Magazine Le Mensuel

Nº 2938 du vendredi 28 février 2014

Affaire Déclassée

Prison de Roumié. Scandale ou mauvaise gestion?

Un scandale a éclaté, il y a quelques mois, à la prison de Roumié. Une enquête est ouverte et semble, a priori, en bonne voie.
 

L’ancien ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, a fait état d’une dilapidation des deniers publics dans les travaux de réhabilitation du bâtiment, leur coût s’étant avéré démesuré par rapport à leur qualité et leur importance. A la suite de sa requête, la Cour des comptes se saisit de l’affaire.
Il s’est avéré que le bureau de construction des Forces de sécurité intérieure (FSI), chargé de la rénovation de la prison, avait lancé une adjudication remportée par une société d’entrepreneuriat, qui a effectué la première étape des travaux. Or, celle-ci est jugée, par les experts, mal gérée. Ils relèvent des problèmes de plomberie non résolus, des portes de subdivision qui ne ferment pas comme il faut et les embrasures de celles des cellules permettant aux prisonniers d’y cacher des substances interdites.
L’affaire suscite de vives réactions. Le ministère des Travaux publics et des Transports se penche sur le dossier et présente à celui de l’Intérieur un rapport affirmant que les travaux ont été réalisés par la société à laquelle ils ont été confiés par contrat et qu’elle n’est pas responsable des failles découvertes dans la prison.
Le syndicat des entrepreneurs de travaux publics et de constructions, dénonce, pour sa part, «la politisation» du dossier. Il affirme que l’adjudication avait été remportée par la société d’entrepreneuriat le 12 novembre 2012, et que les travaux ont été entamés le 17 janvier 2013, selon les conditions fixées dans le cahier des charges. Mais la société aurait suspendu les travaux pour des raisons techniques relevant de l’administration publique.
L’affaire fait boule de neige. Les personnes concernées mettent en avant le fait que, pour un crédit de six millions de dollars affectés aux travaux d’entretien, le coût des travaux qui avaient été réalisés a été estimé à seulement 100 000 dollars. Un rapport d’évaluation de la prison révèle au cours d’une réunion au Grand sérail, présidée par l’ancien Premier ministre Najib Mikati, que soixante-quinze pour cent du budget alloué à l’amélioration des conditions de vie des détenus de Roumié ont été utilisés pour l’achat d’équipements de surveillance, d’ambulances et d’équipements pour la salle d’opérations. Une partie du montant a été gaspillée et des commissions ont été versées. Seuls 5% de la somme ont été consacrés à l’amélioration des conditions de vie des prisonniers.
La prison de Roumié est construite dans les années soixante. Le 3 mars 1961, le directeur des Bâtiments aux Travaux publics, Mitri Nammar, annonce que trois millions de livres libanaises sont allouées pour des travaux d’une prison modèle à Roumié qui sera considérée comme une prison centrale. Le coût total du projet est évalué à 8 millions de livres libanaises, et la durée des travaux est estimée à deux ans et demi.
Le 16 mars 1962, le ministre Pierre Gemayel pose la première pierre du bâtiment qui sera construit selon le projet de l’architecte Pierre Khoury. Un délai de trois ans est fixé pour la fin des travaux. Les coûts sont majorés et atteignent dix millions de livres libanaises.
Cette prison est conçue pour recevoir entre 2 500 et 3 000 prisonniers au maximum. Elle en compte aujourd’hui plus de 4 760 sur une superficie de 30 000 mètres carrés. Elle est très souvent le théâtre de perturbations. Des commissions ont été chargées d’étudier sérieusement le problème des prisons en général et celui de la prison de Roumié en particulier. A ce jour, le problème n’est pas résolu.

Arlette Kassas

Le rapport Moukheiber
Le député Ghassan Moukheiber avait présenté un rapport sur la situation des prisons: Entre la loi, la réalité et les besoins. Il y souligne que les problèmes résident dans le surpeuplement des prisons qui comptent plus de 5 876 détenus, dépassant de 300% la capacité de tous les 
pénitenciers, ainsi que dans le fait de mettre tous les détenus ensemble, quels que soient les délits commis. D’autres problèmes sont liés au manque de confort dans les bâtiments et à la carence de fonds pour améliorer la situation des prisonniers.

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