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Nº 2944 du vendredi 11 avril 2014

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Etre de lumière de Rita Saadé. Cette énergie d’ici et d’ailleurs

L’Institut français de Beyrouth accueille depuis le 3 avril et jusqu’au 26 du mois, l’exposition de photographies de Rita Saadé. «ETRE» de lumière. De recherche en introspection en révélation, une histoire de rencontres…
 

«ETRE» de lumière. Un intitulé qui ouvre d’emblée les portes de l’imaginaire, qui donne envie de voir au-delà, qui incite à déceler ce qui se cache derrière le mystère de ces vocables. «ETRE» de lumière. Entre l’essence du verbe et l’entité composée. On n’avait que cet intitulé et l’image de l’affiche. Une photographie en noir et blanc montrant en gros plan le visage d’une fillette sur l’arrière-plan légèrement flou d’une chambre donnant sur une large fenêtre d’où filtre la lumière.
Ce cliché fait partie de la 4e série de photos. L’exposition, faisant un total de vingt-huit photos, se compose, en effet, de quatre séries: Someone is out there, Etre de lumière, Home et A la recherche d’une enfance perdue. Des séries qu’on peut tout aussi bien pervertir que suivre progressivement. C’est que chacune d’elle prise séparément raconte une histoire différente, tout en relatant, toutes ensemble, la même histoire, de plusieurs angles différents. Une histoire qui pourrait être contenue dans ces quelques mots d’un proverbe aborigène que Rita Saadé place en exergue de son exposition: «Nous sommes tous des visiteurs de ce temps, de ce lieu. Nous ne faisons que les traverser. Notre but ici est d’observer, d’apprendre, de grandir, d’aimer… Après quoi nous rentrons à la maison». Une histoire qui pourrait tout aussi bien être celle de Rita, son évolution tant humaine qu’artistique. «Le jour où elle a pris conscience qu’elle était un être mortel fut le pire jour de sa vie, stipule la biographie de l’artiste. Elle est morte mille fois ce jour-là. Depuis, elle cherche une forme de réconfort dans l’au-delà et s’est réconciliée avec l’âme. Cette introspection s’est transposée dans son travail photographique où elle fait vivre et voyager l’âme humaine en lui faisant visiter des endroits familiers. Une manière pour elle de dissocier l’âme du corps, l’immatériel du matériel».
 

Entre la lumière 
et l’être humain
Un frisson peut saisir le visiteur en passant à côté de certaines toiles, notamment et surtout celles de la première série Someone is out there. Un sous-intitulé qui donne le ton d’ailleurs et qui révèle l’essence même de ces sept premières photographies, comme habitées par une présence, celle d’un être étranger, venu d’ailleurs, d’un ailleurs dont les contours semblent tout à la fois familiers et nouveaux, inquiétants et rassurants. Rita Saadé est consciente du fait que certaines de ses photos peuvent susciter ce frisson, cet arrêt étonné sur image. Mais de sa voix sereine, de son regard bleu profondément apaisé, ses mots semblent tonner de quiétude, de paix, d’angoisse apaisée, de quête aboutie. Ce qu’elle découvre et montre en même temps dans ses photos, c’est l’aspect positif de cet «être de lumière» qu’elle considère comme un «ange gardien».
Tout a commencé en 2005, date de sa première rencontre avec les êtres de lumière. Une rencontre qui ne pouvait qu’être, de par la sensibilité de la photographe, de par ce sixième sens qu’elle reconnaît avoir ressenti de tout temps. Une rencontre qui «s’est imposée à moi, son visage s’est imprimé de lui-même dans mon esprit et sur la photographie intitulée Frigo, dit-elle dans la présentation de l’expo. Ce spectre originel, placé sur une chaise, contemple son environnement avec un sourire bienveillant. Comme s’il rendait visite à des êtres aimés, comme si sa présence éthérée faisait remonter d’agréables souvenirs pour nous accompagner vers un état onirique».
Plus concrètement, Rita Saadé explique que c’est en montant la photo, en y ajoutant, dans une vision précise, un élément après l’autre, un frigo, un autre frigo, un poste de télévision, une fenêtre… que d’un coup, comme inconsciemment, elle a fait rejaillir sur le papier cet être de lumière, dont elle sentait, sûrement, nécessairement, la présence. Au visiteur d’imaginer l’étrange sensation qui a dû la saisir à cet instant précis, au moment de cette rencontre d’un autre genre et qui semble contenir d’autres rencontres encore. Et au cœur de cette première série, si certaines photos sont le résultat d’un montage, d’autres restent à un «état naturel» où l’être humain photographié, ou plus justement la forme humaine photographiée, donne la même impression que le spectre originel, que cette entité révélée. Une sensation qui éclate foudroyante dans la 2e série, Etre de lumière, avec cette énergie qui embrase chaque photo et dans la 3e série Home où l’espace figé, le décor vide, devient animé, vivant, habité, un réceptacle d’énergies, un propulseur d’énergies.
Le visiteur ne cesse de revenir vers les mots de Rita Saadé: «J’ai compris que les êtres de lumière et les êtres humains sont indissociables… Il nous arrive d’être accompagnés par ces spectres, ces états de conscience que nous définissons encore mal. Puis, à notre tour, nous devenons accompagnateurs, d’où la nécessité de se réconcilier avec soi-même et de réguler notre énergie». Ce travail d’introspection lui a inspiré la 4e série, A la recherche d’une enfance perdue. Un ensemble de onze photos qui font ressortir le jeu de mise en abîme, l’éclairage apporté aux détails, aux éléments figés qui semblent s’animer de par leur existence même dans le cadre, de par la présence de la petite fille, de par l’activité à laquelle elle s’attelle, de par le monde qu’elle s’est constitué, à notre insu à tous. Et qui éclate d’un coup, dans la dernière photo de la série, celle de l’affiche, où l’enfant réussit «à s’affirmer, à s’accepter et à s’aimer. Comme un besoin de lumière, un besoin d’enfance, comme un retour vers l’enfance de l’âme». Une rencontre avec soi. Et les rencontres sont appelées à se poursuivre au-delà du cadre…

Nayla Rached

L’exposition se poursuit jusqu’au 26 avril à l’Institut français de Beyrouth.

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