Le Parlement syrien a fixé la date de l’élection présidentielle au 3 juin prochain, alors que les combats se poursuivent sur le terrain. Ce qui n’a pas empêché Bachar el-Assad de se rendre à Maaloula, reprise par le régime, à l’occasion du week-end pascal.
C’est l’air serein et visiblement confiant que Bachar el-Assad s’est rendu, dimanche, dans la ville de Maaloula, à l’occasion des fêtes de Pâques. Cette localité chrétienne a fait l’objet de rudes combats ces derniers mois, entre les rebelles, parmi lesquels des jihadistes affiliés au Front al-Nosra (la branche syrienne d’al-Qaïda), et les soldats loyalistes, soutenus par le Hezbollah.
Maaloula avait été reprise par l’armée et le Hezbollah le lundi précédent. Si au départ, aucune image n’a filtré, à part celle parue sur la page officielle Facebook de la présidence syrienne, la télévision d’Etat a bien évidemment relayé cette visite hautement symbolique de Bachar el-Assad. «Le jour de la résurrection du Christ, et du cœur de Maaloula, le président Assad souhaite de joyeuses Pâques à tous les Syriens, et le rétablissement de la paix et de la sécurité à l’ensemble de la Syrie», a ainsi annoncé la chaîne dans un bandeau diffusé en bas de l’écran. Plus tard, des vidéos ont cependant circulé. Sur les images, on pouvait voir le président déambuler dans les décombres du monastère Mar Sarkis et inspecter les dégâts et les destructions consécutifs aux combats. Une photo montre notamment Bachar el-Assad tenant des morceaux de fresques endommagées de la Vierge et de Jésus, alors qu’un dignitaire chrétien de Maaloula se tient à ses côtés. «Même le pire des terroristes ne peut annihiler notre héritage et notre civilisation», a ainsi affirmé, au cours de sa visite, le président syrien, cité par la télévision d’Etat. «Maaloula, comme les autres sites de l’humanité et de la civilisation syrienne, résistera toujours face à la barbarie et à l’obscurantisme qui visent la patrie», a-t-il ajouté.
La médiatisation de cette visite − l’une des rares effectuées hors de Damas depuis le début du conflit − ajoute encore à la guerre des images que se livrent Assad et l’opposition. D’autant qu’elle est intervenue à la veille de l’annonce de la date du scrutin présidentiel par le Parlement syrien. Lundi, Mohammad el-Laham, qui préside la Chambre, a annoncé que les Syriens étaient appelés à se rendre aux urnes le 3 juin prochain, pour élire leur président. Les Syriens se trouvant en dehors du territoire auront, eux, jusqu’au 28 mai pour aller voter. «Les dépôts de candidature pourront se faire à partir de mardi (le 22 avril) et jusqu’au 1er mai», a précisé Laham. «Il s’agit de la première élection pluraliste et nous sommes confiants que vous (le peuple syrien) allez choisir celui qui mérite de diriger la Syrie, de la défendre», a-t-il souligné, promettant des élections «libres et justes».
Théoriquement donc, il s’agira de la première élection présidentielle pluraliste en Syrie. La nouvelle Constitution, approuvée en 2012, donne la possibilité à plusieurs candidats de se présenter. Mais les clauses, approuvées par le Parlement le 14 mars dernier, sont assez limitatives. Le futur président doit, en effet, avoir vécu en Syrie de manière continue au cours des dix dernières années, mais aussi avoir obtenu le soutien d’au moins 35 députés sur les 250 que compte le Parlement. Ce qui rend, de fait, impossible, tout acte de candidature d’un des leaders de l’opposition vivant à l’étranger, et très difficile celle d’un opposant de l’intérieur.
Bachar el-Assad, qui n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature, avait toutefois indiqué en janvier dernier, dans une interview à l’AFP, qu’il y avait de «fortes chances» qu’il se représente.
Les réactions à l’annonce de la date du scrutin ne se sont pas fait attendre.
L’Occident critique
L’opposition syrienne l’a ainsi qualifiée de «farce». «L’annonce aujourd’hui du régime d’Assad qu’une ‘‘élection présidentielle’’ sera organisée en juin, devrait être considérée comme une farce et rejetée par la communauté internationale», a ainsi déclaré dans un communiqué, le bureau du chef de la Coalition nationale de l’opposition, Ahmad Jarba. «Alors que de vastes secteurs de la Syrie ont été complètement détruits par l’aviation, l’armée et les milices d’Assad ces trois dernières années et qu’un tiers de la population est déplacée dans le pays ou (hébergée) dans des camps de réfugiés dans la région, il n’y a pas de corps électoral en Syrie capable d’exercer son droit de vote», peut-on encore lire dans le texte.
Ces critiques ont aussi été relayées par les pays occidentaux. Mardi, le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, a ainsi ironisé, au micro de RTL: «Bachar el-Assad n’a été élu qu’à 97% aux dernières élections, il lui reste donc une marge de progression». Washington a, de son côté, dénoncé une «parodie de démocratie», tandis que Londres a estimé que les résultats de l’élection n’auraient «aucune valeur ni crédibilité». Quant aux Nations unies, elles ont assuré que cette élection «va nuire au processus politique» et est «incompatible avec l’esprit et la lettre du communiqué de Genève».
Le spécialiste de la Syrie, Fabrice Balanche, a indiqué, pour sa part, à l’AFP
qu’«Assad peut organiser le scrutin sans problème, car il contrôle le territoire où se trouve la majorité de la population. Il lui reste à trouver deux figurants pour donner un semblant de compétition à cette élection sans surprise».
Jenny Saleh
Retour des armes chimiques?
Alors que la Syrie poursuit l’évacuation de son stock d’armes chimiques, conformément à l’accord russo-américain de septembre 2013, de nouveaux soupçons sur l’emploi d’armes chimiques resurgissent. Lundi, les accusations sont venues de Washington. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, a ainsi annoncé que les Etats-Unis avaient «des indications évoquant l’utilisation d’un produit chimique industriel toxique, probablement du chlore, en Syrie, ce mois-ci, dans le village de Kfar Zeita, dominé par l’opposition». Ces soupçons s’appuient sur les témoignages de militants de la localité et de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), qui ont accusé le régime syrien d’avoir lancé des barils d’explosifs ayant causé des «suffocations et empoisonnements» des habitants, lors d’une frappe aérienne, le 12 avril dernier. A moins grande échelle toutefois que l’an dernier.
Washington serait en train d’examiner les faits afin d’établir si le régime est responsable de ces attaques.
Dimanche, le président français, François Hollande, avait lui aussi fait état de «quelques éléments», mais pas de preuves, concernant l’utilisation d’armes chimiques. Quant à Laurent Fabius, le ministre des AE, il a souligné que ces attaques avaient été «très mortelles, ponctuelles, au nord-ouest, pas loin du Liban».
La Syrie aurait déjà évacué 80% de son arsenal chimique, selon l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).