Mercredi, les syndicats de la fonction publique ont rejoint les volontaires de la Défense civile, les journaliers de l’Electricité du Liban (EDL) et les enseignants en décrétant une grève générale et en manifestant pour pousser le Parlement à voter les augmentations de salaires qui leur ont été promises.
Grosse semaine pour les Commissions mixtes et les parlementaires. Avec une question en filigrane: fallait-il satisfaire les revendications des manifestants en faisant fi de la balance budgétaire? Toutes les corporations qui ont pris d’assaut les rues portent une même revendication, l’amélioration de leur traitement. Plus de salaires payés par l’Etat, c’est enfoncer encore un peu plus ses caisses dans le rouge. Contre leurs rémunérations de misère ou gelées depuis dix-huit ans, leurs doléances sont légitimes. Contre ceux qui ont tenté de décrédibiliser le mouvement, à coups de considérations sécuritaires ou d’atteinte à la liberté de l’élu, les responsables syndicaux, aux diatribes enflammées, ont été clairs: pas de ça contre nous. A vous de trouver les mesures compensatoires pour satisfaire nos demandes, renvoient-ils aux députés, conscients de porter avec eux la sourde colère d’un pays en souffrance sociale. Les corps de métier qui se sont mis en mouvement vont-ils obtenir gain de cause comme les volontaires de la Défense civile?
Mercredi, ils ont reconduit leur mouvement sur les plages de Ramlet el-Baïda. En serviteur de l’Etat, le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, en charge du dossier, a expliqué que «la contractualisation de ces 3 200 bénévoles en ferait des militaires qu’il faudrait payer», mettant en garde les législateurs contre «une charge supplémentaire pour l’Etat». Les députés n’ont pas suivi les recommandations à peine voilées du ministre, et ont adopté la loi à une large majorité. Après le vote, le président du Parlement, Nabih Berry, qui a la responsabilité de mettre en branle toute la mécanique législative, s’est empressé de déclarer que «la Chambre a la vocation de donner des droits à tous les citoyens qui en réclament de bonne foi».
L’étude de la loi sur la grille des salaires de la fonction publique est autrement plus périlleuse. Il ne s’agit plus de 3 000 personnes, mais de dizaines de milliers de fonctionnaires dont les salaires ont été gelés depuis 1996, sans prise en compte de l’inflation. Si la loi devait être adoptée en l’état, les projections tablent sur une dépense pour l’Etat de plus d’un milliard de dollars. Un budget extrêmement important qui explique, aux dires du vice-président de la Chambre, Farid Makari, qui pilote les discussions sur le sujet, le temps que prend l’étude de la loi. Au Syndicat des fonctionnaires présidé par Mohammad Haïdar se sont joints, place Riad el-Solh, le président du Comité de coordination syndicale (CCS), Hanna Gharib, et le président du Syndicat des enseignants des écoles privées, Nehmé Mahfoud. Forte mobilisation qui a conduit Nabih Berry à demander au CCS de ne pas recourir à l’escalade et de lui accorder jusqu’à lundi pour l’adoption de la nouvelle grille des salaires. Demande acceptée par les syndicats qui attendent des résultats et qui préviennent: «Lundi, nous reprendrons notre mouvement si la grille des salaires n’est pas adoptée».
En ouverture de la session de mercredi, le député Fouad Siniora, indiquant qu’il n’est pas possible pour le Parlement de légiférer sous une telle pression, a expliqué qu’il n’était pas «juste de faire plaisir à un groupe de travailleurs au détriment des quatre millions de Libanais qui réclament des réformes économiques globales». Invité aux débats de la Commission, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a mis en garde les élus contre les risques que poserait l’adoption de la nouvelle grille des salaires comme l’inflation, la hausse des taxes pour la financer et la dégradation de la notation souveraine du Liban, proposant d’échelonner le financement de la grille sur cinq ans. Les députés ont jusqu’à la fin de la semaine pour rendre leur copie.
Julien Abi Ramia
Protestation généralisée
es lois adoptées la semaine dernière ont fait des mécontents. Samedi, place Sassine à Achrafié, et mardi, à Hamra, les représentants des locataires ont organisé des sit-in pour protester contre la loi sur la libéralisation des loyers, coupant brièvement les routes. Autre foyer de contestation, les journaliers de l’EDL. Mercredi, après avoir obtenu leur intégration au cadre, le président du Syndicat des employés de l’Electricité du Liban, Charbel Salha, a menacé de mettre à l’arrêt les centrales électriques si n’était pas votée «une nouvelle loi qui assurerait la promotion des employés de l’office et leur assurerait un avenir stable et des possibilités d’évoluer dans leur métier».