Magazine Le Mensuel

Nº 2992 du vendredi 13 mars 2015

POLITIQUE

Otages militaires. Un nouveau souffle

 Alors que les familles des otages de Ersal ont appris par les autorités du pays qu’une nouvelle médiation qataro-turque était en train de se mettre en place, un ancien geôlier, qui a été arrêté au début du mois, donne des détails précieux sur le fonctionnement des kidnappeurs islamistes.
 

Le 3 mars dernier, dans l’une des chambres de l’hôpital Farhat, situé à Jeb Jennine dans la Békaa-Ouest, une équipe des services de renseignements de l’armée a arrêté Hassan Ghourali, un jeune Syrien de 19 ans à peine. Ses frères d’armes au sein de l’organisation de l’Etat islamique (EI) le connaissaient sous le nom d’Abou Hareth el-Ansari. Les militaires ont été prévenus de sa présence grâce à un employé administratif de l’hôpital qui, constatant ses graves blessures à la tête et sur le reste du corps, a jugé qu’il s’agissait d’un combattant islamiste qui a été admis, comme des dizaines d’autres avant lui, sous un faux nom. Ghourali a expliqué à ses médecins qu’il avait subi un accident de scooter. La ficelle était trop grosse, l’hôpital donne l’alerte. Interrogé par les enquêteurs, Ghourali s’est très vite mis à table.
Le parcours jihadiste de Ghourali a débuté il y a un an près de Zamrani, sur les hauteurs du Qalamoun syrien. Il s’était alors enrôlé dans les rangs du Front al-Nosra jusqu’au milieu de l’été dernier lorsque lui, ainsi que plusieurs de ses compagnons, ont quitté al-Nosra pour rejoindre l’EI. C’est à ce moment-là qu’il réceptionnera les militaires et les policiers pris en otages à Ersal. Il explique aux enquêteurs qu’il s’est chargé du transfert des otages aux mains de l’EI d’un endroit à un autre en août dernier. Il révèlera qu’il a été le témoin direct des exécutions des soldats Ali Sayyed et Abbas Medlege et qu’il a participé à l’ensevelissement de leurs corps. Ghourali a donné aux enquêteurs le nom du responsable des décapitations. Sur la foi d’informations récoltées auprès d’autres personnes interrogées, les enquêteurs sont convaincus que Ghourali a directement participé à l’exécution des deux otages.
Expliquant avoir fait partie de plusieurs groupes terroristes dont il a suivi les entraînements militaires, Ghourali a avoué avoir participé à des attaques contre des positions de l’Armée libanaise dans le jurd de Ersal (Békaa) en août 2014, notamment contre la caserne de Wadi Hosn, opération décidée après l’arrestation de Imad Jomaa, ainsi qu’à la bataille de Tallet el-Hamra, dans le jurd de Ras Baalbeck qui a opposé le 23 février dernier l’armée à l’EI. C’est visiblement là que Ghourali a été gravement blessé. Soigné depuis lors dans l’un des hôpitaux réservés aux combattants à Ersal, il a ensuite été transporté dans une ambulance à l’hôpital Farhat. D’après plusieurs sources militaires, Ghourali a également donné aux enquêteurs des informations sur le fonctionnement, l’organisation et les modes opératoires de l’EI. C’est sur la foi de ces informations que l’armée a lancé cette semaine des recherches dans les camps de réfugiés syriens installés dans la Békaa.
Après l’interrogatoire mené par le juge d’instruction militaire Imad Zein qui a émis contre Ghourali un mandat d’arrêt, le commissaire du gouvernement à la Cour militaire Saqr Saqr l’a inculpé pour appartenance à une organisation terroriste armée, sédition et enlèvement contre des soldats. Il risque la peine de mort.
Par ailleurs, les familles ont décidé de suspendre leur mouvement d’escalade. « Cette décision a été prise à la lumière des informations et des données positives en ce qui concerne l’action du gouvernement et de la délégation qatarie, dont le travail est sérieux».

Julien Abi Ramia
 

Les familles mobilisées
Mardi 10 mars, une délégation des familles des militaires retenus en otages a été reçue, mardi, par le ministre de la Santé, Waël Abou Faour. Au terme de la rencontre, Talal Taleb, père du soldat otage Mohammad Taleb, s’est exprimé pour remercier le ministre, le Premier ministre Tammam Salam et le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, pour les efforts qu’ils déploient en vue d’obtenir la libération des otages, tout en regrettant la non-évolution du dossier. Le père du soldat Mohammad Youssef, Hussein Youssef, a précisé qu’une équipe qatarie a pris en charge ce dossier «d’une façon différente» et qu’il ne s’agissait plus seulement d’un médiateur individuel. «Les choses avancent d’une manière acceptable du côté d’al-Nosra, en attendant qu’elles s’activent bientôt du côté de l’EI», a-t-il ajouté. 

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