Cette semaine, la presse étrangère dresse le constat inquiétant d’un Liban qui n’arrive pas à se défaire des affres de la guerre syrienne.
Al-Sharq Al-Awsat
L’armée en première ligne
Le directeur de la rédaction du quotidien saoudien panarabe, Al-Charq el-awsat, Eyad Abu Shakra, s’interroge sur la place de l’Armée libanaise sur l’échiquier national.
Le régime syrien a dépouillé le mot «souveraineté» de son sens. Les Libanais – politiciens, médias et opinion publique – sont plus humbles. Ils se rendent compte de deux choses: d’abord, que le Liban n’est plus un pays indépendant, ensuite, que personne ne les croit lorsqu’ils reprennent l’auto-persuasion de Bachar el-Assad. Sans tourner autour du pot, il suffit de constater que l’Armée libanaise, censée être une forteresse nationale et un creuset de loyauté, n’est pas la force armée la plus puissante sur le terrain.
Au cours des dernières années, l’institution militaire libanaise a connu plusieurs expériences difficiles tout en essayant de démontrer son impartialité au peuple libanais.
L’implication du Hezbollah en Syrie et l’échec de l’Armée libanaise à trouver les définitions à des termes comme l’extrémisme, le fondamentalisme, le terrorisme ou le takfirisme, ont affaibli la confiance du peuple libanais dans l’impartialité de l’armée. Il est vrai que cette tâche, celle de redonner sens et confiance, est la prérogative de l’establishment politique, plutôt que militaire. Qu’elle le veuille ou non, l’armée est devenue le dernier recours pour le peuple libanais, qui attend d’elle des figures consensuelles et modérées prêtes à assumer la présidence. C’est quelque chose d’assez désarmant.
Haaretz
Le dilemme d’Israël face au Hezbollah
Le spécialiste des questions de défense du journal israélien Haaretz énumère les options de l’Armée israélienne face au parti de Dieu.
Le front à la frontière nord d’Israël est beaucoup plus chaud que les médias et l’opinion publique ne le laissent supposer. Qu’est-ce que la dernière attaque d’Israël sur le territoire libanais a de différent cette fois? La réponse est que la cible directe était le Hezbollah et, pour la première fois, il a été attaqué au Liban. De toutes les menaces auxquelles Israël est confronté sur le front nord, le plus inquiétant est sans doute le missile terre-mer Yakhont. Il permet une visée très précise dans un rayon de 300 kilomètres, non seulement contre les installations de la marine, mais aussi contre les infrastructures le long du littoral israélien.
La possession par le Hezbollah de ce missile pourrait paralyser le trafic maritime israélien en temps de guerre. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déjà déclaré que son organisation répondrait à l’imposition d’un blocus maritime en tirant des missiles sur des navires de la marine. Le Hezbollah a déjà des missiles fabriqués en Chine, utilisés en 2006. S’il venait à prendre possession de missiles Yakhont, Israël le verrait comme un grave problème.
The Daily Telegraph
Le Hezbollah enrôle
Le quotidien britannique The Daily Telegraph explique comment le phénomène islamiste fait la campagne de recrutement de l’organisation chiite.
Une série d’attaques à la voiture piégée contre les villes chiites a entraîné une hausse du nombre de jeunes volontaires prêts à se battre pour les couleurs du parti en Syrie, au moment où la communauté considère que sa survie dépend intimement du sort du président Bachar el-Assad. «Tous les hommes de cette région reçoivent des armes et demandent à se battre en Syrie, qu’ils soient déjà membres du Hezbollah ou pas», explique un combattant de manière anonyme. «Nous sommes dans une situation critique et nous devons nous battre pour la survie des chiites».
Des sacs de sable sont empilés autour du café le plus populaire de la ville du Hermel. C’est tout ce que peut faire son propriétaire afin de protéger ses clients contre les kamikazes. Les voitures avec vitres fumées et sans plaques d’immatriculation, qui forment les convois des services de renseignements du Hezbollah, sont partout. Ses agents hurlent dans les ruelles en regardant les passants. Personne ne s’attarde longtemps dans les rues.
The Sydney Morning Herald
Le calvaire des réfugiés syriens
Le premier quotidien australien The Sydney Morning Herald s’inquiète de la malnutrition dont souffrent une partie des réfugiés syriens.
«La malnutrition est une menace nouvelle et silencieuse parmi les réfugiés au Liban», a mis en garde Annamaria Laurini, la représentante du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) lors de la présentation à Beyrouth d’un rapport d’évaluation mené en 2013 sur ce phénomène naissant. Elle a cité comme causes «la mauvaise hygiène, l’eau insalubre, les maladies, le manque de vaccination et la mauvaise alimentation pour les enfants» réfugiés au Liban, qui abrite un million de personnes ayant fui le conflit en Syrie voisine.
Sur les 200000 enfants syriens de moins de 5 ans réfugiés au Liban, près de 2000 «risquent de mourir et ont besoin d’un traitement immédiat pour survivre», selon le rapport. Les régions libanaises les plus touchées sont le Nord et la Békaa (est), où les cas de «malnutrition aiguë sévère» ont doublé de 2012 à 2013. Et d’après le rapport, cette situation pourrait «se détériorer rapidement en raison de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et du nombre de réfugiés» qui affluent chaque année vers ce pays de quatre millions d’habitants et aux ressources limitées.
Jeune Afrique
Terre des assassins tranquilles
L’hebdomadaire Jeune Afrique, édité à 63000 exemplaires, revient sur le fait que «la quasi-totalité des crimes commis par des milices et groupes armés depuis 1975 est restée impunie».
Au Liban, où la vendetta se pratique quotidiennement à chaud, la justice est un plat rare qui se mange froid. Avec l’ouverture, le 16 janvier, à La Haye, du procès de l’assassinat de Rafic Hariri, les Libanais ont enfin l’espoir d’y goûter.
Entre 1975 et 1991, des milliers de vies ont été englouties par le Moloch de la guerre civile, victimes des combats, de la crapule et du terrorisme. Passant trop rapidement l’éponge sur ce long bain de sang, la loi d’amnistie générale du 26 août 1991 a absous les crimes perpétrés par les milices et groupes armés avant le 28 mars 1991. Cette loi, qualifiée parfois de «loi d’amnésie générale», avait pour vocation proclamée de «tourner une nouvelle page». Elle a surtout blanchi les seigneurs de la guerre, devenus grands notables de la paix par la grâce des accords de Taëf conclus en 1989 entre les différentes factions sous les auspices syriens. Toutefois, l’article 3 de la loi d’amnistie en exclut «l’assassinat ou la tentative d’assassinat de personnalités religieuses ou politiques, et de diplomates arabes ou étrangers».
A la fin de la guerre de 1975-1990, les Syriens ont bloqué tout travail de mémoire et de réconciliation. Seul ce travail de justice et de vérité pourra ouvrir une véritable culture de la paix, du vivre-ensemble, une nouvelle ère pour le Liban.
Libération
La guerre des hymnes
Le quotidien français de gauche Libération s’est intéressé au versant artistique de la guerre en Syrie vue du Liban.
A 43 ans et cinquante albums, Ali Barakat goûte enfin au vertige de la célébrité. Ce chanteur grisonnant au look de crooner désabusé jouit au Liban d’une soudaine notoriété grâce à sa dernière chanson. Postée le 13 février sur YouTube, la Victoire de Yabroud est dédiée aux combattants du parti islamiste chiite, Hezbollah. Entre musique de film d’action et symphonie militaire, sa mélodie belliqueuse est accompagnée d’un montage vidéo: on y voit des guerriers du Hezbollah à l’œuvre et une carte où le drapeau jaune du parti est planté sur la ville de Yabroud. De sa voix grave, le chanteur menace les rebelles syriens: «De ma Dahié sortent des lions qui vont effacer ton existence, Yabroud». Mais voilà: le succès de Ali Barakat tient à l’écho négatif qu’à sa chanson. Sitôt celle-ci diffusée, les protestations ont déferlé sur les réseaux sociaux où des messages agressifs ont fusé. La polémique aurait pu s’estomper si l’auteur présumé de cette chanson, Marwan Dimachquié, n’avait pas été retrouvé mort.
Julien Abi Ramia
Top Thèmes
En tapant le mot Liban dans les moteurs de recherche de dépêches, c’est le décès de Marcel Carton, ancien chef du protocole de l’ambassade de France à Beyrouth, enlevé le 22 mars 1985 par le Hezbollah, l’un des «otages du Liban», qui revient le plus souvent dans la presse francophone. La presse anglophone s’intéresse plutôt aux conséquences de l’attaque de l’armée israélienne sur le territoire libanais contre le Hezbollah, au début de la semaine dernière.