Mise au point depuis des siècles, la pyssanka (du verbe pyssaty qui veut dire écrire en ukrainien) est le résultat d’une longue tradition populaire ukrainienne ancestrale. Cet art d’origine slave consiste en la décoration d’œufs d’autruches, d’oies ou de poules avec de la cire d’abeille. La pyssanka équivaut à ce qu’on appelle aujourd’hui les œufs de Pâques.
Un œuf cosmique
A l’époque préchrétienne, avant que l’Ukraine ne soit officiellement christianisée en 988, l’œuf a toujours été symbole de l’univers, le jaune représentant le soleil et le blanc la lune. Croyant aux pouvoirs magiques des pyssanky, les ancêtres ukrainiens associaient les œufs au bonheur, à la santé, à la prospérité et à la protection. Avec l’avènement du christianisme, l’Eglise, impuissante à combattre les anciennes croyances bien enracinées, a dû tolérer la tradition des pyssanky, en leur donnant un sens et une symbolique chrétienne. C’est ainsi que le dieu soleil Daj-Boh est remplacé par le Christ de lumière et que les pyssanky commémorent la résurrection du Christ, l’œuf symbolisant la vie et la fécondité. Décorés selon une technique particulière de teinture, les pyssanky correspondent à une tradition religieuse répandue dans tout le monde orthodoxe. Cependant, après la prise du pouvoir du communisme dans les pays de l’Est, la tradition de la pyssanka, portée par les religions, a été interdite, pour se répandre à nouveau, après la chute du communisme, dans différents pays du monde.
Une éclosion qui continue
au Liban
Installée depuis 1997 au Liban, Christiane Khairallah crée, en 1998, un atelier d’initiation à cette technique artisanale qui réapparaît depuis bon nombre d’années. Le matériel est commandé aux Etats-Unis et est constitué de trois «kistka», instrument servant à injecter la cire et disponible en trois tailles, du plus fin au plus gros. Le matériel comprend aussi un crayon à mine, une gomme spéciale très précise, un pot de cire, un vide-œuf, une lime aiguille ronde extrêmement fine et des pots de seize teintures en poudre, qui se diluent avec de l’eau et un peu de vinaigre pour fixer la couleur.
Symboles et couleurs naissent de l’œuf
Les symboles et les ornements sont dessinés sur un œuf (blanc de préférence) avec de la cire d’abeille fondue qui coule du kistka. L’œuf est ensuite trempé d’abord dans du vinaigre blanc, puis dans un bain de couleur claire (généralement le jaune). Après séchage, de nouveaux symboles sont dessinés à la cire. Les parties de l’œuf qui doivent rester jaunes sont couvertes par la cire d’abeille et l’œuf est trempé dans une couleur plus foncée. On répète ces étapes pour chacune des couleurs qu’on désire utiliser et on fait fondre la cire enveloppant certaines parties de l’œuf dans un four ou à l’aide d’une bougie. Séchée et débarrassée de la cire d’abeille, la pyssanka voit ses motifs et ses couleurs se révéler et est finalement vernie pour plus d’éclat.
Afin d’expliquer les pyssanky, il existe selon certains mythologues, trois principes d’organisation de l’œuf. Symbole de l’unité triple (coquille, blanc et jaune), de structure analogue à celle d’une cellule (noyau, cytoplasme et membrane), les Ukrainiens ont établi des rapports étroits entre la pyssanka, l’alchimie et la Création. Le noyau ou le jaune représentent la structure dense, le blanc ou le cytoplasme apportent la vie et la membrane ou la coquille favorisent la cohésion. C’est dans ce sens que les motifs et les couleurs utilisés pour «orner» la pyssanka sont fortement symboliques. Les motifs sont souvent choisis en fonction des vœux qu’on souhaite transmettre:
● L’amour: rubans, traits encerclant l’œuf, points, cercles et pétales.
● La santé: eau, cornes des animaux et blé.
● La connaissance: losange, carré.
● La patience: araignées.
● Le savoir: diamant.
● La prospérité: échelles.
● La richesse, l’abondance: cerf, cheval.
● Les étoiles: points.
● La jeunesse éternelle: aiguilles de pin.
● La sagesse: dents de loup.
Au fil des années, le panel des couleurs s’est également diversifié:
● Le blanc: pureté.
● Le jaune: spiritualité, abondance et prospérité.
● Le vert: jeunesse, croissance et espérance.
● Le rouge: amour, passion et joie de vivre.
● Le marron: terre nourricière.
● Le bleu: ciel et bonne santé.
● L’orange: pouvoir et endurance.
● Le noir: éternité.
● Le rose: succès.
● Le violet: force mentale.
Autant de symboles qui font de la pyssanka le «miroir de l’âme» de celui qui la conçoit.
Natasha Metni