L’année 2014 s’achève sur de dramatiques catastrophes dans le monde: crash d’avions, incendie de ferry, inondations et désastres de tous genres… et au Liban sur des relents de scandales qui fusent de partout. Le ministre de la Santé ayant ouvert la boîte de Pandore a donné le la à toutes les affaires jusqu’alors passées sous silence. De la qualité de notre nourriture, à celle de la pollution dont les cimenteries de Fattouche menacent Zahlé, en passant par les déchets non traités qui risquent d’envahir le territoire, notre qualité de vie est remise en question au quotidien.
A ce climat malsain, se greffe une ambiance qui, si elle ne porte pas atteinte directement à notre santé, n’en démolit pas moins notre moral. Car, malgré les efforts de tous: simples citoyens, centres commerciaux, banques d’affaires, municipalités… pour tenter de donner le change en décorant les rues de toutes les villes et les régions d’arbres rutilant de mille lumières et de guirlandes, le cœur n’y est pas.
A l’aube de cette nouvelle année marquée par le vide désespérant d’un palais présidentiel, d’une triste Place de l’Etoile qui voit et verra défiler les mêmes têtes, peut-être un peu plus grisonnantes au fil des mois, sinon des années, et que certains, dans un souci de sauvegarder leurs privilèges, en oublient ceux qui leur ont permis de les acquérir. L’action du gouvernement, malgré toute la bonne volonté de ses membres et, surtout de son chef, est bloquée faute d’entente sur de multiples dossiers. Il peine à redonner son vrai sens à la politique telle que définie par les plus grands politologues: «Assurer le bien-être des citoyens».
Quels souhaits peut-on faire pour l’année qui s’amorce? 2015 serait, à en croire les plus optimistes dont nous voudrions tant faire partie, l’année du dialogue. La commémoration de l’attentat qui a coûté la vie à Mohammad Chatah, celui qui, comme d’autres martyrs de ces deux dernières décennies, a été victime de sa tolérance, de sa modération et de son sens du dialogue, nous ramène brutalement à la réalité. Celle de la mission difficile, pour ne pas dire impossible, de réunir autour d’une table des politiciens aux idées radicalement contraires et aux intérêts propres diamétralement opposés.
La valse des émissaires, qui fait la «Une» des médias, aurait pu, en d’autres temps, redonner l’espoir d’un renouveau d’intérêt pour le pays du Cèdre, un pays qui se vide de ses forces vives cédant la place aux étrangers qui y trouvent refuge.
Les appels du patriarche maronite à la sagesse et à la conscience nationale tombent creux aux oreilles assourdies, par les ambitions démesurées, des principaux chefs des courants concernés. Pourtant, ceux que l’opinion publique qualifie, souvent à tort, de leaders politiques auraient les moyens de réaliser le redressement national à la seule condition de briser le carcan de leur désir du pouvoir dans sa définition la plus sordide. Il leur suffirait de renoncer à leurs egos et de réfléchir à leurs actes dont ils seront comptables aux yeux de l’opinion publique et qui, sans aucun doute, marqueront l’histoire qui n’en fera certainement pas des héros de la République. Mais que leur importe alors? Ils auront disparu laissant derrière eux un peuple en détresse et un pays dévasté.
Malgré ce sombre tableau, nous restons optimistes mais non naïfs. Peut-on encore faire confiance aux mêmes responsables toujours aussi irresponsables qui gèrent les affaires publiques? A ceux qui se veulent chantres de la démocratie et qui croient dur comme fer que se déclarer candidat suffit à forcer toutes les portes de Baabda? Faut-il attendre, comme certains le souhaitent, une élection présidentielle au suffrage universel, donc un changement de la Constitution, pour doter l’Etat d’un chef qui aura, de ce fait, perdu ses prérogatives déjà si sérieusement grignotées?
Nous continuerons à nous accrocher à ces impossibles dialogues entamés sur des conditions rédhibitoires. Nous n’avons, hélas, pas le choix. Et comme toujours, les prières s’intensifient appelant un miracle divin capable d’éclairer les esprits et de nous sortir de l’ornière. Tout alors ne serait pas perdu.
Mouna Béchara