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Mouna Béchara

Le gâchis d’un Grand Liban

Un adage libanais dit «leurs paroles te réjouissent, leurs actes te désolent». Il s’applique hélas à beaucoup de nos politiciens et analystes, qui, dans une grande majorité nous inondent, selon les alliances et les sensibilités de chacun, de discours lénifiants et le plus souvent désespérants, pour ne pas dire angoissants. Ils annoncent les pires catastrophes à venir sans jamais proposer un semblant de solution, se limitant à décrire la situation. L’avenir ne paraît pas les préoccuper outre mesure, leurs intérêts immédiats restent prioritaires. L’Armée libanaise, avec ses maigres moyens, se démène sur tous les fronts. Il est vrai que des aides lui sont promises, mais elles tardent à se concrétiser et, en attendant, ses soldats sont pris en otages, victimes des pires sévices. On ne peut qu’avoir une immense admiration pour le courage de ce père de militaire auquel son fils est rendu décapité et qui, surmontant sa propre détresse, appelle à la libération de ses compagnons pour que son sacrifice serve.
Pendant ce temps, à la «une» des bulletins d’informations, toutes tendances confondues, prime la tragicomédie qui se joue autour de la présidentielle. Le sens de cette échéance est tristement occulté et si les uns affichent leur candidat, les autres se limitent à dire que nul n’ignore le leur. De toute évidence, alors que ce sujet devrait être la priorité des priorités, les convocations aux séances de la Chambre se multiplient, reportées de semaine en semaine, puis de mois en mois, sans beaucoup de conviction, jusqu’à en être comiques si elles n’étaient pas dramatiques dans un pays qui va à la dérive.
Des solutions fusent de toutes parts, toutes aussi contradictoires. Le Hezbollah, lui, affirme être le seul détenteur du salut du Liban grâce à son intervention en Syrie pour éradiquer le terrorisme et il appelle les forces vives du pays à rallier son action. Les autres composantes de la société libanaise prônent une solidarité indéfectible avec l’Armée libanaise et réaffirment leur obédience aux institutions de l’Etat.
Le monde est saisi d’une folie meurtrière. De Syrie, à Gaza, et d’Irak en Ukraine, l’intérêt de la communauté internationale ne se porte, de toute évidence, pas sur le Liban.
Le 1er septembre, date de la naissance du Grand Liban en 1920, a pris cette année une importance particulière. Dans son allocution, le Premier ministre Tammam Salam a rappelé les facteurs qui, à l’époque, faisaient la force du pays sous l’ombrelle d’un Pacte national qui a régi notre vie en commun pendant si longtemps et qui, de toute évidence, est jeté aux oubliettes par une faction, hélas, importante de la population. Plus près de nous, un accord conclu en 1989 par les parlementaires libanais mettait un point final à un conflit de quinze ans. Il ramenait en première place le caractère multiconfessionnel équilibré du pays, réaffirmant son unité, sa liberté et son indépendance. Ceux qui, aujourd’hui, dans un pays en crise, réclament des amendements à la Constitution, ne peuvent ignorer ce que cela représente pour l’avenir non seulement de la communauté maronite, mais pour l’ensemble de la nation et de son avenir.
Tout cela En attendant Godot qui résonne avec une sorte d’évidence pour des familles qui cherchent à échapper aux guerres fratricides, à la pauvreté, à l’absence d’une vision d’avenir, ce sont des hommes et des femmes qui prennent le chemin aventurier de l’exil et rêvent, dans un monde en ébullition, de retrouver leurs racines.
Mais, en marge de ce sombre tableau, le paradoxe libanais est, une fois de plus, au rendez-vous. Preuve en est les événements culturels et de divertissement de haut niveau qui se sont produits tout au long de l’été sur les scènes traditionnelles des festivals de Byblos, Beiteddine, Zouk… et cerise sur le gâteau, La Musica Deuxième de Marguerite Duras, interprétée par Gérard Depardieu et Fanny Ardant, présentée par le Festival de Baalbeck sur la scène du Casino du Liban; sans oublier Garou attendu le 6 septembre. Ce n’est, certes pas, la première fois que de prestigieuses vedettes défient les risques qu’elles encourent dans le Pays du Cèdre et redonnent aux Libanais le sentiment de ne pas être oubliés, du moins l’espace d’une saison culturelle.

Mouna Béchara




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