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Nº 2981 du vendredi 26 décembre 2014

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et le Hezbollah est existentiel»
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Antoine Haddad, secrétaire général du Renouveau démocratique. «L’enjeu en Syrie pour l’Iran 
et le Hezbollah est existentiel»

Dans son ouvrage Le cheminement de l’ingérence dans la crise syrienne, Antoine Haddad propose une lecture «objective mais pas neutre» de la situation en Syrie. Le Liban, dit-il, est au bord du gouffre à moins «qu’il n’y ait une prise de conscience» du Hezbollah ou qu’en raison d’une conjoncture régionale, l’Iran change de politique en Syrie. Interview.
 

Votre ouvrage, dites-vous, est objectif. Peut-on être objectif en parlant du conflit syrien lorsqu’on fait partie d’une coalition politique donnée, en l’occurrence le 14 mars?
Je ne vais pas me cacher derrière le fait que nous ne sommes pas formellement membres du 14 mars, parce qu’en fait, en ce qui concerne le conflit syrien, nous partageons les options de cette coalition. Etre objectif c’est essayer de faire prévaloir les faits et la logique, alors qu’être neutre est une affaire d’échelle de valeurs et nous ne lésinons pas avec celle-ci: un dictateur est un dictateur, une milice sur un sol étranger est une force d’ingérence et d’occupation. N’empêche que si l’opposition syrienne a ses points faibles, on la pointe du doigt également. Nous ne sommes pas les seuls à nuancer les choses, même les politologues les plus objectifs ne peuvent pas rester neutres devant les horreurs qui touchent à l’essence même de l’humanité et du droit international.

Vous liez la situation précaire du Liban à l’ingérence du Hezbollah en Syrie. N’est-ce pas simplifier les choses, alors que le pays était déjà enlisé dans des conflits interlibanais bien avant que la crise syrienne n’éclate?
De fait, le Liban souffrait de nombreuses défaillances structurelles sur le plan politique, ou en ce qui touche le tissu social. Mais l’ingérence du Hezbollah peut être qualifiée de tournant décisif dans le sens négatif du terme. Cela met le pays devant un défi sans précédent. Annuler les frontières entre deux entités inégales: le Hezbollah (la communauté chiite représente près d’un million des 4 millions de Libanais) s’ingère dans la guerre dans une Syrie en flammes avec ses 25 millions d’habitants dont au moins 20 millions sont des sunnites. La chute des frontières, quelle que soit la puissance du Hezb en termes d’organisation ou suprématie militaire, ne peut en aucun cas égaler la démographie syrienne, surtout à moyen et long terme. Or, malheureusement et d’après une première lecture même un peu hâtive, le conflit syrien ne trouvera pas de solution dans le proche avenir. Ce conflit qui, au départ, était une sorte d’une insurrection démocratique s’est transformé, grâce au machiavélisme du régime, de son allié russe et de son protecteur iranien  en un conflit armé d’abord doublé d’une guerre confessionnelle à forte dimension régionale et internationale. Les profondes divergences entre les agendas et les attentes locales, régionales et internationales ne laissent pas présager une issue simple ou proche de la situation qui, à juste titre, peut être comparée sous certains aspects avec la guerre d’Espagne qui a embrasé la péninsule pendant une décennie.

Vous ne parlez que des ingérences russo-iraniennes, les monarchies du Golfe et la Turquie ne se sont-elles pas pourtant également mêlées dans cette guerre?
Certainement. L’ingérence russe est plutôt diplomatique, mais elle paralyse le Conseil de sécurité et l’empêche  de prendre des mesures efficaces. Il existe aussi un grand appui financier et politique de la part des monarchies du Golfe et de la Turquie aux formations de l’opposition syrienne. Mais il faut distinguer entre actions et réactions et entre ingérences directes et appuis. L’Iran n’a peut-être pas de troupes sur le terrain, mais personne ne peut nier les liens organiques qui existent entre ce pays, le Hezb et les milices irakiennes en Syrie alors que, virtuellement, il n’y a aucun soldat turc ou arabe sur le terrain.

Quelles peuvent être les répercussions sur la situation libanaise?
La thèse principale de ce livre est qu’il existe un lien organique direct entre l’ingérence du Hezb en Syrie et le blocage constitutionnel au Liban. Ce n’est pas la première fois qu’il y a vacance au sommet de l’Etat mais, cette fois, c’est le poids de l’action du Hezbollah en Syrie qui pèse le plus sur la situation interne libanaise, le rôle régional du Hezb l’emportant largement sur son rôle interne et l’enjeu en Syrie pour l’Iran et le Hezbollah est devenu plus ou moins existentiel. Par ailleurs, le problème ne se limite pas à la présidence, il y a une désintégration lente mais assidue de l’ensemble de la structure étatique.

Propos recueillis par Danièle Gergès

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