi? Faire la promotion de pratiques responsables auprès des compagnies cotées, mais aussi des investisseurs et des régulateurs.

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