L’absence d’un président n’aura pas empêché le Liban de marquer le 15e Sommet de la francophonie organisé à Dakar, en obtenant trois amendements dans la déclaration finale.
C’est finalement au ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, qu’est incombée la lourde tâche de représenter le Liban lors du 15e Sommet de la francophonie qui se tenait à Dakar, au Sénégal. Le chef du gouvernement, Tammam Salam, s’était désisté, tandis que le fauteuil présidentiel reste toujours vide.
Arrivé samedi matin à Dakar, alors que le ministre de la Culture, Rony Araiji, s’envolait pour Beyrouth afin d’assister aux funérailles de Sabah, Gebran Bassil a toutefois pu profiter de sa présence pour imposer trois amendements majeurs à la résolution du sommet.
Au cours du débat qui s’est tenu à huis clos entre les pays membres de plein droit, le ministre n’a pas mâché ses mots quant à la situation périlleuse que traverse son pays. «Le Liban se trouve actuellement dans l’œil du cyclone. L’instabilité régionale, couplée à la crise syrienne, ont sur le Liban des répercussions considérables et le mettent face à des défis existentiels, les plus graves de son Histoire récente», a-t-il ainsi martelé. «La vie politique au Liban peine à fonctionner d’une manière satisfaisante. Il est impératif que le président de la République soit élu sans ingérences externes dans les plus brefs délais et qu’une nouvelle loi électorale, plus démocratique et juste, soit votée. Par ailleurs, le nombre des réfugiés syriens, additionné à celui de réfugiés palestiniens déjà présents chez nous, atteint facilement deux millions, pour une population de quatre millions de Libanais. Ce triste record a un prix très cher», a encore déploré Bassil.
Tout comme le Premier ministre égyptien, qui évoquait le danger que faisait courir Daech dans le monde arabe, le ministre libanais a lancé un appel à l’aide. «Le Liban s’est retrouvé dans le collimateur des organisations terroristes, telles que Daech, qui prônent des modèles idéologiques qui sont aux antipodes de notre culture de tolérance et de notre système politique fondé sur le pluralisme. On vous appelle à aider le Liban parce qu’il mène ce combat en votre nom et au nom de toute l’humanité», des déclarations qui ont visiblement porté, puisque Gebran Bassil est parvenu à imposer trois amendements dans la déclaration finale du sommet de Dakar, qui comporte neuf résolutions. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a ainsi souligné dans son communiqué final qu’elle «soutenait les pays qui combattent le terrorisme», incluant à la fois ceux du Sahel et du Proche-Orient. Autre ajout initié par Bassil, cette phrase concernant la situation de crise traversée par le Liban. «L’afflux massif de ressortissants syriens sur le territoire libanais constitue un fardeau sans précédent», alors que l’OIF «exprime sa vive préoccupation à l’égard de la multiplication des pressions sur le Liban, aux plans humanitaire, socioéconomique et sécuritaire, du fait des conflits armés dans les pays voisins» et «réitère également son soutien au Liban dans ses efforts pour faire face à cette situation et décide de renforcer son appui à la stabilité et l’intégrité territoriale du Liban dont elle salue les valeurs d’ouverture et de diversité religieuse, fondements même de cet Etat».
Gebran Bassil a proposé et fait adopter, au nom du Liban, que «l’OIF appelle à des réponses juridiques nationales et internationales adéquates qui mettent fin à l’impunité dont pensent bénéficier ces groupes terroristes».
Le sommet de Dakar s’est conclu par la décision d’organiser le prochain rendez-vous de la francophonie à Madagascar, ainsi que par l’élection de Michaëlle Jean (voir encadré), nouvelle secrétaire générale de l’OIF, qui succède ainsi au Sénégalais Abdou Diouf.
Jenny Saleh
L’OIF échappe à l’Afrique
L’élection de Michaëlle Jean à la succession du Sénégalais Abdou Diouf – après trois mandats à la tête de l’organisation – marque un tournant dans l’histoire de la francophonie. D’abord, parce qu’il s’agit de la première femme à être élue à ce poste. Ensuite, parce qu’elle n’est pas issue du continent africain, mais du Canada. Une première dans l’histoire de l’OIF. D’origine haïtienne, cette ancienne journaliste de 57 ans est très appréciée par ses pairs, notamment pour sa facilité à lier des liens avec les communautés.
Son élection n’aura pas coulé de source. Nombre des pays participants n’ont pas goûté au fait que le nouveau secrétaire général ne soit pas africain. Au cours de sa campagne, Michaëlle Jean a donné le ton, alimentant les critiques à son égard. «Je n’ai pas de rapport de complaisance avec les chefs d’Etat», avait-elle martelé. Pour elle, la francophonie doit être sur le terrain et engager des actions pour éviter les conflits. Elle aura fort à faire en tout cas pour asseoir sa légitimité, notamment dans les problèmes politiques africains.