Après les événements d’Odessa, la situation en Ukraine semble de plus en plus dramatique. Plus que jamais, le scénario de guerre civile se profile, sur fond de passe d’armes verbales entre Occidentaux et Russes.
Les «dix jours les plus dangereux» depuis l’indépendance de l’Ukraine, évoqués par le Premier ministre ukrainien par intérim, Arseni Iatseniouk, dans une interview au Financial Times, le 2 mai dernier, semblent être arrivés.
Dans un pays en proie au chaos et à des divisions de plus en plus profondes, l’hypothèse de la guerre civile n’est désormais plus incroyable. Le drame survenu à Odessa, dans le sud du pays, vendredi dernier, où plus de quarante pro-Russes ont trouvé la mort, après des affrontements entre partisans d’une Ukraine unie et militants favorables à la fédéralisation, aura peut-être été celui de trop. L’essentiel des victimes, retranchés dans la Maison des syndicats de la ville après des heurts en marge d’un match de football, était issu du camp des pro-Russes.
A ce drame tragique, s’ajoutent de multiples heurts qui sont devenus quotidiens dans l’est de l’Ukraine. Les échanges de tirs se sont faits intenses dans la périphérie de Slaviansk, bastion tenu par les pro-Russes, faisant quatre morts et une trentaine de blessés parmi les membres des forces de l’ordre ukrainiennes. Le ministère de l’Intérieur a aussitôt accusé les «insurgés» de se servir de la population comme «boucliers» et de mettre le feu à des habitations. Dans les airs, c’est un quatrième hélicoptère de type Mi-24 qui a été abattu à l’arme lourde lundi, s’ajoutant aux trois autres appareils perdus depuis vendredi.
Slaviansk fait l’objet de toutes les attentions du pouvoir par intérim. «Ma mission est d’éliminer les terroristes», a ainsi prévenu le ministre de l’Intérieur, Arsen Avakov, alors que l’armée régulière semblait progresser vers le centre de la ville. De son côté, le commandant des rebelles pro-russes, Vadim Orel, a affirmé à l’AFP que l’armée ukrainienne leur avait tiré dessus depuis un hélicoptère et avait aussi eu recours à des roquettes près d’une autre localité, située à 5 km au sud de Slaviansk.
Désormais, les regards sont braqués sur la date du 9 mai, un jour férié à haut risque où l’Ukraine comme la Russie commémoreront la victoire sur l’Allemagne nazie. Tous craignent des provocations et incidents qui pourraient se répandre comme une traînée de poudre sur l’ensemble du territoire ukrainien. Inquiet, le président ukrainien par intérim, Olexandre Tourtchinov, a estimé que «l’objectif (des insurgés pro-Russes) est de renverser le gouvernement à Kiev». Le 11 mai, les séparatistes de la «République populaire de Donetsk» comptent également organiser un référendum d’autodétermination.
Enfin, le 25 mai doit en principe se tenir l’élection présidentielle, dont l’issue est d’ores et déjà remise en cause. Sur le plan politique, le vainqueur pourrait apparaître comme le choix des contestataires de la place Maïdan, et donc de l’Ouest.
Sur le plan diplomatique, l’Ukraine continue d’être au cœur des discussions entre Occidentaux et Russes. Moscou, accusé d’être à l’origine des troubles dans l’est et le sud du pays, a mis en garde lundi contre une «catastrophe humanitaire» dans les villes sous blocus de l’armée, Slaviansk et Kramatorsk. La Russie a aussi estimé dans un Livre blanc que des «forces ultranationalistes, extrémistes et néonazies» sont à l’œuvre en Ukraine où elles se rendent coupables de violations «massives» des droits de l’homme. «Les conséquences pour la paix, la stabilité et le développement démocratique de l’Europe risquent d’être tellement dévastatrices qu’il faut absolument mettre fin aux violations», selon ce rapport publié par le ministère des Affaires étrangères.
Mercredi, le président de l’OSCE, Didier Burkhalter, devait évoquer le dossier ukrainien avec le président russe, Vladimir Poutine, dans l’objectif de «faciliter un dialogue national avant l’élection présidentielle».
Les Européens plaideraient, eux, pour une deuxième conférence de Genève, malgré l’échec de la réunion organisée à la mi-avril. L’initiative est soutenue par le ministre allemand des AE, Frank-Walter Steinmeier, qui a signifié «que des engagements clairs soient enfin décidés, (…) pour trouver progressivement une solution politique. Toute autre attitude serait irresponsable, car cela ne signifierait que davantage de victimes».
La CIA et le FBI en embuscade
Selon le journal allemand Bild am Sonntag, des agents de la CIA et du FBI aideraient Kiev à mater l’insurrection pro-russe. L’hebdomadaire affirme que des dizaines de spécialistes du Renseignement américain conseilleraient en sous-main le nouvel Exécutif ukrainien, sans toutefois être présents sur le terrain. Des révélations qui apportent encore du grain à moudre à la Russie, qui accuse le nouvel Exécutif «fasciste» d’être téléguidé de l’étranger.
Jenny Saleh