Alors que le Front al-Nosra et Daech continuent de menacer les familles des militaires et des policiers retenus à Ersal d’exécuter leurs proches, les autorités s’interrogent sur la marche à suivre et n’ont toujours pas répondu à l’offre de médiation du cheikh Wissam Masri.
Retour à la case départ. Mardi, les familles des otages ont répondu aux forces de l’ordre, qui les ont empêchées de manifester au pied du Grand sérail, alors que la cellule ministérielle de crise présidée par Tammam Salam tenait sa réunion, en brûlant des pneus place Riad el-Solh. Quelques minutes auparavant, les preneurs d’otages avaient menacé d’en exécuter deux. Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a expliqué avant la réunion qu’il n’en boycottait pas celles de la cellule en question «mais mon parti politique souligne la nécessité de la prise de mesures sérieuses dans le but de libérer les otages et de trancher la question relative à la référence et au mécanisme des négociations». Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, a démenti l’existence de divergences au sein de la cellule de crise, notamment entre l’action politique et sécuritaire. «Le canal des négociations est clair et fonctionne toujours. C’est le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, qui dirige la cellule sécuritaire de suivi», ajoutant que «la reprise des négociations passe par un engagement écrit des preneurs d’otages de ne pas tuer les militaires», a-t-il annoncé.
Médiateur ou boulanger?
«Nous ne voulons pas bloquer la voie devant ceux qui veulent aider dans cette affaire, et le Comité des ulémas musulmans, que nous remercions, a proposé son aide», a conclu le ministre. Officiellement, Wissam Masri n’a donc toujours pas obtenu l’accord du gouvernement pour conduire les négociations. Ce cheikh, à équidistance de toutes les sensibilités islamistes, propriétaire d’une boulangerie dans le quartier d’Abi Samra à Tripoli, a expliqué en début de semaine qu’il avait obtenu l’aval écrit du Front al-Nosra et de Daech de conduire en leur nom les négociations avec le gouvernement. Cette lettre, explique-t-il, a été transmise aux services de renseignements de l’armée et des Forces de sécurité intérieure (FSI). A l’heure où ces lignes sont écrites, il attendait l’accord des autorités politiques pour se rendre à Ersal et entamer sa médiation. Wissam Masri n’est pas inconnu des Tripolitains. Il a longtemps été proche du cheikh Houssam Sabbagh, aujourd’hui aux mains de l’armée à Tripoli. Après avoir été imam de plusieurs mosquées de la ville, il sert aujourd’hui celle d’Abou Anwar, dans le quartier du Marché de l’or.
Masri explique que, dans cette lettre marquée du sceau du Front al-Nosra, ce dernier s’engage à «arrêter l’exécution de tous les soldats de l’armée pour empêcher l’effusion de sang et en l’honneur du frère Wissam Masri». Selon lui, la lettre comporte également les conditions que le gouvernement libanais doit respecter: arrêter les combats à Ersal et ses environs, mettre fin à la détention de toutes les sœurs détenues et libérer les sœurs récemment arrêtées, Saja Douleimi et Ola el-Okayli «afin de faciliter la reprise des négociations». Un avertissement conclut cette lettre: «Toute attaque ou arrestation de nos sœurs et d’autres opérations contre les sunnites, comme pendant les événements à Tripoli, seront considérées comme une violation de l’engagement et appelleront une riposte de notre part».
Sans indiquer forcément que Masri a été adoubé par le Front al-Nosra, cette lettre signale surtout que les preneurs d’otages rejettent les médiateurs jusqu’à présent délégués par le gouvernement, dont le Comité des ulémas musulmans, qui bénéficiaient du soutien des ministres affiliés au Courant du futur. En parallèle, des sources proches de Daech ont expliqué, cette semaine, que les ravisseurs ont abaissé leurs exigences. Après avoir réclamé la libération de vingt prisonniers contre un otage, ils sont descendus à cinq, puis à trois. Des rumeurs qui resteront sans implication pratique tant que les autorités, qui ont appelé les députés de tous les partis à la rescousse pour rassurer les familles des otages, n’auront pas défini de stratégie claire.
Julien Abi Ramia
Des kamikazes arrêtés à Ersal
Dimanche, des soldats ont intercepté à Ersal une jeep à bord de laquelle se trouvaient cinq personnes, dont deux Syriens recherchés par la justice, en route vers les jurds de la région. Ils ont saisi avec eux une ceinture explosive, ainsi que deux grenades, trois fusils, quatre pistolets, des munitions et un appareil de communication.