Magazine Le Mensuel

Nº 2991 du vendredi 6 mars 2015

Confidences Liban

Confidences Liban

Berry préfère Hariri à Bassil
Le ministre Gebran Bassil, qui avait assisté à la rencontre Aoun-Hariri, a tenu, le lendemain, à informer le Hezbollah du climat qui a régné durant la rencontre. Bassil souhaitait aussi en instruire le président Nabih Berry et avait sollicité pour cela un rendez-vous qui n’a pas été fixé. De deux choses l’une: ou l’agenda du chef de l’Assemblée était si surchargé de rendez-vous pris à l’avance qu’il n’a pas pu recevoir Bassil qui était pressé puisqu’il s’envolait le lendemain vers l’Amérique du Sud… Ou alors, Berry a préféré être mis au courant des résultats de la rencontre par Saad Hariri en personne qui lui a rendu visite à Aïn el-Tiné.

 

Le Liban dans la stratégie antiterroriste de l’UE
Les instituts de l’Union européenne élaborent des stratégies de lutte antiterroriste tous azimuts. Un combat que les Européens sont décidés à mener à l’intérieur de l’espace européen et dans les pays avoisinants de la Syrie dont le Liban. C’est dans ce cadre que l’assistance à l’armée doit englober, selon ces stratégies, le renforcement du système logistique de la troupe, la consolidation de ses capacités opératoires au double plan de la planification et de l’exécution, la mise sur pied d’une structure militaire pour assurer et gérer la sécurité aux frontières. Le Liban semble accepter de s’impliquer de plus en plus dans la stratégie européenne antiterroriste qui inclut la chasse aux combattants étrangers venus de quelque douze pays européens pour rejoindre l’Irak et la Syrie. Ils seraient au nombre de 4000, comme l’a révélé le coordinateur chargé de la lutte antiterroriste de l’UE, Gilles de Kerchove.

Logique présidentielle
Le groupe international d’appui au Liban est appelé à aider Paris dans sa mission de protection du pays du Cèdre en assurant l’accession à la présidence de la République d’un chef d’Etat consensuel, dans les plus brefs délais, et en dissociant la question libanaise des crises régionales, indique-t-on de sources officielles françaises.
Ces sources analysent la réalité libanaise selon la logique suivante: il existe un candidat incontournable qui aspire à la présidence, le général Michel Aoun mais, jusqu’à présent, ses vœux n’ont pas pu être exaucés par le biais constitutionnel. Alors pour régler ce problème, on se trouve devant l’alternative suivante: soit on parvient à une entente interne sur la personne du général Aoun, soit ce dernier se retire en faveur de celui qui pourra obtenir la majorité.

Dès que le printemps revient…
Toutes les échéances libanaises, dont la présidentielle en premier lieu, resteront en suspens et seront ajournées en attendant les résultats de la bataille du printemps qui se prépare, selon les prévisions des observateurs. Les résultats sur le terrain de cette confrontation auront certainement des incidences sur la conjoncture libanaise interne, ajoutent-ils, et pourraient modifier la donne.

Armée: préservation des institutions
La prorogation du mandat de certains officiers a été soulevée par le général Michel Aoun, lors de sa rencontre avec l’ex-Premier ministre Saad Hariri, dans la demeure du centre-ville. L’ex-commandant en chef de l’armée a qualifié cette décision d’illégale, ce à quoi Hariri aurait répondu que le règlement de ces problèmes passe par l’élection d’un président de la République et la formation d’un nouveau gouvernement, assurant qu’il n’est pas contre les promotions, mais que la démarche du ministre de la Défense, Samir Mokbel, prise en accord avec le Premier ministre, Tammam Salam, a pour but de contourner le vide. L’impossibilité de désigner un successeur au général Mohammad Kheir aurait entraîné la paralysie du Conseil militaire, et par conséquent de l’armée, à l’ombre de quatre postes inoccupés sur six au sein de cette institution.

Joumblatt-Arslan: rien ne va plus
Les incidences de la guerre en Syrie ont entraîné des dissensions entre les députés Walid Joumblatt et Talal Arslan. Après la déclaration tumultueuse de Joumblatt qui s’est dit prêt à appuyer jusqu’au dernier Syrien qui combat le régime d’Assad, Arslan a tout de suite réagi, rappelant l’histoire de la communauté druze dans le Golan et Jabal el-Arab. Il a aussi évoqué la Résistance et apporté son soutien au président Bachar el-Assad, assurant que tous les druzes sont à ses côtés. Il a même ajouté que les déclarations de Joumblatt n’expriment pas la position de la communauté. Aussi, il y a peu de temps, le député de Aley a rencontré le président syrien à deux reprises, ajoutez à cela le communiqué publié par le cheikh akl, nommé par Arslan, Nassereddine el-Gharib dans lequel il critique le leader de Moukhtara sans le nommer… Tout cela a incommodé Joumblatt et ses partisans.

Les «Saraya» indésirables à Saïda
On parle à Saïda d’un projet de rapprochement entre le Moustaqbal (Bahia Hariri) et l’Organisation populaire nassérienne (Oussama Saad). Les motifs de cette fraternisation relèvent de la situation dans la ville même et ne sont pas liés au dialogue de Aïn el-Tiné. Il s’agit d’une réaction commune contre les «Saraya» de la Résistance du Hezbollah dont la dissolution est réclamée par le Moustaqbal. Le sujet a été mis à l’agenda du dialogue à plusieurs reprises… Mais il semble que le parti chiite a décidé d’avoir recours à ces brigades, après que son allié Oussama Saad eut hésité à se positionner, préférant jouer la carte de la neutralité, en cas de conflit à caractère communautaire.

 

Salem el-Raféï à Rabié
Préparatifs en cours pour la visite d’une délégation du Comité des ulémas musulmans, menée par le cheikh Salem el-Raféï à Rabié, pour une rencontre avec le général Michel Aoun. Après la tempête déclenchée par le hissage des drapeaux noirs qui avait entraîné l’intervention du mohafez du Nord, Ramzi Nohra (proche du CPL), le coordinateur du Courant patriotique libre dans la capitale du Liban-Nord, Tony Mourani, a fait son possible pour gérer la situation en prenant contact avec les institutions islamiques. Une réunion avait suivi au domicile de Raféï au cours de laquelle ce dernier a confié au représentant du CPL un livre, en guise de cadeau à remettre à Aoun et l’a prié de transmettre ses salutations au général.

 

Incident à Masnaa
La presse syrienne rapporte un incident qui a eu lieu au passage de Masnaa, il y a quelques jours. Des activistes loyalistes racontent qu’une «citoyenne syrienne mariée à un Libanais a dû être hospitalisée à la suite d’un accident domestique. L’époux libanais a alors demandé à sa belle-mère, qui vit à Damas, de venir l’aider à gérer la situation, d’autant plus que le couple a des enfants en bas âge. A l’arrivée de la dame aux Douanes libanaises, les gendarmes ont exigé qu’elle exhibe une réservation d’hôtel pour la laisser passer. Après discussion, l’un des soldats lui précise qu’elle doit alors avoir sur elle la somme de 1000 dollars pour obtenir l’autorisation de rentrer au Liban, selon les lois en vigueur. Elle a fini par rebrousser chemin. Mais les réactions à cet incident se sont résumées à des insultes et des injures à l’encontre des soldats. Les observateurs estiment qu’il est nécessaire d’expliquer au public les objectifs des mesures appliquées aux frontières, après la marée de réfugiés entrés au Liban dans le désordre le plus total, afin que les fonctionnaires en poste ne fassent pas l’objet d’invectives et ne soient pas traités de tous les noms.

Projets controversés au Nord
Le directeur du Conseil pour le développement et la reconstruction (CDR), Nabil Jisr, a été contraint d’enterrer le Plan de développement stratégique pour le Akkar auquel le député Mouïn Meraabi a opposé son veto. Ces informations émanent de sources du Liban-Nord qui indiquent que Saad Hariri n’a pas apporté un soutien réel à Jisr face au député extrémiste, ce qui a entraîné l’annulation de ce projet vital pour le Akkar. Les sources craignent que «l’indifférence» de Hariri ne mène à l’expansion de la pensée takfiriste dans cette région, surtout que le projet de parking sur la place al-Tall à Tripoli a entraîné une large division dans l’équipe Hariri et sa base populaire. Ce qui est sûr, c’est que cette affaire d’al-Tall s’est transformée en crise qui risque de renverser le conseil municipal et de gêner les députés et ministres du chef-lieu du Liban-Nord. Des sources islamistes parlent de pressions exercées par l’ex-Premier ministre et le CDR sur la municipalité pour l’amener à approuver ce projet octroyé à l’une des entreprises de Hariri pour un montant de 24 millions de dollars, incluant un bénéfice net de 5 millions.

Entre Israël et les takfiristes
Mise en garde d’une haute instance libanaise contre des rapports israéliens qui signalent une tendance chez les Ikhwan palestiniens de mettre sur pied «une armée au Liban». Il est possible que ces rapports, selon des proches de cette instance, soient un prélude à l’ingérence de l’Etat hébreu dans la carte et la structure des forces takfiristes dans les camps, surtout à Beyrouth et à Aïn el-Heloué. Le Hamas est accusé de fermer l’œil sur l’influence des takfiristes à l’intérieur des camps, évitant de combattre sérieusement les groupes et réseaux terroristes qui poussent comme des champignons parmi les Palestiniens. Les mêmes sources formulent leur pessimisme par rapport au timing de la «proposition israélienne», alors que les Frères musulmans palestiniens sont de plus en plus montés contre le Hezbollah et l’Iran. Si Tel-Aviv réussit à mobiliser des éléments islamistes palestiniens pour combattre le Hezbollah en Syrie, cela donne un indice sur l’existence de dénominateurs communs entre Israël et les milieux du Hamas qui ont fait des paris avancés d’ordre politique et communautaire contre la Syrie, le Hezbollah et l’Egypte. Ces milieux pourraient s’aventurer à accepter l’offre de l’Etat hébreu.

Antiterrorisme: deux visions stratégiques
L’obstacle essentiel qui bloque l’acquisition d’armes adaptées aux besoins du Liban par l’armée vient des Etats-Unis, estime un expert militaire. Les intérêts de Washington restent contraires à ceux de Beyrouth en matière de guerre contre le terrorisme, selon lui. Evoquant les confrontations armées dans le village de Aïn Arab et à Mossoul, il pense que le plan américain vise à exploiter cette guerre pour construire ou protéger des équilibres stratégiques précis à l’échelle régionale et internationale. L’appui tactique et stratégique aérien et logistique apporté par les Américains vise plus à «assimiler le terrorisme» qu’à le déraciner. Le blocage du contrat pour l’armement de la troupe libanaise, mis au point entre la France et l’Arabie saoudite, est loin d’être uniquement relié à des motifs traditionnels, à savoir la sécurité d’Israël, les intérêts commerciaux et l’allégeance au pourvoyeur des armes, mais plutôt aux différences au niveau de l’approche stratégique de lutte contre le terrorisme entre le Liban et les Etats-Unis, malgré la coïncidence des deux visions en certains points. L’expert doute que les Américains donnent leur feu vert à l’acquisition prochaine par l’institution militaire libanaise d’armes adaptées à la situation. Il n’est pas convenable, ajoute-t-il, de faire de grands discours sur «l’appui des Américains» à l’armée chaque fois que l’on reçoit quelques chars, quelques canons et des munitions… parce que les Américains et les forces de l’Otan savent bien que les ennemis de la troupe dans le jurd détiennent un arsenal d’armes modernes d’origine occidentale et orientale et adapté à la guérilla.

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