Magazine Le Mensuel

Nº 2990 du vendredi 27 février 2015

POLITIQUE

Dialogue CPL-FL. Aoun est le problème et la solution

Le dialogue ouvert entre les Forces libanaises et le Courant patriotique libre avance lentement, mais sur des bases qui semblent solides. Les milieux politiques et diplomatiques le suivent avec beaucoup d’intérêt, autant que les Libanais et, plus particulièrement, les chrétiens.

Pour la première fois, la rencontre entre les deux principaux partis chrétiens a lieu en dehors de leurs alliés respectifs. L’évolution de cette démarche peut partiellement modifier la situation ou provoquer un changement et une nouvelle dynamique dans le tableau politique.
Ce dialogue peut ouvrir une brèche en direction de l’échéance présidentielle qui se trouve dans l’impasse. S’il existe une possibilité d’arriver à l’élection d’un chef d’Etat, elle ne peut l’être qu’à travers l’entente chrétienne. Comme le préconisent à l’extérieur l’Iran et l’Arabie saoudite, et à l’intérieur Nabih Berry et Saad Hariri, qui ont tous mis l’accent sur l’importance d’un accord des leaders chrétiens.
Le dialogue Aoun-Geagea fait le pendant à celui du Futur et du Hezbollah qui, sur la question de la présidence, semble compléter le dialogue chrétien par l’entente entre sunnites et chiites. Ceci ne suffit pas. S’il est vrai que les chrétiens sont le maillon faible dans l’équation politique nationale, tel n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de la présidentielle.
Le dialogue du Futur et du Hezbollah a pour objectif de réduire la tension communautaire. La présidence reste pour eux un but essentiel mais non déclaré, alors que celui des FL et du CPL se place sous l’étiquette affichée d’une «déclaration d’intentions» sur les principes communs, la présidence reste la clef effective de l’échec et du succès.
Si le dialogue Futur-Hezbollah est entouré de secret tant en ce qui concerne son agenda et ses résultats, celui des FL et du CPL reste obscur dans son contenu et son résultat. Ce dialogue est soumis à trois questions essentielles, dont les réponses délimitent le sort.
Le dialogue entre Michel Aoun et Samir Geagea peut-il se poursuivre et aboutir à un résultat utile sans que le sujet n’en soit principalement axé sur la présidence? S’il s’agit uniquement de briser la glace, de réduire l’inimitié politique et de gagner du temps, c’est une chose. Mais si le dialogue se veut productif et a pour objectif de tourner définitivement la page du passé, d’ouvrir une nouvelle page pour plus de coopération, c’est autre chose.
Dans le premier cas, une déclaration d’intentions suffirait, tandis que dans le deuxième, la présidence doit être mentionnée.
La deuxième question est de savoir si le dialogue Geagea-Aoun est tributaire de la décision du chef des FL au sujet de la présidentielle et d’un appui à l’élection du général Aoun. Ce dernier ne voit dans ce dialogue aucun préjudice ou perte pour lui, mais une difficulté à cibler sa politique et ses options. Le tête-à-tête avec le Dr Geagea est une autre affaire. Il ne prévoit pas une rencontre à deux avant de s’assurer de la décision de Geagea d’appuyer sa candidature et ses choix politiques.
En ce qui concerne celui-ci, à l’ombre de la crise de confiance entre les deux parties, il ne trouve pas indispensable de répondre directement et définitivement. Il suffit qu’il envoie des signaux politiques laissant entendre qu’il est disposé à dialoguer et à étudier le prix politique à son appui à la candidature de Aoun. Il est décidé à étudier la question en contrepartie d’un «scénario probable» qui prendrait en compte la perception que Aoun a du dialogue et sa définition de la présidence.
Au cas où Aoun et Geagea s’entendaient sur la présidence de la République, que l’accord porte sur Aoun, ou sur un troisième candidat, l’entente chrétienne aura-t-elle lieu?
Sans aucun doute, un tel accord constituerait une brèche importante et embarrasserait les acteurs qui ont misé sur la discorde des deux leaders chrétiens pour garder la présidence vacante.
La crise présidentielle se présente, dit-on, comme suit: le général Aoun est le problème et la solution. Il constitue le principal obstacle à un candidat consensuel. Le dernier mot dans cette élection a été laissé pratiquement à Geagea.
Le Hezbollah confirme, matin et soir, que Michel Aoun est son unique candidat, même s’il devait parvenir à Baabda via Samir Geagea. Saad Hariri avait conseillé à Michel Aoun d’en référer aux chrétiens du 14 mars.
Après un an presque, la présidentielle est soumise à l’équation suivante: si Rabié est le passage indispensable pour remplir le vide laissé à Baabda, sa route passe par Maarab. Le Hezbollah et le Futur s’en tiendront-ils à leur accord de principe et s’arrêteront-ils sur ce qu’ils ont convenu à Aïn el-Tiné? Si les deux alliés acceptaient que Aoun-Geagea s’entendent sur l’hôte potentiel de Baabda, qu’en est-il de Berry et de Walid Joumblatt? D’Amine Gemayel et de Sleiman Frangié? Des chrétiens du 14 mars? L’entente chrétienne doit être complétée par une entente musulmane pour devenir un accord national qui doit amener le nouveau président de la République quel qu’il soit.

Chaouki Achkouti

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