Magazine Le Mensuel

Nº 2991 du vendredi 6 mars 2015

Dialogue

Futur-Hezbollah. Le dialogue change d’orientation

Saad Hariri, conscient probablement que l’élection présidentielle n’est pas la priorité du Hezbollah, a choisi de placer le dialogue sous le thème de l’antiterrorisme. Car, en dépit de la gravité du danger qui menace à la frontière et de la difficulté d’amener le dialogue sur le chapitre de la stratégie nationale de la lutte contre le terrorisme, il fallait maintenir celui-ci pour de multiples raisons.
 

L’entente du Hezbollah et du Futur sur une stratégie nationale de la guerre contre le terrorisme est quasi impossible vu le conflit qui domine au sein du gouvernement, notamment entre le 8 et le 14 mars, sur l’approche du problème à la frontière libano-syrienne et sur le danger qui franchit la frontière. Pour le Hezbollah et ses alliés, la menace sera plus grave après la fonte des neiges. Les batailles du printemps partiront du Qalamoun et, disent-ils, l’armée se trouvera dans l’incapacité d’y faire face seule. Elle sera obligée de coordonner son action avec le Hezbollah et l’armée syrienne. Par conséquent, si le Hezbollah base sa stratégie défensive nationale sur l’équation tripartite armée-peuple-Résistance, dans sa stratégie antiterroriste, les forces tripartites deviennent l’armée, la Résistance et le régime syrien.
Le Courant du futur et ses alliés se situent sur un autre axe et envisagent l’affrontement suivant deux grandes lignes, d’une part, lier l’Armée libanaise à une coalition internationale et obtenir, si besoin, un soutien aérien. Le déploiement des forces internationales à la frontière orientale de la Syrie, en parallèle du déploiement à la frontière sud avec Israël, conformément à la résolution 1701, qui comprend dans ses  clauses une possible extension, et permet au gouvernement de faire appel à un soutien international sur toutes les frontières, d’autre part. La stratégie nationale de lutte cotre le terrorisme requiert un dialogue national rassemblant tous les partenaires et forces politiques et communautaires. Elle ne peut pas être traitée dans un dialogue bilatéral, quelles que soient la dimension et la force des partenaires en présence. Un dialogue à l’échelle nationale doit être fait à l’initiative et sur convocation du chef de l’Etat.
Le parrainage régional du dialogue du Futur et du Hezbollah, qui couvre le Liban et ne comprend pas les frontières, est lié en quelque sorte à l’Arabie saoudite et à l’Iran, qui ont de doubles intérêts au pays du Cèdre, faisant abstraction par ailleurs de leurs mauvaises relations bilatérales. L’Iran ne veut pas que son allié, le Hezbollah, se noie dans des marécages internes au Liban, ce qui l’éloignerait de la bataille essentielle qu’il mène en Syrie, et voudrait qu’il protège ses arrières au Liban au moment où il regarde du côté syrien. L’Arabie saoudite, de son côté, souhaite que son allié, le Futur, ne paye pas le prix fort de n’importe quelle guerre intestine dans laquelle il serait le plus lésé, le grand perdant et le maillon le plus faible. Le radicalisme frapperait alors les deux parties et le Futur, courant modéré, ne s’y trouvera aucun rôle dans l’hypothèse d’une telle fitna. Un certain rapprochement entre l’Iran et l’Arabie a permis la formation du gouvernement Salam, dans lequel siègent le Futur et le Hezbollah. Ceci, toutefois, s’arrête à la frontière libano-syrienne dans la mesure où la Syrie continue à servir de scène de conflits et de règlement de comptes entre les deux pays aux côtés d’autres scènes régionales, par exemple l’Irak, le Yémen et Bahreïn.

Chaouki Achkouti

Flash sur la présidence
Le président Nabih Berry pense que, dorénavant, le dialogue entre le Hezbollah et le Futur devrait inscrire à son ordre du jour l’élection présidentielle, les problèmes de la sécurité ayant été abordés et résolus. La position du Hezbollah reste inchangée dans son soutien à l’élection du général Michel Aoun et assure qu’il faut en discuter avec le principal intéressé. Le président Saad Hariri, quant à lui, déclare qu’il ne serait pas contre cette candidature si elle était acceptée par les chrétiens. De son côté, le général Aoun veille à maintenir le contact avec Hariri, dans la mesure où il lui reconnaît un rôle efficace sur le plan local dans les chances de son accession à la première magistrature de l’Etat. Hariri n’a jamais mentionné un veto saoudien contre Aoun, alors qu’il a été dit que le royaume s’opposait à cette élection, à moins que le général ne déclare son adhésion à l’accord de Taëf, qu’il renonce à son alliance avec le Hezbollah et, par conséquent, à l’axe syro-iranien.

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