Ils ont rejoint Wadih el-Safi. Sabah, Saïd Akl, Ounsi el-Hage et Nahawand ne sont plus. L’année 2014 est lourde pour le pays. Elle marque la fin d’une ère.
Tout, ou presque tout, a été dit sur Sabah. Tout et rien en même temps. Mais il est inconcevable que, pour nous Libanais, la mort de la Chahroura ne soit pas l’événement le plus marquant de cette année écoulée. Un événement à l’échelle populaire, nationale, régionale et internationale même. Et c’est essentiellement pour cette raison qu’on y revient encore une fois. Pour rendre un dernier hommage, pour dire un dernier adieu, à Sabah, mais aussi à Saïd Akl, décédé quelques jours plus tard, à Nahawand également, mais encore à Ounsi el-Hage, disparu au début de l’année.
De son vrai nom Jeannette Gergi Féghali, Sabah, née en 1927, débute sa carrière, dès 1940, tant en musique qu’au cinéma. Son répertoire comporte plus de 3 000 chansons et une cinquantaine d’albums. Elle chante notamment des airs traditionnels produits en grande partie par les Frères Rahbani ou des compositeurs égyptiens comme Baligh Hamdi et Mohammad Abdel-Wahab, qui la mènent à se produire dans les plus grandes salles du monde. Elle a tourné également dans près d’une centaine de films en compagnie de vedettes masculines égyptiennes comme Rouchdi Abaza, Ahmad Mazhar, Abdel-Halim Hafez, Farid Chaouki… Chevelure blonde platine, sourire toujours jeune et frais, la Sabouha a eu une vie personnelle tumultueuse, avec huit mariages au compteur et une frénésie de chirurgie plastique. Affaiblie par la vie, Sabah s’éteint le 26 novembre, à l’âge de 87 ans. Le jour de ses funérailles, son souhait s’est réalisé, le pays était en deuil et en fête, en danse et en pleurs.
Deux jours plus tard, une autre mauvaise nouvelle secoue le pays et la Toile: le 28 novembre, le poète Saïd Akl décède, âgé de 102 ans. Figure emblématique de la libanité et de l’arabité, il n’a pas toujours fait l’unanimité quant à ses positions politiques durant la guerre libanaise. Mais au-delà de l’homme, c’est le poète qui restera toujours au cœur de ses écrits, ses recueils de poésie en langue arabe et française, à l’instar de Bint Yaftah (La fille de Jephté), Loubnan in haqa, Kitab el-ward (Le livre des roses), Kama al-aamida (Comme les colonnes)… Véritable personnage aux gestes étudiés, à la voix tonnante et aux cheveux blancs en bataille, il est le créateur d’un alphabet libanais en
37 caractères latins.
Plus tôt dans l’année, le 18 février plus exactement, la littérature arabe perdait un autre grand nom: Ounsi el-Hage, décédé à l’âge de 77 ans des suites d’un cancer. Penseur, journaliste et surtout poète, pionnier de la poésie arabe en prose, il a, à son actif, six recueils traduits en plusieurs langues.
Et la chanteuse Nahawand, de son vrai nom, Laure Abdallah Keyrouz, disparue, elle aussi, cette année, le jeudi 27 novembre, dans la discrétion et la subtilité, comme elle l’a été dans la vie et dans sa carrière.
Il était inconcevable, à l’heure des bilans en cette fin d’année, de ne pas se rappeler encore une fois, mais pas une dernière, ces grands noms du pays, autour desquels les mots et les paroles se sont étirés dans tous les sens. Adieu dans le silence, enfin, et que leurs œuvres restent impérissables. Le Liban tourne une page, toujours ancrée dans son passé.
Nayla Rached
Janvier
29 Mort du dessinateur français François Cavanna.
♦ Au 41e Festival international de la B.D. d’Angoulême, le prix du meilleur album, Fauve d’Or, est décerné à Come Prima d’Alfred.
Février
2 L’acteur US Philip Seymour Hoffman est retrouvé mort, ayant succombé à un mélange de drogues.
14 Le photographe US John Stanmeyer reçoit le World Press Photo pour Signal, montrant des migrants africains la nuit à Djibouti levant leurs téléphones portables pour capter un signal de la Somalie.
28 Triomphe écrasant de Guillaume Gallienne avec Les garçons et Guillaume, à table! qui remporte 5 trophées aux 39es Césars.
Mars
2 Aux 86es Oscars, Gravity remporte 7 prix dont celui du meilleur réalisateur à Alfonso Cuarón et 12 years a slave de Steve McQueen est sacré meilleur film de l’année.
31 Centenaire de la naissance du poète mexicain Octavio Paz.
Avril
21 Décès de Harry Koundakjian, alias «Harry the horse», un vétéran du photojournalisme, à 83 ans.
24 Tadeusz Rózewicz, un important poète polonais, décède à 92 ans.
30 3e Journée internationale de jazz aux quatre coins du monde, organisée par l’Unesco et le Thelonious Monk Institute of Jazz.
Mai
8 Centenaire de la naissance de Romain Gary, le seul écrivain à avoir reçu deux Goncourt, l’un sous la fausse identité d’Emile Ajar.
13 L’Américaine Joan Mitchell devient la peintre-femme la mieux cotée à une vente aux enchères; une toile sans titre datant de 1960 est vendue à 11 925 000 dollars chez Christie’s, à New York.
14 Le 67e Festival de Cannes ouvre ses portes pour accorder, au bout de dix jours, la Palme d’or à Winter Sleep du Turc Nuri Bilge Ceylan.
Juin
17 Grâce à une analyse d’imagerie infrarouge, découverte d’une peinture cachée sous La chambre bleue de Picasso peinte en 1901.
19 Décès du jazziste américain Horace Silver, à l’âge de 85 ans.
Juillet
29 Massive Attack dédie son concert à Byblos aux enfants palestiniens.
Août
11 Hollywood pleure la mort d’un de ses acteurs les plus rêveurs et les plus comiques, Robin Williams.
13 Lauren Bacall, icône du cinéma US, décède à 89 ans, victime d’un accident vasculaire cérébral.
19 Décès du poète et journaliste palestinien Samih el-Qassem.
Septembre
22 Le chanteur et compositeur canadien Leonard Cohen fête ses 80 ans avec la sortie d’un nouvel album Popular Problems.
Octobre
9 L’auteur français Patrick Modiano est récompensé par le prix Nobel de littérature.
Novembre
3 La romancière haïtienne Yanick Lahens reçoit le prix Femina pour son livre Bain de lune.
5 Le prix Goncourt attribué à Lydie Salvayre pour Pas pleurer, et le prix Renaudot revient à David Foenkinos pour Charlotte.
10 Sortie de l’album The Endless River sous le nom des Pink Floyd, après un silence de 20 ans.
19 Décès de Mike Nichols, réalisateur notamment de Who’s afraid of Virginia Wolf? qui a offert à Elisabeth Taylor l’Oscar de la meilleure actrice en 1966.
30 L’Egypte fait ses adieux à la romancière Radwa Ashour (La Trilogie de Grenade).
Décembre
2 Bicentenaire de la mort du Marquis de Sade.
Paco de Lucía
Sa guitare flamenca ne chantera plus
Il était considéré l’une des légendes vivantes de la guitare flamenca. Paco de Lucía est décédé, le 26 février, au Mexique, à 66 ans, d’une crise cardiaque. Originaire d’Algeciras, dans le sud de l’Espagne, de son vrai nom Francisco Sanchez Gomez, il porte l’âme vibrante de son pays: le flamenco. Cette musique qu’il a ouverte, tout au long de sa carrière, à un public aussi divers qu’international, qu’aux autres genres musicaux… métissant, explorant, expérimentant, sa guitare à portée de passion.
Alain Resnais
Le 7e art en deuil
Jusqu’au bout du chemin, il n’aura cessé de rêver et de produire. Au moment où son dernier film Aimer, boire et chanter était présenté en compétition officielle au festival de Berlin, Alain Resnais s’en est allé, le 1er mars, les semelles dans le vent, à 91 ans, après avoir longuement souffert de graves problèmes d’ossature. Il préparait déjà son prochain film, lui, l’éternel réalisateur de Hiroshima, mon amour, écrit par Marguerite Duras, et d’On connaît la chanson, grande figure de la Nouvelle Vague qui laisse un immense vide dans l’Hexagone.
Gabriel García Márquez
Le silence
Il n’est plus, Gabriel García Márquez, celui qui a écrit l’un des plus beaux romans d’amour de la littérature mondiale, le palpitant L’amour au temps du choléra. Mais il n’a pas que ce chef-d’œuvre, Cent ans de solitude, L’Automne du patriarche, Chronique d’une mort annoncée… Affectueusement surnommé «Gabo» dans toute l’Amérique latine, prix Nobel de littérature 1982, journaliste également, engagé, l’écrivain colombien s’est éteint à l’âge
de 87 ans, à son domicile de Mexico, le 17 avril. Il restera toujours
l’un des plus grands écrivains du XXe siècle.
Sade
Attaquer le Soleil
Tel est le titre de l’exposition inaugurée, le 14 octobre, au Musée d’Orsay, à Paris, à l’occasion du bicentenaire de la mort de l’écrivain, Donatien Alphonse François de Sade. Suivant Annie Le Brun, spécialiste du sulfureux Marquis et commissaire invitée, l’expo met en lumière la révolution de la représentation ouverte par les textes de l’écrivain. A travers des œuvres de Goya, Géricault, Ingres, Rops, Rodin, Picasso… l’exposition aborde les thèmes de la férocité et de la singularité du désir, de l’écart, de l’extrême, du bizarre et du monstrueux, du désir comme principe d’excès et de recomposition imaginaire du monde.