Magazine Le Mensuel

Nº 2946 du vendredi 25 avril 2014

general

The factory girl. L’amour comme au cinéma

Le cinéma Métropolis à l’Empire Sofil projette exclusivement 
le dernier film du réalisateur égyptien Mohammad Khan. The factory girl (Fatat el-masnaa) se fait un miroir des femmes orientales, un écho visuel éclatant de la vie.

Le film The factory girl porte l’essence même de la vie. Dur comme la réalité, flamboyant comme l’espoir. Un film qui tourne autour des femmes dans un monde patriarcal, leur force, leur courage, leur détermination à vivre, malgré tout, au-delà de tout. C’est une des lectures possibles du dernier film de Mohammad Khan, considéré comme un grand maître du cinéma égyptien, depuis les années 70, et au parcours cinématographique unique en son genre. En tout cas, tel semble être l’intention de départ du réalisateur, comme il est expliqué dans le dossier de presse. Il cherchait ainsi à présenter un film construit autour de la théorie qu’il avait déjà adoptée dans des œuvres précédentes et qui montre que les femmes égyptiennes et orientales en général sont beaucoup plus fortes que la manière dont elles sont conventionnellement perçues. Et cette fois, il voulait mettre à l’écran le profil d’une fille pauvre qui travaille dans une usine de confection de vêtements. Il s’est donc tourné vers sa femme, Wessam Soliman, qui, durant plus de sept mois, a travaillé de manière anonyme dans une telle usine pour écrire le scénario du film.
La première scène nous transpose effectivement des rues d’Egypte au cœur d’une usine de vêtements où des jeunes filles s’empressent autour d’une fenêtre avant de prendre leur place face à leurs machines à coudre. Dès les premières minutes, la caméra de Mohammad Khan s’attache sur les détails de cette vie-là, entre les tissus colorés, les visages des jeunes filles, leurs mains, leurs sourires entendus, leurs mots, l’échange de regards.

 

Le sourire toujours
Un parti pris cinématographique qui semble mettre en avant la beauté visuelle des couleurs, des mouvements, d’une certaine légèreté, apparente du moins, qui attire immédiatement le regard du spectateur, le fait sourire, le ravit et le ravira tout au long du film, en dépit de l’intrigue qui prendra un tournant de plus en plus dramatique. Un autre parti pris du cinéaste, comme le stipule la note d’intention, qui continue à accorder son importance au côté divertissant et plaisant du cinéma, quel que soit le côté dramatique de l’histoire et des événements mis à l’écran.
L’histoire est aussi simple qu’un amour impossible en raison d’une différence de classes sociales. La jeune Hiyam (Yasmin Raeis), qui vit dans un quartier pauvre avec sa famille, tombe amoureuse du nouveau régisseur de l’usine de vêtements, Salah (Hany Adel). Elle fera tout pour attirer son attention, croyant que, lui aussi, il tombe sous son charme. Mais les choses se compliquent, les rumeurs se propagent… Le nœud principal de l’histoire est aussi ancien que la nuit des temps, piqueté d’un aspect très Cendrillon au dénouement réaliste toutefois. Et peut-il en être autrement? Dans un monde toujours régi par les conventions et les codes sociaux, les classes sociales et l’emprise des hommes. Dans ce monde-là, Hiyam, comme toutes ces jeunes filles qui travaillent avec elle, rêve de l’amour, l’amour comme au temps des anciens films égyptiens, interprétés notamment par Souad Hosni, à qui d’ailleurs le film est dédié.Tout au long du film, les personnages se retrouvent souvent face à leur écran de télévision pour saisir au vol des extraits des films de Souad Hosni, à l’époque du l’âge d’or du cinéma égyptien. Et voilà le spectateur qui essaie de tracer des parallèles entre ces anciens films et The factory girl, des parallèles suggérés par Mohammad Khan, sans jugement, sans parti pris, en laissant au spectateur la liberté de les lire, de les interpréter à sa manière.
The factory girl dépeint le monde patriarcal qui régit toujours, et de plus en plus, l’Orient dans sa globalité. Et pourtant, bizarrement ou logiquement, les hommes se font rares à l’écran. Il y a certes Salah, une personnalité faible, voire fragile, qui accepte les lois et les coutumes imposées par la société qui est représentée là par sa mère. Il y a également le beau-père de Hiyam, un homme assez jeune qui n’apparaît que dans quelques scènes, et qui, lui aussi, suit les coutumes sociales qui consistent à laver l’honneur de la famille par le sang. Puis il y a l’image de l’amant qui cherche à s’imposer et à profiter de la solitude d’une femme divorcée, soit donc la tante de Hiyam. Tous ces profils qui se laissent entrevoir progressivement ramènent d’un coup à l’esprit du spectateur, la séquence du début, quand l’ancien régisseur de l’industrie quitte son poste, marchant dans la rue, son sac sur la tête pour se protéger de la pluie, alors que de la fenêtre de l’usine, les jeunes filles lancent leurs rires, leurs sourires et leurs mots. Leur joie de vivre.
Dans ce monde patriarcal, ce sont les femmes qui semblent avoir le dernier mot à travers le florilège d’images complexes et contraires que le film met à jour. Entre les collègues de travail de Hiyam, implacables et radoteuses, ses amies qui la soutiennent malgré tout, sa mère, magnifique présence à l’écran dans toute sa dualité, sa grand-mère aussi impitoyable que terrible, et Hiyam, qui ne cesse d’osciller entre innocence, fierté, détermination. Certaines scènes mettant face à face deux générations de femmes égyptiennes, deux pensées différentes, sont poignantes d’émotion. D’autres séquences, à l’instar de celles des déjeuners à l’usine, ou de la sortie à la plage, regorgent visuellement de tous les effluves de la vie.
La force de The factory girl est la manière dont Mohammad Khan emmêle tous les éléments de lecture qu’il suggère aux spectateurs. A chacun de suivre le chemin qu’il lui trace, empruntant ses multiples bifurcations, pour se perdre dans l’une d’elles, parfois cela peut être juste la couleur d’un soutien-gorge, la saveur imaginée d’un plat… se perdre çà et là, aller jusqu’au bout, avant de s’aventurer dans une autre ruelle, revenir au point départ une nouvelle fois, pour repartir encore et encore. Un film à multiples tiroirs reliés tous par une image, celle de la vie triomphante malgré tout.

Nayla Rached

Exclusivement à Métropolis, Empire Sofil.

En salles aussi
The other woman
Comédie de Nick Cassavetes.
Quand trois femmes joignent leurs forces pour se venger de l’homme qui les a trompées. Circuits Empire et Planète  – Grand Cinemas – Cinemall.

Brick Mansions
Action de Camille Delamarre.
Le film posthume de l’acteur décédé novembre dernier, Paul Walker.
Circuits Empire et Planète  – Grand Cinemas  – Cinemall.

The house of magic 3D
Animation de Jeremy Degruson et Ben Stassen.
Thunder, un chat abandonné, trouve refuge dans un mystérieux manoir appartenant à un vieux magicien et habité par des personnages aussi étranges qu’amusants…
Circuit Empire – Grand Cinemas – Cinemall.

Diplomatie
Drame historique de Volker Schlöndorff.
La nuit du 24 au 25 août 1944, le général Von Choltitz, gouverneur du Grand Paris, se prépare, sur ordre de Hitler, à faire sauter la capitale.
Grand Cinemas.

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