A deux semaines de la fin de son mandat, le président Michel Sleiman, entouré de ses proches, a profité de l’inauguration du centre sportif de Jbeil et de la dernière séance de dialogue pour marteler son discours adressé au Hezbollah et ses alliés.
Un président en fin de règne s’interroge forcément sur l’héritage qu’il laissera après son départ. Depuis que Michel Sleiman a levé l’hypothèque de la prorogation de son mandat, cette question l’obnubile. Comme tous ses prédécesseurs, le chef de l’Etat revient à ses fondamentaux. Ses proches d’abord. A son accession au pouvoir, l’ancien commandant en chef de l’armée a placé autour de lui, à des postes importants, les membres de son clan. Son fils Charbel dirige le club de Amchit, son gendre Ziad Hawat la municipalité de Jbeil, ses frères Ghattas et Antoine ont occupé les postes de maire et de mohafez. La pierre, ensuite. Ils étaient tous là, dimanche soir, à l’inauguration du nouveau complexe sportif financé par le milliardaire d’origine libanaise, Carlos Slim. Autour de la salle polyvalente, la piscine olympique et le terrain de football sont toujours en construction. Qu’importe, Michel Sleiman voulait avoir «le plaisir de couronner» son mandat avec l’inauguration de cette cité sportive, s’adressant aux 2 000 curieux venus découvrir le centre qui porte son nom.
Aux côtés de Ziad Baroud, des ministres et des députés du 14 mars étaient présents. Aucun signe en revanche des élus CPL de la région ou de représentants du 8 mars. L’occasion pour le chef de l’Etat de mettre en exergue son magistère politique, notamment la politique de distanciation. «J’ai été témoin de toutes sortes de querelles au Liban et je suis profondément convaincu de la nécessité de préserver la neutralité du pays face aux conflits régionaux». Depuis plusieurs semaines maintenant, les liens entre le président et le Hezbollah sont rompus, et la façon dont se déroule la course à la présidentielle n’arrange pas les choses. «Ceux qui tiennent à la survie du système politique libanais doivent comprendre que l’élection présidentielle ne peut se faire en provoquant un défaut de quorum». Autre pique, et non des moindres: «La séance du 7 mai est une occasion pour le dialogue et l’unité, contrairement à ce qui s’était passé le 7 mai 2008. Ne suspendez pas votre vote dans l’attente d’un accord étranger toujours absent».
Quelques minutes avant son arrivée, le président Sleiman s’était rendu au salon de la cathédrale Saint Jean-Marc à Jbeil pour présenter ses condoléances à l’ancien ministre de l’Intérieur Marwan Charbel pour la mort de son père. Le lendemain, à Baabda, le président convoquait sa dernière séance de dialogue. Dans les couloirs du palais, les conseillers commencent à faire leurs cartons. Pas de représentants du Hezbollah, du CPL ou des Forces libanaises autour de la table, mais un Walid Joumblatt dithyrambique, qui a salué l’action du chef de l’Etat (voir encadré). Répondant indirectement à la question soulevée la veille par le président, qui condamne les appels à la convocation d’une Assemblée constituante, le chef du Parlement, Nabih Berry, a certifié que lui et ses alliés ne renieraient ni l’accord de Taëf, ni la parité islamo-chrétienne. Au cours de la séance, Michel Sleiman s’est arrêté quelques minutes sur les déclarations du haut conseiller du chef des pasdarans iraniens, le général Yahya Rahim Safavi. Cité par l’agence officielle de presse iranienne, Safavi expliquait que «le pouvoir et l’influence de (son pays) se sont étendus pour la troisième fois jusqu’en Méditerranée. La ligne de défense iranienne se trouve au sud du Liban».
Réagissant à ces propos, Michel Sleiman a évoqué «des déclarations répétées attribuées à des sources iraniennes en contradiction avec la souveraineté libanaise». Président jusqu’au bout .
Joumblatt défend Sleiman
Au sortir, lundi, de la séance de dialogue, le leader druze a salué la déclaration de Baabda «qui restera un point blanc qui a marqué le mandat du président Michel Sleiman. Il a réussi par sa sagesse et son patriotisme à surmonter les étapes les plus critiques et à épargner au pays des tensions. L’histoire lui rendra justice pour ses exploits», dit Walid Joumblatt. Un hommage relayé notamment par les anciens Premiers ministres, Fouad Siniora et Najib Mikati, évoquant «son sens de l’Etat, son impartialité et son sang-froid dans les grandes crises».
Julien Abi Ramia