Gestion gouvernementale collective
L’action gouvernementale reflète la tendance à une gestion collective des affaires politiques, sécuritaires et économiques à travers le Conseil des ministres qui agit comme un Conseil présidentiel dirigeant le pays à l’unanimité. Il faudrait, à cet égard, souligner deux points. D’abord, la gestion collective a conféré à certaines forces politiques la possibilité de participer à la prise de décision, ce qui les encourage à vouloir consolider le statu quo. Ensuite, les affaires relatives à la Défense, aux Affaires étrangères et à la sécurité restent sous l’emprise du Hezbollah, malgré les apparences. Tout cela a affaibli les appels à combler le vide présidentiel, puisque les institutions constitutionnelles fonctionnent selon un mécanisme agréé conformément aux lois en vigueur.
De Qoneitra à Chebaa
La présence du Hezbollah sur la scène de Qoneitra est encore plus impérieuse après la dernière opération israélienne. La Résistance avait pressenti que les facilités accordées par l’armée israélienne au Front al-Nosra, pour l’aider à contrôler 80% des bases de l’armée syrienne tout le long du front, visaient à encercler le Hezbollah à travers le triangle syro-palestino-libanais. C’est pour cela que la décision a été prise de charger un groupe des cadres du parti, dont certains sont tombés à Qoneitra, de préparer une opération qualitative afin de disloquer la zone tampon qu’al-Nosra essaie d’implanter sur le terrain. Tel-Aviv a pris en charge la mission de soutenir l’opposition syrienne à partir de Qoneitra afin de dominer le sud de Damas et d’assiéger la capitale, ce qui aurait sapé les avancées réalisées par la Résistance dans cette zone. En attaquant les cadres du parti chiite et l’officier iranien à Qoneitra, l’Etat hébreu a voulu protéger son intervention dans cette région après avoir senti que le Hezbollah avait réussi à y freiner l’expansion d’al-Nosra. C’est pourquoi la réponse est partie des fermes de Chebaa, dans le but de transmettre le message suivant: les tentatives israéliennes de dissocier les événements de Syrie des autres fronts lui coûteront cher dorénavant.
Tammam Salam, le meilleur choix
Un politique expérimenté estime que le président Tammam Salam est dans une situation peu enviable, victime des tiraillements et des intérêts politiques, d’un côté, et sous l’influence des ex-présidents Saad Hariri et Fouad Siniora, de l’autre. Mais malgré tout, il est préférable qu’il reste à la tête du cabinet étant la personnalité la plus adaptée à l’étape actuelle. Le retour de Saad Hariri au Sérail n’est pas indiqué en ce moment, vu qu’il sera soumis aux pressions et au chantage du Hezbollah. Par ailleurs, envisager un autre candidat du Moustaqbal à la tête du gouvernement ouvrira la voie à la concurrence et aux tiraillements entre les trois faucons: Fouad Siniora, Nouhad Machnouk et Achraf Rifi.
Gemayel attiré par le centrisme
Le président Amine Gemayel souhaite établir le dialogue avec le Hezbollah pour plusieurs raisons. Premièrement, il aspire à la présidence et se présente en candidat consensuel capable d’attirer la voix chiite la plus en vue. Deuxièmement, sa lecture de la conjoncture libanaise et syrienne a changé après l’apparition de Daech. Gemayel estime que le danger imminent et existentiel vient de l’Etat islamique (EI), un développement qui met tout le monde dans une même tranchée pour mener une même bataille contre le terrorisme et le radicalisme. C’est pourquoi il ne voit pas d’inconvénient à la coopération sécuritaire entre le Hezbollah et l’Armée libanaise, et entre le Liban et la Syrie dans des cas bien précis.
Amine Gemayel, selon des sources du 8 mars, a suivi les pas de Walid Joumblatt. Il s’est éloigné du 14 mars, s’est rapproché du Hezbollah et s’est positionné au centre… Mais ses calculs en matière de présidentielle sont faux. Le parti chiite apprécie sa modération et son ouverture, mais ne le classe pas parmi les candidats consensuels. Ses positions sont excellentes mais insuffisantes, elles ont besoin d’être traduites par des initiatives concrètes et par un désengagement de la coalition du 14 mars, estiment-elles.
Chebaa et la 1701
Le président Nabih Berry développe la thèse selon laquelle l’opération exécutée par le Hezbollah dans les fermes de Chebaa ne constitue pas une violation de la résolution 1701. Les fermes de Chebaa, explique-t-il, se situent sur un territoire libanais occupé et la 1701 ne l’englobe pas. Les opérations de résistance y sont donc légitimes. D’un autre côté, du point de vue israélien, ces fermes font partie du territoire syrien. «Si nous adoptons cette logique, l’agression du convoi du Hezbollah a eu lieu sur une terre syrienne (Qoneitra) et la réponse a aussi eu lieu en territoire syrien (fermes de Chebaa)».
Anti-Liban: le front se rallume
L’Armée libanaise a intensifié les mesures prises tout le long de la frontière libano-syrienne adjacente aux villages de l’Anti-Liban allant de Anjar en passant par Kfarzabad, Qoussaya, Deir el-Ghazal et Ra’it. La troupe a également demandé aux réfugiés syriens de cette région de se déplacer vers des zones plus éloignées de la frontière. La hausse du niveau de mobilisation militaire a été confirmée par des sources sécuritaires qui expliquent que «les données géographiques, sécuritaires et militaires indiquent que cette région frontalière constitue un grand poids pour l’armée syrienne qui ne permettra pas que celle-ci tombe entre les mains de n’importe lequel des groupes armés qui ne disposent pas, en tout cas, des moyens nécessaires pour faire face à l’attroupement des forces syriennes régulières dans cette zone qui abrite le seul point de passage sécurisé pour le régime». La défaite que les combattants de Daech ont essuyée lors de l’attaque de Tallet el-Hamra ne signifie pas que les affrontements vont s’arrêter. Les informations détenues par les organes sécuritaires prévoient que les assauts peuvent reprendre à tout moment sur l’axe Ras Baalbeck-Qaa.
Plan de sécurité à Beyrouth
La délégation du Moustaqbal aurait évoqué, dans le cadre du dialogue de Aïn el-Tiné, la nécessité d’adopter des mesures concrètes visant à une amélioration sensible sur le terrain dans le sens de l’application d’un plan de sécurité à Beyrouth, allant plus loin que l’élimination des calicots et des portraits partisans, et de la concrétisation du plan établi pour le nord de la Békaa. L’idée est de dissocier la situation sécuritaire à l’intérieur de la Békaa de la conjoncture aux frontières, c’est-à-dire ne pas relier Brital à Ersal.
Les sources qui accompagnent le dialogue pensent que le Hezbollah est disposé à écouter les doléances et les remarques du Moustaqbal, mais dans les limites de l’écoute et de la demande d’éclaircissements, sans pour autant les traduire en un sujet d’entente. Le parti de Nasrallah ne compte pas faire de concessions sur les affaires fondamentales ou donner des indices de faiblesse ou de repli… Tout ce qu’il souhaite offrir ce sont des avancées en matière d’apaisement des esprits, de construction de la confiance… allant du plan de «nettoyage de Beyrouth» au sens politique, jusqu’à la consolidation du plan de sécurité et de l’autorité de l’Etat dans la Békaa.
Hariri veut tout dire
L’ex-Premier ministre Saad Hariri s’est drapé dans le silence face aux derniers développements sécuritaires et politiques, allant de l’opération de Chebaa jusqu’aux positions des pôles du Moustaqbal à l’égard du Hezbollah. La raison principale de ce mutisme est qu’il compte définir ses options en une seule fois dans le cadre du discours qu’il prononcera le 14 février, à l’occasion de la dixième commémoration de l’assassinat du président Rafic Hariri. Les conseillers de Saad Hariri s’appliquent à peaufiner le texte qui, contrairement au dialogue de Aïn el-Tiné, n’ignorera pas les sujets cruciaux de divergence (le tribunal international, la crise syrienne, le rôle du Hezbollah…). Mais même s’il hausse la barre, ce qui est compréhensible à cette occasion, cela n’aura pas d’incidence sur le dialogue qui se poursuivra.
Chebaa: le général Michel Aoun a vu juste
Le général Michel Aoun avait prévu que la réponse du Hezbollah à l’opération de Qoneitra aurait lieu avant le discours programmé de sayyed Hassan Nasrallah, le 30 janvier passé. Des milieux médiatiques proches du parti chiite assurent, après avoir rencontré le chef du CPL, que ce dernier était sûr qu’après l’attaque contre les soldats de l’armée israélienne à Chebaa, les autorités de l’Etat hébreu n’allaient pas réagir parce qu’elles ne détiennent pas le pouvoir de décision en la matière. Aoun, qui a qualifié cette opération de «réussie», était parfaitement conscient que les Américains ne couvriront pas le Premier ministre Benyamin Netanyahu s’il s’engageait dans une aventure militaire, et cela pour des raisons d’ordre électoral. Le leader libanais était confiant dans la capacité de discernement du commandement de la Résistance qui a choisi un lieu qui ne pouvait pas servir de prétexte aux défenseurs de la 1701. Le ministre Gebran Bassil a été informé des réalités de l’opération après son exécution par le responsable du Hezbollah, hajj Wafic Safa, qui lui a téléphoné. Le ministre des Affaires étrangères ayant été envahi par les coups de fil d’un nombre d’ambassadeurs qui cherchaient à en savoir plus sur cette attaque.
Siniora contrôle Dar el-Fatwa
Le président Fouad Siniora a finalement réussi à gagner la bataille de Dar el-Fatwa contre le camp du 8 mars, selon des sources beyrouthines concernées. Il se prépare à éliminer ce camp par le biais d’un projet d’amendement de l’assemblée électorale du Conseil supérieur chérié de la communauté sunnite. Ce projet vise à réduire le nombre de personnalités, fonctionnaires, imams et cheikhs ayant le droit de participer à l’élection du mufti de la République, ce qui aura des incidences au plan politique. Seront ainsi rayés de la liste de Beyrouth les cheikhs relevant des Ahbache, tout comme ceux issus de l’école du cheikh Abdel-Nasser Jabri du Front d’action islamique proche de l’Iran. Le même sort sera réservé aux cheikhs diplômés de l’université al-Janane, fondée par le cheikh Fathi Yakan à Tripoli quelques années avant sa mort. Du côté du Nord, le nombre d’hommes de religion qui perdront le droit de vote est grand, la majorité d’entre eux étant proches du président Najib Mikati ou de l’ex-ministre Mohammad Safadi. Ce même droit, à Saïda, ne sera accordé qu’à trois cheikhs, alors que vingt-sept en seront privés. Quant à la Jamaa islamia, elle essaie à travers des négociations avec le président Siniora et la députée Bahia Hariri d’obtenir que les dignitaires des Ikhwan ne soient pas touchés par cet amendement.
Réfugiés: l’Etat prend la main
Le ministre Rachid Derbas a joué un rôle crucial dans la mise en place du «plan de réponse à la crise» qui définit les engagements du gouvernement libanais à l’égard des réfugiés syriens pour les années 2015-2016. Une source internationale estime que ce plan, dont l’objectif est d’assurer une certaine stabilité intérieure, conjugue deux dimensions, à caractère humanitaire pour les réfugiés, et social pour les Libanais dans le besoin. C’est Derbas lui même qui a conçu cet aspect essentiel du plan, explique la source, et qui a remis la gestion de ce dossier entre les mains des autorités libanaises qui en avaient été délestées par les institutions internationales, notamment le HCR. Ces institutions agissaient, ces derniers temps, comme des bailleurs de fonds, alors que leur mission consiste à distribuer les subventions. Certains de leurs agents ont même adopté une attitude peu courtoise envers les représentants libanais lors des réunions de coordination, protestant contre certaines demandes, d’ordre purement bureaucratique, des administrations publiques libanaises. Les six prochains mois constitueront une période de test pour l’application du plan Derbas.
Chaleurs d’avril dans le Qalamoun
Les armes françaises destinées à l’Armée libanaise ne seront pas livrées au Liban avant le mois d’avril prochain, dit-on. «Ce mois sera chaud sur les fronts des montagnes de Qalamoun-Ersal, assure un expert militaire, les groupes terroristes profiteront de la fonte des neiges et du climat printanier pour se procurer armes et munitions et consolider leurs positions». Critiquant le retard accusé dans la livraison des armes à la troupe, l’expert rappelle que les bandes terroristes sur le front du Qalamoun détiennent des missiles manuels et téléguidés et différents types de mitrailleuses lourdes. Des sources ont remarqué, par ailleurs, que les combattants takfiristes utilisent de plus en plus dans le Qalamoun des mitrailleuses lourdes de calibre 12,7 ou 14,5 ou, encore, 23 mm. Ils possèdent aussi des systèmes de DCA de calibre 57, dont le déplacement doit se faire dans de gros camions sur lesquels ils avaient mis la main à l’aéroport de Daba’a près de Qoussair en 2013. Dans leur arsenal également, des missiles téléguidés antichars de type Fagot, Kornet, Concors et Malotka…