Il ne faut pas se fier aux apparences. L’association Avenir Liban n’est pas une association féministe de plus. Créée tout récemment, elle affiche de grands objectifs, se donne les moyens de ses actions et compte déjà d’importantes avancées. Association à suivre de très près donc…
«Ose savoir». Cette injonction faite par les Lumières lors de la Révolution française préfigure en gros sur le dépliant de l’association. En référence aux différents traités internationaux sur les droits de l’homme, de la femme et de l’enfant, Avenir Liban vise, à travers des campagnes et des débats, à rendre ces traités applicables et appliqués au Liban.
«Peu de gens connaissent le principe de primauté du droit international sur le droit national», affirme Patricia Elias Smida. Avocate franco-libanaise, elle entend mettre ses compétences au service de la société libanaise. Selon un plan d’action élaboré sur six ans, l’association Avenir Liban se donne des objectifs, et pas des moindres: promouvoir la démocratie, les droits de l’homme, de la femme et de l’enfant.
Vieille d’à peine six mois, cette association compte aujourd’hui plus de 4 300 membres qui ont déjà obtenu certaines avancées.
Pour le mariage civil
Lors d’un colloque tenu le 7 décembre dernier, intitulé Convention internationale des droits de la femme (Cedaw): femme et avenir au Liban, le nouveau-né Avenir Liban obtenait déjà une de ses plus grandes avancées, faisant la fierté de sa présidente. «Invité à assister, mais ne souhaitant au départ pas y participer activement, le ministre de la Justice de l’époque, Chakib Cortbaoui, a pris la parole et s’est levé pour annoncer que son ministère allait commencer la rédaction d’un projet de loi pour le mariage civil. Le texte, rédigé quelques semaines plus tard par un groupe de cinq juges femmes, n’est peut-être pas idéal, mais constitue une avancée considérable au Liban sur laquelle il faut s’appuyer pour la suite», affirme avec fierté la présidente d’Avenir Liban.
La Cedaw au Liban
Connaissant bien le droit international pour l’avoir étudié et pratiqué, Patricia Elias Smida veut faire partager son expérience aux avocats libanais, trop peu renseignés sur les textes internationaux ratifiés par le Liban, et pouvant être invoqués devant un juge. C’est dans cette optique qu’elle a formé, les 24 et 25 janvier derniers, vingt-quatre avocats sur les techniques d’utilisation de la Cedaw devant les tribunaux libanais. Ayant ratifié cette convention, avec certes des réserves sur deux dispositions, le Liban doit modeler son droit national, de sorte qu’il ne soit pas en contradiction avec la Cedaw. Le droit international prime sur le droit national. Ainsi, s’il invoque devant un tribunal une disposition de la Cedaw, l’avocat peut détourner les lois libanaises discriminatoires envers les femmes, et le juge ne peut s’y opposer. De plus, la présidente d’Avenir Liban et les 24 avocats ont rédigé une Charte de questions, à poser à des femmes violentées, pouvant être présentée devant un juge et constituer une preuve.
A l’occasion de la Journée internationale de la femme le 3 mars dernier, Avenir Liban a organisé une table ronde à la Maison de l’avocat sur le thème Parcours de femmes au pouvoir, un avenir meilleur pour le Liban. Etaient invitées, sous le haut patronage du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Beyrouth, Me Georges Jreij, les ministres femmes des gouvernements libanais: Alice Chaptini, Raya el-Hassan, Wafaa el-Dika, Mona Afeiche, Bahia el-Hariri, Nayla Moawad et Leila el-Solh, ainsi que l’ambassadeur de l’Union européenne, Angelina Eichhorst. L’objectif était de mettre à l’honneur les femmes de pouvoir et de réclamer un ministère de la Femme. Ce ministère aurait pour objectif d’harmoniser les différentes législations, du travail, de la sécurité sociale, des successions, afin d’en ôter le caractère discriminatoire à l’égard des femmes.
Elie-Louis Tourny
Un parcours atypique
La présidente d’Avenir Liban dispose de plusieurs cordes à son arc pour atteindre une seule et même cible. Femme de droit, elle se décrit avant tout comme étant dans le social. En 1998, elle a créé au Cameroun un orphelinat qui compte aujourd’hui plus de 200 enfants. Partie au Sénégal pour aider les enfants des rues, elle a dû suspendre temporairement son engagement pour se lancer dans la politique. Candidate il y a deux ans pour les législatives, elle se présente aujourd’hui aux élections des conseillers consulaires pour les Français du Liban et de Syrie. Lorsqu’on lui demande quelle est son activité principale, elle répond que toutes ses activités, juridiques,
associatives et politiques, ne sont que
différents moyens pour mener de plusieurs fronts le même combat, le combat pour des avancées sociales.