Insomnie, tensions musculaires, angoisses, anxiété, panique… De nombreuses personnes, de tous les âges et de tous les milieux, souffrent de ces maux. Les facteurs mis en cause sont les crises sous toutes leurs formes, politiques, économiques, sociales, familiales, existentielles… Pour échapper à leurs démons, ces personnes versent dans la surconsommation de tranquillisants et d’anxiolytiques au risque de le payer très cher. Attention, danger!
Marwa a 28 ans. Elle travaille dans la publicité. Elle vient d’un milieu favorisé et «tout roule sur le plan professionnel et familial», comme elle le dit. Il y a trois ans, elle a vécu une séparation amoureuse qui l’a anéantie. Elle n’arrivait plus à dormir. Elle a perdu des kilos. Elle déprimait et ne voyait plus ses amis. Une collègue lui conseille de prendre un anxiolytique. «J’étais si désespérée que j’ai suivi son conseil. Tout a commencé à aller mieux. Au fil des jours, la vie reprenait son cours. Et ces pilules sont devenues mes béquilles mentales. Le seul hic, je n’arrive pas à m’en débarrasser. Je crains tellement de replonger dans mes douleurs que je ne fais même pas l’effort nécessaire pour m’en sortir».
Samir est un homme d’affaires accro aux tranquillisants. «J’ai tant de choses auxquelles réfléchir que quand je pose la tête sur l’oreiller, impossible de fermer l’œil. Je me tourne et retourne sans cesse dans mon lit et cela me rend très nerveux pendant la journée. Mon médecin m’a prescrit un calmant que je prends tous les soirs depuis quatre ans. J’arrive, depuis, à dormir au moins six heures de suite. Je ne renoncerai à ce médicament pour rien au monde. Je suis au courant des méfaits qui peuvent survenir à long terme. J’avoue d’ailleurs que j’ai des pertes de mémoire passagères dues à la prise de ces anxiolytiques, mais je ne peux pas m’en passer. C’est aussi simple que ça».
Des effets indésirables
La prise de psychotropes touche désormais de plein fouet toutes les tranches de la société libanaise sans discernement. Les tranquillisants et les anxiolytiques font partie de la famille des benzodiazépines, des molécules qui agissent sur le système nerveux central et qui ont des propriétés anxiolytiques, hypnotiques et myorelaxantes. Elles sont essentiellement prescrites pour traiter l’anxiété et les troubles du sommeil. Les tranquillisants appartiennent à deux classes, selon leurs effets. Il y a les anxiolytiques qui réduisent le niveau d’angoisse et les manifestations de l’anxiété sous toutes ses formes et les sédatifs, qui calment l’agitation et portent au sommeil. On les distingue selon leur rapidité et leur durée d’action qui peut aller de cinq à trente heures. Ils sont indiqués dans les situations suivantes: tous les états anxieux, les crises d’angoisse, de panique, l’anxiété généralisée, les troubles de sommeil… Mais ce que les personnes qui ont recours à ce genre de pilules pour calmer leur mal-être ne savent pas, ou préfèrent ignorer, c’est que leurs effets indésirables doivent être pris au sérieux. Il s’agit de troubles de la mémoire, mais surtout des états de dépendance, qui imposent une prescription à durée déterminée et un sevrage progressif. La diminution du tonus musculaire fait craindre des chutes chez les personnes âgées. Le danger réside dans la banalisation de la prise de ces familles de médicaments. Plutôt que de supporter leur anxiété ou de leur trouver des remèdes naturels adéquats, les gens sont convaincus que dès qu’une petite pilule est avalée, tous les symptômes de malaise disparaissent. D’autant plus que la «nouvelle génération de médicaments» comporte de moins en moins d’effets indésirables, selon eux. Faux. Si sur le plan physique, la tolérance est meilleure, les répercussions psychiques doivent être prises au sérieux, ainsi que l’état de dépendance qui s’installe.
La dépendance aux anxiolytiques
Le temps que prend le corps pour développer une dépendance physique pour une benzodiazépine donnée peut varier selon: la dose que vous prenez, la régularité avec laquelle vous consommez votre dose et, le plus important, la chimie de votre corps. On rapporte des cas de personnes devenues dépendantes en seulement quatorze jours en prenant des doses thérapeutiques. La probabilité que vous développiez une dépendance est importante: 50% si vous consommez une benzodiazépine quotidiennement depuis six mois. Après une année de consommation continue, il est fort probable que vous ayez développé une dépendance. Bernard Bégaud, pharmacologue et épidémiologiste, vient de livrer les résultats d’une étude au long cours: la consommation chronique d’anxiolytiques et de somnifères à base de benzodiazépine, comme le Stilnox, le Xanax, le Valium, le Lexomil, le Mogadon, le Myolastan, Nordaz, Tranxène, Seresta, Témesta, Imovane, etc. augmenterait de 20 à 50% le risque de développer la maladie d’Alzheimer.
Vous pouvez remplacer la prise de ces pilules par des exercices de respiration, par exemple, qui pourront calmer rapidement votre anxiété. Asseyez-vous et inspirez lentement en laissant votre ventre se gonfler (vous pouvez mettre la main dessus pour sentir le mouvement) et en évitant de lever les épaules. Retenez votre souffle quatre ou cinq secondes, puis expirez lentement. Répétez jusqu’à ce que le calme revienne. Les boissons chaudes sont également recommandées. Des tisanes aux herbes, mais aussi un verre de lait chaud. C’est un vieux remède populaire pour combattre l’insomnie. Le lait contient du tryptophane, un acide aminé nécessaire à la production de sérotonine, neurotransmetteur chimique apportant un sentiment de bien-être. Le sport sous toutes ses formes est excellent pour soulager l’anxiété. Une marche rapide de trente minutes favorise la libération d’endorphines, substances chimiques qui bloquent la douleur et améliorent l’humeur. Sans oublier le yoga, source de quiétude et de «zénitude», la natation, le sport en salle, la pratique de la méditation à raison de quelques séances par jour, d’une durée de 15 minutes chacune, une méditation classique, la prière, le soin des fleurs, la contemplation du chat en train de se laver… Peu importe la forme que cet exercice prend, il vous obligera à vous concentrer sur le moment présent et distraira votre esprit des autres préoccupations.
Danièle Gergès
Sachez-le
Au Liban, selon les sources de l’Ordre des pharmaciens, une personne sur quatre prend ce type de médicaments et les femmes sont plus concernées que les hommes. Malgré le fait que les pharmacies ne délivrent plus ces pilules sans prescription médicale et ce, à la demande de l’ordre, les médecins ont tendance à les prescrire facilement sur insistance du patient, sans s’assurer de leur nécessité.
120 millions de boîtes de tranquillisants et d’anxiolytiques sont vendues chaque année en France, ce pays restant le premier consommateur au monde. Après les événements de Charlie Hebdo et la montée du terrorisme, les Français ont augmenté leur prise d’anxiolytiques de 18%, selon des sources gouvernementales sanitaires.