Actrice de talent, c’est aussi une femme cultivée et d’une grande simplicité qui, malgré sa célébrité, a réussi à garder les pieds sur terre. Audacieuse et passionnée de son métier, elle vit ses rôles intensément et n’hésite pas à se raser le crâne pour entrer pleinement dans la peau de son personnage. Portrait de Nada Abou Farhat.
Aussi loin que remontent ses souvenirs d’enfance, Nada Abou Farhat se souvient d’une petite fille, de 8 ans à peine, qui rêvait déjà de se trouver sur scène, de jouer, de chanter ou de danser. «Devant mon miroir, j’interprétais des chansons, je créais une chorégraphie, je l’exécutais et j’imaginais devant moi un public m’applaudissant», dit amusée l’actrice. En famille et devant les amis, elle se livrait à des imitations qui faisaient sourire ce premier public. «J’aimais être le centre d’attention», reconnaît-elle. Toute jeune, elle sait déjà qu’elle veut faire des études d’art dramatique et devenir actrice. Elle regarde beaucoup de films et s’attache à des acteurs plutôt qu’aux films eux-mêmes. «Je voulais être à la place de l’actrice et j’avais toujours le sentiment que je pouvais faire mieux qu’elle». C’est en regardant le film Nell de Jodie Foster qu’elle décide réellement à emprunter cette voie.
Plus on vieillit plus on mûrit
Totalement consacrée à ses études, Nada Abou Farhat avance sans plan précis. «Je n’avais rien de particulier en tête. Tout ce que je savais est que je voulais devenir actrice. Je n’avais pas de manager à l’époque et j’apprenais sur le tas. J’étais comme une petite fille et je suivais mon instinct. D’ailleurs jusqu’aujourd’hui, c’est ce que je fais». Pour Nada Abou Farhat, un acteur ne peut pas faire de plans pour lui. «Il a besoin de quelqu’un pour le découvrir ou qui croit en lui et en ses capacités pour faire de lui une star. C’est une chose que je ne sais pas faire. J’avais du talent et je comptais sur ce don pour réussir. Maintenant, je me dis que je suis une grande fille et je dois faire des plans. J’ai commencé ma carrière à 18 ans. J’en ai 37. J’ai grandi dans ce milieu. J’ai le sentiment d’être comme un arbre. Plus il vieillit, plus il devient mûr, solide, stable, plein de confiance qui irradie. Avec l’expérience, j’ai appris à transmettre ce que je veux réellement et avec l’aide de mon manager, les choses sont plus claires. Je sais parfaitement ce que j’aime et ce que je n’aime pas».
Prix de la meilleure actrice
Au cinéma, à la télévision ou au théâtre, Nada Abou Farhat excelle dans ses rôles. Le film Sous les bombes en 2007 est une véritable consécration de son talent. Elle obtient d’ailleurs pour cette performance le prix de la meilleure actrice dans le cadre de plusieurs festivals internationaux du cinéma. Elle participe également à des séries télévisées. Mais, c’est surtout au théâtre qu’elle brille dirigée par de grands metteurs en scène tels Nidal Achkar, Raymond Gébara, Jawad Assadi, Lina Khoury, Philippe Aractinji…
Une question de feeling
C’est en jouant dans la pièce Trois grandes dames et Qu’elle aille au diable Meryl Streep, que Nada Abou Farhat atteint la maturité et prend conscience du poids de la responsabilité. Pleine d’audace, elle n’hésite pas à apporter de grands changements à son aspect physique pour donner une dimension réelle à son personnage. Dans la pièce Majnoun yehki, où elle interprète une journaliste arrêtée à la suite de la publication d’un article et dont l’identité est effacée pour ne devenir qu’un simple numéro, elle n’hésite pas à se faire raser complètement le crâne et à perdre du poids. «C’est un rôle que j’ai travaillé de tout mon cœur. Cela ne m’a pas gênée de me raser la tête. Je suis actrice et pas mannequin. Je ne travaille pas dans le but d’être jolie tout le temps. C’est mon travail qui parle pour moi, l’influence que mes rôles ont sur les gens. Etre actrice est un mode de vie».
Nada Abou Farhat ne prend jamais de grands airs et n’a pas de caprices de star. «Je ne peux pas jouer à la star avec les acteurs, les producteurs et les metteurs en scène. Je joue à la star lorsque les gens attendent de moi ce rôle et veulent me voir dans cette image à l’occasion d’un événement particulier ou dans un festival». Simple, elle a réussi à garder les pieds sur terre. «C’est ma nature, mon éducation. Quand on perd pied avec la réalité, on s’éloigne de ce qu’il y a de plus précieux dans la vie, la famille et les amis. Ce sont eux ma véritable vie et c’est ce qui reste quand les projecteurs s’éteignent».
Sa participation à l’émission Dancing with the stars, dans laquelle le public découvre qu’elle sait aussi bien danser, représente pour Nada Abou Farhat la réalisation d’une partie de ses rêves d’enfant. «Cela m’a donné confiance en moi et m’a prouvé que je pouvais faire un musical play dans le style de Moulin Rouge ou Chicago. J’ai joué en même temps que je dansais. Je vivais pleinement le moment».
Si nous assistons souvent au phénomène de voir le physique supplanter le talent chez certains acteurs et actrices, cela n’est pas leur faute mais celle des producteurs et directeurs de programmes.
«Le problème au Liban c’est qu’on ne réalise pas que jouer est une question de feeling. Si celui-ci est justement transmis, il reflète la beauté de l’acteur. Lorsqu’une actrice reflète uniquement sa beauté sans transmettre un message, ce n’est pas de sa faute, mais de celle des employeurs qui sont les directeurs de programmes, les producteurs et les metteurs en scène qui ne réussissent pas à sentir le feeling chez elle». Dans les feuilletons qui ont du succès, le scénariste propose un nom au directeur qui, à son tour, propose celui-ci au producteur qui décide en dernier lieu. «Si le producteur a une culture artistique, le résultat sera très bon et on verra un bel acteur qui reflétera un beau feeling. En revanche, si le producteur est commercial, le résultat sera sans aucun sentiment et on assistera à un défilé de mode ou à un concours de beauté ou encore au concours du meilleur chirurgien plastique». Selon Abou Farhat, si ces mêmes actrices travaillent avec un producteur cultivé, elles peuvent donner beaucoup plus et faire un excellent travail. «N’importe qui peut devenir acteur à condition d’être bien dirigé par un bon metteur en scène. Le principal reste le producteur qui, lui, choisit le scénariste et le metteur en scène. Il faut convaincre les chaînes de télévision afin d’obtenir un changement. Nous devons oser que les acteurs, qui prennent de l’âge, ou ne sont pas dotés d’un physique agréable, reviennent à l’écran avec un joli texte».
Le cinéma, le théâtre et la télévision, trois mondes différents dans lesquels Nada Abou Farhat se retrouve. «Sur scène, je n’ai pas peur, j’ai confiance en moi et en l’équipe. Je travaille le personnage à ma guise. A la télévision, je suis très sélective dans mes rôles. J’aime les rôles créatifs où je peux changer de look, de voix et de démarche. Quant au cinéma, je n’ai aucun problème à tenir un rôle simple. Il y a toujours un côté technique qui le supporte et lui donne plus d’impact». Depuis Shéhérazade, son dernier rôle dans le feuilleton Lou’bat al-mawt, Nada Abou Farhat se tient volontairement à l’écart de la télévision. «Je n’aime pas la nouvelle tendance des feuilletons libanais. C’est devenu trop commercial et je ne me vois plus dans un tel contexte. C’est une perte de temps. Le tournage d’un feuilleton nécessite 16 à 20 heures de travail par jour. Je respecte chaque acteur et actrice pour ce qu’ils font car c’est très fatigant». Elle se dit prête à revenir à la télévision avec des producteurs qui apprécient ce que jouer signifie. «Je me sens overrated pour ce qui se passe actuellement à la télévision. Tout est fait à la va-vite sans aucun souci des détails. Quand je suis sous-estimée, je prends la fuite. C’est pour cette raison que je suis revenue au cinéma et au théâtre». Ses propos ne sont pas dirigés contre les feuilletons libanais, comme si elle ne les encourageait pas, bien au contraire. «Mes propos partent d’un sentiment de jalousie à l’égard des feuilletons syriens et turcs. Je suis convaincue que nous pouvons faire mieux, mais quelque chose nous retient». Passionnée par son métier, elle fait partie de ceux qui voudraient mourir alors qu’ils sont en train de faire quelque chose qu’ils aiment. «Si je ne fais pas les choses qui me passionnent, je ne me sens pas vivante. Je n’aime pas me laisser entraîner par une vie sans aucune passion».
Joëlle Seif
Avec Ziad Rahbani
Sa participation à la pièce Majnoun yehki aux côtés de Ziad Rahbani qui jouait le rôle du psychiatre fut une expérience mémorable pour Nada Abou Farhat. «C’est grâce à Lina Khoury, metteur en scène de la pièce, que j’ai pu découvrir qui était réellement Ziad Rahbani. Il est tout à fait conforme à l’image que je me faisais de lui. Il ressemble à ses chansons et ses pièces de théâtre. Je me suis sentie très proche de lui. Tout ce qu’un artiste doit avoir existe chez Ziad Rahbani. C’est un homme d’une grande simplicité. Sa modestie est le moteur de sa création». La collaboration entre eux ne s’arrête pas là. «Il m’a demandé de travailler avec lui dans ses concerts et il apprécie la manière dont je lis ses textes, cela me rend très heureuse et me touche énormément».
Ce qu’elle en pense
Social Media: «Il faut savoir quoi y mettre et refléter ses opinions de manière constructive et éducative. Il faut limiter le temps pour leur utilisation car c’est très prenant».
Ses loisirs: «La danse, le tango en particulier. Je chante aussi et je fais des vocalises. J’écris aussi souvent sur des thèmes et des sujets qui me viennent à l’esprit. Je fais aussi beaucoup de sport. J’aime également fabriquer des objets décoratifs avec du carton et des tissus».
Sa devise: «Vis ta passion et si tu ne la connais pas encore, continue à la chercher».