Publié aux éditions de La Revue phénicienne, Snow on the barbecue and other wonders of everyday life in Lebanon, de Nancy Chedid raconte, en anglais, une année de vie au Liban d’une veuve américaine et de ses enfants.
«Laissez-moi vous raconter mes aventures, l’imprévisible et le banal, l’incompréhensible et l’inspirant, durant ma première année au Liban. Mais rappelez-vous que mon histoire n’est qu’une parmi des millions d’autres dans ce pays à la diversité exceptionnelle». Par ces mots tirés du prologue, Nancy Chedid donne le ton de son ouvrage récemment publié aux éditions de La Revue phénicienne, Snow on the barbecue and other wonders of everyday life in Lebanon.
Nancy Chedid est née à New York, mais son défunt mari est d’origine libanaise, même s’il avait la nationalité américaine. Ils vivaient ensemble avec leurs trois fils à Boston quand la maladie s’est déclarée. «Mon mari, écrit-elle, a senti qu’il n’avait plus longtemps à vivre. ‘‘Nan, me dit-il, si quelque chose devait m’arriver, je voudrais que tu prennes les enfants et que vous viviez avec ma famille au Liban’’». Une promesse, une promesse «sacrée», une promesse tenue, et c’est sans doute à son défunt mari que Nancy Chedid dédie ce livre. «Mon âme est illuminée de souvenirs de toi».
La vie s’installe
Décliné en douze chapitres accompagnés de photographies en couleurs, le livre s’ouvre sur une scène typiquement libanaise, ou du moins perçue comme telle dans les souvenirs éloignés des bancs scolaires, issue du cœur des montagnes: la production du plat traditionnel qu’est le kishik. Immédiatement, le lecteur, surtout libanais, ressent la crainte d’un déroulement successif d’histoires clichés pour montrer la fascination usée qu’exercent ces pratiques ancestrales du pays sur les étrangers. Une crainte qui avait déjà été perçue dès les premières lignes du livre, du prologue même, emmêlant les cimes enneigées des montagnes aux plages bercées de soleil, le son des cloches à l’appel du muezzin et aux nuits beyrouthines scintillantes!
Mais, progressivement, la vie s’installe, au rythme du quotidien, au détour des mots. La fascination et l’étrangeté premières du lieu s’estompent, fort heureusement, pour laisser la place à un rythme journalier, pétri de scènes pittoresques, de découvertes humaines, d’humour, d’ironie, guidé toujours par un œil nouveau, saisissant tous les détails et les bizarreries des habitants. Les histoires se déroulent, compilées avec minutie et attention, comme dans les pages intimes d’un journal, par peur de les oublier avec le temps ou de voir s’évanouir les impressions ressenties au moment même. Vivant à Jbeil, Nancy Chedid raconte son expédition à Tannourine et la première rencontre avec la neige, ses premières expériences avec les feux d’artifice et les habitudes qui en découlent entre ciel illuminé et vacarme, la familiarisation avec le concept de «mahal», de «subermarket» du coin, la lettre «p» n’existant pas en arabe, les cours de guitare de son fils et toutes les aventures hospitalières et chaleureuses qui peuvent survenir en route. «Maman, demande-t-il, penses-tu qu’une telle chose aurait pu arriver aux Etats-Unis?». Avant que j’aie pu composer une réponse logique, celle-là est sortie du cœur: «Chéri, je pense que cela n’aurait pas pu avoir lieu n’importe où ailleurs».
Avec tendresse et espièglerie, elle effeuille sa vie au Liban, la vie de ceux qui l’entourent, qu’elle croise en chemin ou qu’elle se contente d’apercevoir. Parmi les scènes les plus décapantes et réalistes à la fois, celle où le balcon se transforme en siège de théâtre pour ausculter le va-et-vient des passants ou les habitudes des voisins d’en face, ou cet autre chapitre qui narre le combat du citoyen, durant des jours et des semaines, autour de l’eau, la pénurie d’eau, les citernes, les démarches auprès de la municipalité… une entrée de plain-pied dans la vie quotidienne qui renvoie le lecteur d’un coup à toutes ces heures perdues pour assurer le minimum vital… La vie s’installe et continue, épicée toujours par les découvertes d’une nouvelle vie. Jusqu’à quand? Nancy Chedid est consciente de ce délai dès le début: «Et j’espère que je me rappellerai de ces jours resplendissants parce que, avec le temps, toutes ces merveilles autour de moi seraient cachées par le manteau de la familiarité. De cela, je suis certaine… Mais je peux me tromper…».
Nayla Rached
Bio en bref
Nancy Chedid, médecin, musicienne, pédagogue, environnementaliste et écrivaine, a contribué à The Boston Globe et diverses autres publications scientifiques. Son fils aîné, Georges, fraîchement sorti de l’école secondaire, a fourni plusieurs des photographies qui illustrent ce livre.