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Nº 2987 du vendredi 6 février 2015

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Attentat de Damas. Al-Nosra élargit le champ de bataille

L’attentat ayant frappé Damas, le 1er février, s’inscrit dans la lutte sans merci à laquelle se livrent le Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda, et le Hezbollah libanais.
 

Le dimanche 1er février, un attentat secoue le secteur du vieux souk Hamidié à Damas. Neuf personnes sont tuées sur-le-champ, dont six Libanais, alors que vingt-deux autres sont blessées. Trois corps déchiquetés sont retrouvés sur le site de l’attentat. Tous voyageaient à bord d’un bus transportant des pèlerins chiites à destination des sites religieux dans la région de Damas.
Cette attaque, revendiquée par le Front al-Nosra, est l’œuvre d’un kamikaze, selon l’agence de presse gouvernementale syrienne, Sana. Information confirmée par al-Nosra. Le kamikaze serait Abou Ezz el-Ansari, un citoyen saoudien. Une deuxième bombe avait été désamorcée par des artificiers, selon Sana.
«Cet attentat s’inscrit dans l’une des nombreuses phases de la guerre civile syrienne qui se prolonge. Ce fut d’abord les attentats frappant Dahié et les intérêts du Hezbollah. Ce n’est pas la première fois que des pèlerins chiites sont attaqués tant à Anbar en Irak qu’à Aazaz en Syrie», souligne le journaliste Hazem el-Amine, un expert des mouvances islamistes.
En mai 2012, trois pèlerins libanais chiites avaient été assassinés et dix autres blessés dans l’explosion d’une bombe au passage de leur bus dans la zone de Khamsat Kilo, à l’ouest de Ramadi, capitale de la province majoritairement sunnite d’Anbar. Le 22 mai 2012, onze Libanais rentrant d’un pèlerinage en Irak sont enlevés près d’Aazaz, au nord d’Alep, et libérés plusieurs mois plus tard.
Selon le responsable de l’agence libanaise organisatrice du voyage des pèlerins, Fadi Kheireddine, le bus avait fait une première escale au tombeau de Sayyida Roqaya, vénérée par les chiites et devait se rendre à celui de Sayyida Zeinab, au sud-est de Damas. L’explosion s’est produite près du premier lieu de pèlerinage, à proximité de la mosquée des Omeyades.
«C’était assez facile de cibler le bus dont le parcours était programmé à l’avance, d’autant plus que les mesures sécuritaires sont moins strictes qu’au Liban, notamment dans ce quartier populaire de Damas», précise un officier de l’Armée libanaise, ayant combattu les mouvances terroristes au Liban et s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Selon Kheireddine, son agence, située dans la banlieue sud de Beyrouth, organisait tous les dimanches un voyage d’un jour en Syrie, malgré la guerre qui y sévissait.

 

Frappes d’«opportunités»
«Le Front al-Nosra cherche à frapper le Hezbollah, ainsi que sa base populaire quel que soit l’endroit où il a la possibilité de le faire. Il a de plus en plus de difficultés à cibler ses régions, bien que de nouvelles attaques soient tout à fait probables dans le cas d’une brèche sécuritaire. Il devra donc avoir recours à des frappes dites d’opportunités, ajoute l’officier libanais.
Le Front al-Nosra avait affirmé sur son compte Twitter avoir mené l’attaque de Damas dans le but de «venger» les sunnites en Syrie et en Irak. «Un des héros du Front al-Nosra, ayant pu entrer dans un bus, transportant un grand nombre de chiites venant de la banlieue sud de Beyrouth, a provoqué la détonation de sa ceinture d’explosifs au milieu du groupe», a-t-il expliqué. «Notre frère Abou el-Ezz el-Ansari est entré dans un bus de «rafidites» (terme péjoratif désignant les chiites) dans le centre de Damas et a actionné sa ceinture d’explosifs», a indiqué le front sur un compte Twitter proche du groupe jihadiste, ajoutant que les tués et les blessés faisaient partie de «Halech» (surnom péjoratif attribué au Hezbollah et construit sur un jeu de mots à partir de «Daech») l’organisation de l’Etat islamique, rivale du parti de Dieu et du «Hezbollah».
Le Front al-Nosra a averti que les attaques (du Hezbollah) contre le peuple (syrien) ne resteraient pas impunies.
L’attentat perpétré par le Front al-Nosra fait suite au discours du leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, selon lequel Israël coopérerait avec le Front al-Nosra, alors que des milliers de ses combattants se trouveraient sur le plateau du Golan. «Cette présence ne semble pas inquiéter Israël, dit-il. Au contraire, le Premier ministre Benyamin Netanyahu et le ministre de la Défense Moshé Yaalon couvrent cette présence», a affirmé Nasrallah. «Les groupes takfiristes sont les alliés de l’ennemi israélien. Il s’agit d’une nouvelle armée de Lahad syrienne (en référence à l’armée d’Antoine Lahad, alliée d’Israël, au Liban-Sud), même si elle brandit la bannière de l’islam», a-t-il ajouté, soulignant que Netanyahu rendait régulièrement visite aux blessés d’al-Nosra.

 

Des régions vulnérables
L’officier de l’Armée libanaise s’attend à plus d’attentats loin des lignes de démarcation traditionnelles et des régions où les communautés sont relativement homogènes comme la banlieue sud ou dans la Békaa, là où les mesures sécuritaires sont beaucoup plus drastiques. «Certaines régions comme les secteurs mixtes de Beyrouth, la région de Jbeil et de Tripoli sont plus vulnérables que d’autres», ajoute l’officier libanais qui met en garde contre l’ouverture d’un nouveau front par al-Nosra, loin de celui de Ersal à l’est du pays, dans le secteur de Chebaa, au Sud. «Une telle décision nécessite toutefois un accord tacite impliquant plusieurs puissances régionales», dit-il.
La semaine dernière, l’Armée libanaise avait repoussé une tentative d’infiltration des jihadistes au niveau de la colline de Tallet el-Hamra, toujours dans le jurd de Ras Baalbeck. «Le Liban se fond désormais dans le théâtre militaire qui comprend la Syrie et l’Irak», précise Amine.

Mona Alami

Rapatriement
L’agence libanaise qui a organisé le pèlerinage à Damas, «la campagne des amoureux de Hussein» a confirmé, dans un communiqué, la mort de six Libanais: Ali Abbas Blok, Mohammad Ahmad Moqdad, le cheikh Mahdi Youssef Moqdad, Kassem Hatoum, Chadi Houmani et Mohammad Hassan Ayoub. Les Libanais blessés ont été acheminés vers les hôpitaux de Bahman et du Rassoul el-A’zam. Seuls deux d’entre eux, Ramzi Hamzé et Hassan Salamé, sont restés à Damas où ils devaient subir des opérations chirurgicales. D’autres Libanais, rescapés de l’attentat, sont arrivés dans les locaux de Moucharrafié, alors que la tristesse et la colère régnaient dans les régions où résident les familles des victimes.

Les réactions libanaises
L’attentat de Damas a suscité de multiples réactions au Liban de part et d’autre du paysage politique, selon des articles repris dans les médias. Ainsi, le chef du Bloc du Futur, l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, a condamné «un acte criminel et terroriste qui vise l’humanité», ajoutant «ceux qui l’ont planifié et mis à exécution sont des terroristes et des criminels servant les intérêts du régime syrien et des ennemis de la Syrie, de l’islam et des Arabes». Le Hezbollah a dénoncé, dans un communiqué, «l’attaque terroriste perpétrée par des criminels takfiristes à Damas». Cette attaque constitue une preuve de la barbarie de ces terroristes qui servent l’entité sioniste à travers leurs actes criminels et exécutent le plan visant à l’effritement de notre nation», a-t-il souligné. Le ministre des Travaux publics et des Transports, Ghazi Zeaïter, le député Robert Ghanem et le mufti de la République, le cheikh Abdel-Latif Derian, ont tous trois déclaré que l’attentat de Damas était contraire à «tous les principes religieux et humains, ainsi qu’aux enseignements religieux». «Le terrorisme et les actes criminels contre des civils ne correspondent pas aux préceptes de la religion musulmane», a déclaré le cheikh Derian. Le secrétariat du 14  mars a jugé, de son côté, nécessaire de «multiplier les efforts pour protéger le Liban des remous qui se produisent dans la région, laquelle s’achemine de jour en jour vers une guerre confessionnelle dont la responsabilité incombe principalement au Hezbollah».

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