Sorti des sables il y a un peu plus d’un siècle, le quartier de Sanayeh est en passe de devenir l’un des plus beaux de Beyrouth. L’ancien pôle urbain imaginé par le sultan Abdülhamid II, qui régna sur l’Empire ottoman de 1876 à 1909, doté d’un hôpital, de l’école des Arts et Métiers et d’un jardin, s’offre un second souffle. En attendant l’inauguration dans quelques mois de la Bibliothèque nationale, le jardin de Sanayeh, resplendissant, débute les festivités et rouvre ses portes fermées depuis un an.
Samedi dernier, le 31 mai, les portes du jardin de Sanayeh s’ouvraient une première fois aux officiels et invités sélectionnés pour célébrer la nouvelle jeunesse de l’un des plus vieux jardins de Beyrouth. Magnifique transformation! Des fleurs partout, jaunes, violettes et orange délimitant les allées, des pelouses d’un vert flamboyant où courent déjà de jeunes têtes brunes, un amphithéâtre culturel, des pistes cyclables, un espace d’exposition et surtout, un bassin central privé d’eau depuis bien trop longtemps, qui revit de plus belle. Dommage, tout de même, pour ce premier jour, cette première inauguration, que le peuple libanais, les Beyrouthins, n’aient pas été conviés. Certains riverains accoudés aux grilles à l’extérieur devront attendre le lendemain pour pouvoir découvrir et profiter de leur jardin.
Cure de jouvence
Cet embellissement, on le doit principalement au secteur privé, la Fondation Azadea et le bureau d’architecture paysagiste Zeina Majdalani Khabbaz (ZMK), chapeautés bien sûr par la municipalité de Beyrouth. Exit le vieux Sanayeh, de son vrai nom jardin René Moawad (en hommage à l’ancien président assassiné en 1989 dans les alentours), ses espaces verts jaunis, ses accès à l’eau asséchés, ses installations vétustes, tout y a été modernisé! «Nous avons souhaité privilégier ses lignes historiques, tout en le dotant de toutes les commodités et aménagements nécessaires à un jardin public moderne», note celle qui en a dessiné les contours, Zeina Majdalani Khabbaz. Son bureau d’architecture, en hommage à Beyrouth, a d’ailleurs offert à la ville ses services entre conception, études et supervision (à hauteur de 300 000 dollars). Du côté de la Fondation Azadea, dont la société mère gère plus de cinquante franchises internationales à travers le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique du Nord, 2,5 millions de dollars ont été mis sur la table pour réhabiliter le jardin et s’occuper de son entretien pendant les dix prochaines années. Et de l’entretien, il va falloir s’y atteler, en considérant le test du week-end inaugural. Car si les poubelles débordent, ce qui est bon signe, les parterres de fleurs n’ont pas tous été épargnés et quelques bouteilles en plastique et autres détritus se baladaient en toute liberté dans les allées du jardin.
Pour ce week-end de célébrations, les organisateurs ont vu les choses en grand, de quoi remplir de 1 001 souvenirs les esprits des plus jeunes: barbes à papa, ballons, peinture sur visage, jongleurs déguisés en clowns, conteurs, caricaturistes, ateliers d’agriculture urbaine, d’origami, de coloriages, concerts, etc.
A l’entrée du jardin, le Sanayeh daily était en libre distribution. La petite gazette du jardin René Moawad proposait aux curieux de découvrir l’histoire de Sanayeh et de la Fondation Azadea. On pouvait également y lire quelques mots du président de la municipalité de Beyrouth, Bilal Hamad (présent samedi et dimanche aux célébrations): «Notre plus grande priorité est de replacer cette belle capitale à sa place légitime de porte de l’Orient à l’échelle internationale et du monde arabe, en mettant en évidence sa beauté, son image sociale et culturelle. Il était temps de la réaménager pour lui redonner sa gloire d’antan», souligne-t-il, avant de préciser: «Au-delà de ses efforts déjà entrepris, le conseil municipal actuel de Beyrouth travaille deux fois plus dur pour atteindre son objectif, malgré les obstacles et les paperasseries administratives qui conduisent souvent à des retards dans l’exécution».
Prochaine étape du programme municipal baptisé Beyrouth Betjanine, la rénovation du jardin St Nicolas financée par l’Université Saint-Joseph et l’ambassade de France, un projet lancé le 5 juin. Quant à savoir si seuls les partenariats public-privé de la municipalité de Beyrouth sont couronnés de succès, Rachid Achkar, membre du conseil municipal et responsable des espaces verts, se veut optimiste. «Le gouverneur actuel est jeune et très énergique, il va faire beaucoup de bien à Beyrouth, déclare-t-il. Nous allons pouvoir réaliser autant de projets avec ou sans le secteur privé».
En attendant l’ouverture (inlassablement reportée) du plus grand espace vert de Beyrouth, le Horsh, il semble que le nouveau Sanayeh ait été adopté par les petits et les plus grands. Alors que ses portes se referment en fin d’après-midi, que les quatre aires de jeux pour enfants se vident progressivement, les rires se transforment soudain en pleurs.
«Ne t’inquiète pas, nous reviendrons demain».
Delphine Darmency