La campagne lancée par le ministre Waël Abou Faour ne semble pas avoir laissé indifférents d’autres membres du gouvernement. Voilà qu’à son tour, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, entreprend une campagne anti-corruption dans son ministère, visant principalement les administrations foncières, où cinquante-cinq fonctionnaires ont été déférés devant le parquet.
C’est une conférence de presse fracassante qu’a tenue, mardi, le ministre Ali Hassan Khalil, qualifiant les services fonciers de véritable «cour des miracles». Les chiffres et les informations dévoilés par le ministre sont affolants et démontrent clairement la corruption et les malversations qui ont lieu depuis des décennies dans les administrations foncières, englobant le registre et le cadastre. «Il y avait une forme de légalisation du vol, du chantage et de la corruption qui ont alourdi les frais engagés par les contribuables et fait perdre à l’Etat des milliards de dollars au fil des ans», a déclaré Khalil, en prenant soin cependant de souligner que tous les fonctionnaires du registre foncier ne sont pas corrompus.
A l’issue de nombreuses investigations, cinquante-cinq fonctionnaires sur tout le territoire libanais ont été traduits devant le parquet pour vol, corruption et chantage. Beaucoup d’irrégularités ont été découvertes, ainsi que des phénomènes incroyables. «Des enfants ou petits-enfants qui vendent des terrains à leurs grands-pères ou pères décédés, un moukhtar qui approuve le rapport d’un fonctionnaire du cadastre au lieu du contraire, des millions de mètres de terrains enregistrés au nom de sociétés ou d’individus fictifs dans une des plus vastes opérations de vol de terrains publics, privant ainsi l’Etat de milliards de livres libanaises».
Selon Ali Hassan Khalil, les administrations se sont transformées en cavernes, appartenant à des personnes influentes, exerçant leurs propres règles, forçant les citoyens à payer des pots-de-vin pour exécuter leurs formalités, légalisant le vol et le chantage. Il a également dévoilé comment certaines personnes ont réussi à faire main basse sur des terrains constitués de milliers d’hectares appartenant à l’Etat ou à des particuliers. Des sociétés foncières ont réussi à réduire à moins de 10 000 mètres certaines superficies, afin de priver l’Etat du «quart gratuit», dont il bénéficie dans les terrains dont la superficie dépasse les 10 000 mètres. Cette part étant généralement utilisée pour la construction des infrastructures et des routes.
26 millions $ récupérés
Il a également expliqué que l’enquête a commencé auprès de huit fonctionnaires des registres fonciers, ce qui a permis au Trésor de récupérer 26 millions de dollars de revenus fiscaux.
«Les fonctionnaires concernés encaissaient des pots-de-vin pour sous-évaluer des biens immobiliers et réduire ainsi le montant des droits d’enregistrement lors de transferts de propriété». Le ministre a également précisé que l’immunité de tous les fonctionnaires des services fonciers était levée, assurant que les autorités n’auront de cesse jusqu’à ce que tous les terrains volés soient réappropriés par l’Etat et que les auteurs de ces fraudes soient sanctionnés.
«Personne ne pourra bénéficier d’une quelconque couverture, qu’ils soient proches politiquement de nous ou pas. Ce dossier est grand ouvert et risque d’éclabousser des personnalités politiques, des dirigeants peut-être ou des personnes influentes. Mais soit on applique la loi à tous, soit on ne fait rien. Quant à l’immunité des hommes politiques, je laisserai à l’opinion publique le soin de s’en occuper».
Ali Hassan Khalil a promis des résultats rapides, que le contribuable pourra constater dans un proche avenir, en particulier au Liban-Sud, où les citoyens se plaignent du vol des terrains appartenant à l’Etat et où d’importants transferts frauduleux de propriétés ont eu lieu, même sous les bombes, durant la guerre de juillet 2006. Il a tenu à placer sa lutte contre la corruption loin de la politique, ne voulant faire ni de la surenchère ni de la concurrence à la campagne lancée par le ministre de la Santé.
Joëlle Seif
Vente des terrains de l’Etat
Entre 2001 et 2014, des terrains non construits d’une superficie de 3,247 millions de mètres carrés appartenant à l’Etat ont été vendus selon le ministre Ali Hassan Khalil. Ces terrains étant ainsi répartis: 9,5% dans le Mont-Liban, 4% à Beyrouth, 32,6% au Nord, 0,3% à Nabatié, 37% au Sud et 16,5% dans la Békaa. En outre, 570 000 mètres carrés appartenant à l’Etat ont été transférés à différents propriétaires.