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Nº 2948 du vendredi 9 mai 2014

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A trois semaines des présidentielles. Le régime reprend Homs après le retrait rebelle

Deux candidats se frotteront à Bachar el-Assad pour la première élection présidentielle organisée en Syrie le 3 juin prochain. Le régime continue de marquer des points sur le terrain, avec l’accord sur le retrait des rebelles de la ville de Homs, pendant que les jihadistes poursuivent leurs combats fratricides.
 

Ils jouent sur les mots, mais la finalité reste la même. Qu’il s’agisse bel et bien d’un «accord» pour les rebelles ou d’une «initiative» pour le gouverneur de la province, Talal el-Barazi, il n’en reste pas moins que les combattants rebelles retranchés dans la vieille ville de Homs devaient quitter leurs positions au milieu de la semaine. «Nous nous sommes mis d’accord qu’ils se dirigeront vers Talbissé et Dar al-Kabira, à 20 km au nord, et ce point est réglé», affirmait ainsi lundi le gouverneur de Homs. «Ils», ce sont les quelque 2 250 combattants, mais aussi civils et blessés, restés dans la vieille ville. La mise en place de ce retrait en bonne et due forme des rebelles a pris un peu de temps, les deux parties devant s’accorder sur l’itinéraire emprunté, mais aussi sur le choix des personnes concernées, ainsi que sur «le démantèlement des mines posées par les rebelles dans la vieille ville», stipulait aussi Barazi. Les combattants de l’opposition qui le désiraient ont ainsi pu bénéficier d’un corridor sécurisé par l’armée loyaliste et ont été autorisés à conserver avec eux certaines armes légères. D’autres rebelles ont préféré rester dans Homs, tout en profitant d’une offre d’amnistie proposée par le régime.
«Si c’est un succès, nous pourrons continuer avec Waer − un autre quartier rebelle situé à l’entrée de Homs − et d’autres localités», a-t-il ajouté. En échange de ce permis de sortie, les rebelles ont indiqué que l’accord prévoyait la libération de 70 prisonniers libanais et iraniens détenus par les islamistes à Alep, ainsi que l’acheminement d’une aide humanitaire dans deux villages chiites pro-régime, Nobbol et Zahra, encerclés par les rebelles depuis deux ans, dans la province alépine. Le gouverneur Barazi a toutefois démenti que l’accord passé avec les rebelles incluait la libération d’otages iraniens. «Tout accord comprend la libération d’otages et la réconciliation que nous sommes en train de réaliser inclut la libération de kidnappés comme geste de bonne volonté et l’entrée de l’aide humanitaire», a-t-il indiqué.
En gestation depuis deux mois, les négociations entre régime et rebelles auront donc abouti dès vendredi dernier, à une trêve non négligeable, avant d’être finalisée par ce retrait. Les bombardements incessants, mais aussi la faim et les besoins de soins médicaux, auraient poussé les rebelles à accepter de quitter Homs.
Pour le régime, la reprise de Homs, qui est tout de même la troisième ville du pays, a toute l’apparence d’un succès. D’autant qu’elle intervient à un mois de l’échéance présidentielle, prévue le 3 juin.

 

Guerre fratricide
En revanche, dans l’est de la Syrie, les combats ne connaissent pas de répit. Et cette fois, le régime n’est pas en cause, puisque ce sont toujours les deux «frères ennemis», l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) et le Front al-Nosra, qui s’affrontent. Et ce, malgré le rappel à l’ordre du chef d’al-Qaïda en personne, Ayman el-Zawahiri, diffusé vendredi dernier. Il avait ordonné au Front al-Nosra de cesser «immédiatement» de combattre l’EIIL, pour «se consacrer au combat contre les ennemis de l’islam, en l’occurrence, les baassistes, les chiites et leurs alliés». Avec aussi, des mots pour EIIL. «Consacrez-vous à l’Irak, même si cela vous semble injuste, pour que cesse cette boucherie entre vous en Syrie», a intimé Zawahiri au chef de l’EIIL, Abou Bakr el-Baghdadi.
Mais en lieu et place d’une accalmie, les combats ont redoublé d’intensité entre les deux groupes jihadistes rivaux ces derniers jours, provoquant la fuite de plus de 60 000 personnes de la province de Deir Ezzor. Ces nouveaux déplacés auraient, pour certains, gagné la Turquie, tandis que d’autres se réfugiaient dans les zones échappant au contrôle du régime, dans d’autres secteurs de la province.
La guerre fratricide entre l’EIIL et le Front al-Nosra ne semblait en tout cas pas près de s’achever, les combats s’avérant de plus en plus meurtriers pour les deux groupes. Lundi, «58 combattants des deux bords tombaient dans les combats», selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), s’ajoutant aux quelque 60 tués depuis le début des hostilités. Toujours selon l’OSDH, «le Front al-Nosra a pris le contrôle du village d’al-Sabha, dans l’ouest de la province, à l’issue des combats qui ont fait six tués dans les rangs de l’alliance Nosra-islamistes, dix-sept de l’EIIL et cinq civils». Quant à l’EIIL, soupçonné des pires atrocités et de vouloir asseoir une hégémonie sans partage sur le terrain, il serait entré dans de petits villages, tuant pas moins de trente-cinq membres d’al-Nosra et de ses alliés.
Si l’injonction d’Ayman el-Zawahiri n’a pas encore été suivie d’effet sur le terrain, c’est aussi parce que le Front al-Nosra a posé quelques conditions à l’arrêt des combats. «Nous allons suivre Ayman el-Zawahiri, qui a donné l’ordre de cesser toutes les attaques contre l’EIIL, mais nous continuerons à riposter quand ils attaquent les musulmans et tout ce qui est sacré pour eux», a ainsi indiqué le groupe dans un communiqué diffusé sur Internet, dimanche. «Dès que l’EIIL annoncera la fin des attaques contre les musulmans, nous arrêtons immédiatement de tirer», a ajouté al-Nosra, tout en précisant qu’il combat l’EIIL seulement dans les régions «où il est la cible d’attaques».

 

Scrutin sans suspense
La lutte sanglante que se livrent les deux groupes rivaux a déjà fait des milliers de morts depuis le début de l’année, ce qui, on s’en doute, arrange les affaires du régime de Bachar el-Assad.
Ces combats interjihadistes interviennent en effet dans un contexte où le régime a enregistré plusieurs victoires et repris du terrain. Ce qui pave la voie à une victoire sans conteste du leader syrien lors de l’élection présidentielle du 3 juin prochain.
Pour ce premier scrutin organisé depuis plus de cinquante ans − Hafez el-Assad et son fils ayant été nommés à l’issue d’un référendum jusqu’à présent − trois candidats seront finalement en lice. Le Haut Tribunal constitutionnel a décidé de ne valider que trois candidatures, sur les vingt-quatre présentées. «Les autres candidatures ont été refusées car elles étaient non conformes aux critères constitutionnels et légaux. Ceux qui ont vu leur demande refusée peuvent introduire un recours devant la cour à partir de lundi et durant trois jours», a indiqué le porte-parole de l’institution. Il faut dire que les conditions d’accès à la présidentielle étaient plutôt draconiennes. Pour se présenter, les candidats devaient avoir résidé en Syrie de façon permanente et continue depuis dix ans, avoir au moins 40 ans, ne pas posséder de double nationalité, être né de parents syriens, être marié à une Syrienne et avoir un casier judiciaire vierge. A ces conditions s’ajoutait aussi le soutien d’au moins trente-cinq députés du Parlement syrien.
Le 3 juin, Bachar el-Assad affrontera dans les urnes Maher el-Hajjar et Hassan Abdallah el-Nouri. Originaire d’Alep, Maher el-Hajjar, 46 ans, est un député indépendant, qui fut pendant longtemps membre du parti communiste. Quant à Hassan Abdallah el-Nouri, c’est un homme d’affaires syrien de 54 ans implanté à Damas, sconnu pour appartenir à l’opposition de l’intérieur, tolérée par le pouvoir en place. Il a aussi occupé les fonctions de ministre d’Etat pour les Affaires parlementaires et de ministre du Développement administratif entre 
s2000 et 2002.
Peu connus de l’électorat syrien, Hajjar et Nouri devraient faire office de figurants dans l’élection, ouvrant la voie à un large succès de Bachar el-Assad. En outre, le scrutin, qualifié de «farce» par l’opposition syrienne et les Occidentaux, ne se déroulera que dans les territoires contrôlés par le régime.

 

Washington au secours de l’opposition
L’opposition syrienne s’est vu gratifiée du statut de mission diplomatique étrangère par les Etats-Unis, selon un haut responsable américain. L’objectif de cette manœuvre est de «renforcer l’opposition syrienne modérée et d’accompagner ses efforts pour aider tous ceux qui ont besoin d’aide en Syrie».
Ce changement de statut a été annoncé lundi, alors que le chef de la Coalition nationale syrienne, Ahmad Jarba, devait se rendre à Washington mercredi. «C’est une étape importante sur la voie d’une nouvelle Syrie, pour sa reconnaissance sur la scène internationale et pour les relations des Syriens avec les Etats-Unis», a déclaré Jarba, «un coup diplomatique» porté à la légitimité du président Bachar el-Assad. Rappelons que l’ambassade syrienne avait été fermée par les Etats-Unis il y a deux mois.
Sur le volet militaire, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils accroîtraient l’assistance non létale et les livraisons pour l’opposition modérée, pour un montant de 27 millions de dollars, en sus des 260 millions déjà prodigués par le passé.

Jenny Saleh

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