Le raid aérien israélien de Qoneitra est un développement inhabituel qui vient briser la routine macabre de la guerre syrienne. Il peut être classé dans la catégorie des événements exceptionnels, dans la mesure où il pourrait avoir de graves conséquences géostratégiques, car il montre que le Hezbollah a étendu son champ d’action jusqu’au Golan occupé et parce qu’un général des Gardiens de la Révolution iraniens figure parmi les victimes. Sous l’emprise de considérations électorales, Benyamin Netanyahu n’a pas bien mesuré, sans doute, la portée géopolitique de ce raid. Pour en atténuer les conséquences, des «milieux sécuritaires» israéliens, s’adressant sous couvert d’anonymat à des agences de presse internationales, ont indiqué qu’Israël n’était pas au courant de la présence d’un officier iranien dans le convoi, ni de l’importance des cibles visées. Washington a, pour sa part, nié toute implication dans cette attaque, en affirmant n’avoir pas été informé au préalable des intentions de Tel-Aviv.
Ces précisions post-attaques s’expliquent par le fait qu’une action de ce type traduit normalement, de la part de celui qui l’a initiée – en l’occurrence Israël -, une volonté de modifier les règles du jeu. Une telle décision peut avoir des conséquences incalculables dans le cadre du conflit en Syrie, où les acteurs mènent un combat existentiel dans un contexte complexe, régi par de délicats équilibres.
Il est évident que l’Iran et le Hezbollah ne resteront pas passifs face à ce qu’ils interprètent comme une tentative de changer les règles du jeu. La riposte est donc inévitable, il y va non seulement de la crédibilité et de la réputation du Hezbollah, mais aussi des rapports de force sur le terrain syrien et, par conséquent, sur la scène régionale. Le parti avait d’ailleurs répliqué à des attaques de moindre envergure, comme le raid contre un convoi du Hezbollah à Janta, en février 2014, et l’assassinat du résistant Hassan Haïdar, à Adloun au Liban-Sud, en octobre de la même année. La riposte à ce meurtre, venue sous la forme d’une attaque à l’explosif contre un blindé israélien dans les fermes occupées de Chebaa, avait été revendiquée par sayyed Hassan Nasrallah en personne.
La riposte au raid de Qoneitra est inéluctable, mais elle sera étudiée, bien dosée et à la mesure de l’attaque israélienne. Le Hezbollah n’a pas l’habitude d’agir sous l’emprise de la colère, il l’a prouvé tout au long de son combat avec Israël. Même lorsque son commandant militaire suprême, Imad Moughnié, qui fait figure de légende, a été assassiné à Damas en 2008, il a gardé son sang-froid. Il ne prendra pas le risque de provoquer un conflit généralisé avec Israël au Liban, alors qu’une partie de ses effectifs est engagée en Syrie. Il ripostera dans le Golan, dans les fermes de Chebaa, à l’intérieur même d’Israël ou contre une cible inattendue, quelque part dans le monde.
C’est plutôt de Benyamin Netanyahu qu’il faut s’inquiéter. Les agissements du Premier ministre israélien sont empreints d’arrogance et d’irrationnel. On a vu comment il s’est imposé en invité indésirable lors de la manifestation de la République, en France, ou comme il a enfreint toutes les règles du protocole en omettant d’informer la Maison-Blanche de sa visite au Congrès américain, en février prochain. On a vu aussi qu’il n’hésitait pas à entraîner son pays dans la guerre, sans avoir défini au préalable des objectifs bien précis, comme cela s’est passé à Gaza, l’été dernier.
Paul Khalifeh