Mardi, l’Australie a découvert avec effroi l’itinéraire radical du preneur d’otages du café de Sydney qui a été tué quelques minutes après l’assaut de la police, celui d’un réfugié iranien arrivé en 1996, qui a progressivement plongé dans l’islamisme.
L’Australie est sous le choc mardi 16 décembre, au lendemain de la prise d’otages dans un café de Sydney, qui s’est soldée dans la nuit par la mort de trois personnes. Le forcené et deux otages: Tori Johnson, 34 ans, gérant du Lindt Chocolat Café, et Katrina Dawson, avocate de 38 ans, mère de trois enfants. Abattu vers 2h30 heure locale par la police, le preneur d’otages a été évacué vers un hôpital où les médecins ont prononcé sa mort. Peu avant l’assaut, les médias australiens avaient révélé l’identité du preneur d’otages, un militant islamique radical d’origine iranienne, Man Haron Monis, âgé de 50 ans et bien connu des services de police australiens. Rapidement, le Premier ministre australien, Tony Abbott, a expliqué que l’homme avait «un lourd passé de violences criminelles, d’attirance pour l’extrémisme et d’instabilité mentale». «Au fur et à mesure du siège», le preneur d’otages a «cherché à donner à ses agissements le couvert symbolique du culte de la mort» que représente l’organisation Etat islamique (EI), a assuré le Premier ministre.
Un militant de la paix!
Monis, qui s’était autoproclamé cheikh, avait ainsi contraint les otages à tendre sur la vitrine du café un drapeau noir portant des caractères arabes mentionnant la shahada. Les médias locaux ont également rapporté que l’homme avait obligé ses otages à se filmer pour exposer ses exigences. Dans deux vidéos, il disait qu’il allait libérer cinq otages s’il recevait un appel du Premier ministre, d’après la chaîne australienne ABC. Il a également exigé qu’on lui apporte un drapeau de l’Etat islamique et prétendu avoir déposé quatre bombes, ce qui s’est révélé faux. L’homme, qui avait renié le chiisme pour se convertir au sunnisme, aurait par ailleurs prêté allégeance par deux fois, via son site Internet (suspendu par les autorités), à Abou Bakr el-Baghdadi, le leader de l’Etat islamique.
Man Haron Monis, dont le vrai nom était probablement Mohammad Hassan Manteghi, était arrivé en 1996 en Australie grâce au statut de réfugié. Il vivait dans la banlieue de Sydney. Comme il le racontait à ABC News en 2001, il avait cherché à rejoindre l’Australie après s’être mis à dos le régime iranien et que sa famille avait été assignée à résidence. Depuis son arrivée dans le pays, l’homme a été confronté de nombreuses fois à la justice australienne. Il s’était ainsi fait connaître en 2010, après avoir envoyé des lettres d’injures, mais aussi des messages enregistrés en DVD, aux familles de soldats morts en opérations en Afghanistan. Les lettres commençaient par un message de condoléances, avant de critiquer l’implication de l’Australie en Afghanistan et d’insulter les soldats morts. Il avait pour cela été condamné à 300 heures de travaux d’intérêt général.
Monis se présentait comme un militant de la paix et avait lancé une campagne de lettres, écrivant par exemple à Barack Obama ou à la reine Elisabeth II. Il se disait victime de harcèlement de la part des autorités australiennes, estimant être visé par une campagne de diffamation en tant que «militant musulman» et se comparant au fondateur de WikiLeaks, l’Australien Julian Assange. Pour son ancien avocat, Manny Conditsis, Monis était un personnage isolé, agissant probablement seul dans cette prise d’otages. «Son idéologie est tellement forte et puissante qu’elle altère son sens commun et son objectivité», a-t-il expliqué sur ABC. «Je pense qu’il considérait qu’il n’avait plus rien à perdre». Une citation avait été mise en exergue le 14 décembre, soit la veille de la prise d’otages: «L’islam est la religion de paix, c’est pour cette raison que les musulmans se battent contre l’oppression et le terrorisme des Etats-Unis et de leurs alliés, y compris au Royaume-Uni et en Australie. […] Plus vous combattez le crime, plus vous êtes pacifique. L’islam veut la paix sur terre».
Julien Abi Ramia
Criminel de droit commun
Man Haron Monis était mis en cause pour 36 faits d’agressions et d’abus sexuels remontant à 2002, lorsqu’il se présentait comme un «guérisseur spirituel», un expert en astrologie, en numérologie, en méditation et en magie noire, selon le Sydney Morning Herald. Monis était par ailleurs soupçonné d’avoir instigué le meurtre de son ex-femme, en avril dernier. Noleen Hayson Pal, 30 ans, et mère de deux enfants, avait été retrouvée poignardée à Sydney, selon le Telegraph. Libéré sous caution, il attendait d’être jugé pour complicité de meurtre au moment de la prise d’otages.