Elie Ferzli n’a rien perdu de sa verve. Avec le style imagé, qui le caractérise, il confie à Magazine sa vision des développements: l’échéance présidentielle, les répercussions des tensions régionales sur le Liban et la visite pastorale du patriarche maronite Béchara Raï à Jérusalem.
L’élection présidentielle aura-t-elle lieu tôt ou tard?
Assurément. Mais la question que nous nous devons de poser, c’est de savoir quel profil de président souhaitons-nous? Quel rôle doit-il remplir? Il faut prendre en considération la façon dont le pouvoir est constitué au Liban. Le Premier ministre représente d’abord l’assisse populaire sunnite. Le président de la Chambre, l’assise chiite et donc le président de la République doit être représentatif de la volonté chrétienne dans sa majorité. Il est prouvé que s’il y a une faille à l’un de ces trois niveaux, rien ne fonctionne efficacement. Par ailleurs, le nouveau président doit avoir pour fonction stratégique de préciser les limites géographiques du Hezbollah sur le territoire libanais, le rapport de ses armes avec l’Etat et instaurer le dialogue en ce qui concerne sa présence en Syrie. Le chef de l’Etat doit aussi pouvoir gérer les liens sunnito-chiites pour cerner le terrorisme. Il doit appliquer les accords de Taëf et rassurer l’armée, garante de la stabilité et de la sécurité. Le pays ne doit pas être une plate-forme pour la déstabilisation de la Syrie. Pour qu’une personnalité possédant un tel profil accède à la présidence, nous avons besoin d’un consensus régional irano-saoudien et d’une bénédiction américaine.
A votre avis, quelle est la personnalité libanaise susceptible de remplir toutes ces fonctions?
Le général Michel Aoun.
Où en sont les dernières négociations à ce sujet après les allers-retours incessants à Paris et à Riyad?
Tout dépend de la conjoncture régionale et internationale. Mais ce qui est sûr, c’est que Samir Geagea et Walid Joumblatt se sont rendus dans la capitale française pour rencontrer Saad Hariri, mettre des bâtons dans les roues et empêcher le général d’accéder à la première magistrature.
Selon des sources diverses, un accord serait en train de se tisser pour assurer la présidence au général Michel Aoun et le poste de Premier ministre à Saad Hariri. Est-ce vrai?
C’est tout à fait l’accord que l’on essaie de mettre en place et le Hezbollah n’y est pas opposé puisqu’il prend en considération les équilibres locaux et régionaux. La donne a changé du fait du dialogue irano-américain, des développements en Syrie qui ont conduit à la maîtrise par le régime des frontières libano-syriennes et l’échec du projet turco-ottoman. Il y a aussi la décision américano-russe de préserver la stabilité du Liban. Les pourparlers autour de cet accord vont-ils être conclus? En tout cas, ils méritaient d’être menés. Sinon nous risquons d’avoir un président qui gère la crise.
Comme l’a fait le président Michel Sleiman?
La politique menée par Sleiman est un échec.
En cas de vide à la tête de l’Etat, est-il possible qu’une constituante soit organisée pour redéfinir le système politique libanais?
Se serait une erreur stratégique si le Courant du futur n’accepte pas une restructuration du pouvoir, c’est à ce moment que les accords de Taëf seront en danger. Ils seront même susceptibles de voler en éclats.
La visite du patriarche Béchara Raï en Terre Sainte suscite des remous dans les milieux politiques, bien qu’elle soit placée dans un cadre strictement pastoral.
Le Hezbollah a formé une délégation qui s’est rendue à Bkerké pour exprimer son point de vue sur la question…
Quel est votre avis?
Le Hezbollah ne souhaite pas encourager une normalisation des relations avec Israël même si certains Etats arabes le font, ni provoquer les takfiristes en leur donnant des prétextes pour sévir. Je pense que cette visite a une portée stratégique bien définie: l’Eglise maronite, en tant qu’Eglise syriaque d’Antioche, se prépare et se pose en représentante du Vatican pour assurer un rôle avancé avant les pourparlers concernant l’Eglise du Saint-Sépulcre, à Jérusalem.
Propos recueillis par Danièle Gergès